© Michel Conraud
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France Elites 2015 # 3



Danse Courte - Apprendre à voler

 

Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron nous ont beaucoup manqué lors des Grand Prix, les revoici enfin sur la glace d'Epinal. Dès leur entrée en piste, avant même que ne démarre la musique, le ton est donné : classe, élégance, douceur et fluidité. Elle, vêtue de vermillon, sobrement dramatique, pas de théâtre inutile. Lui en blanc et noir, longiligne, parfait gentleman. Peut-être sont-ils un peu plus lents et un peu moins assurés que d'habitude sur leurs twizzles. Mais c'est ici leur première apparition en compétition depuis la commotion cérébrale de Gabriella à la fin de l'été, accident qui a stoppé net leur préparation. Pas de valse de Vienne ou de standard facile avec eux. Sur "Charms" d'Abel Korzeniewski (bande originale du film "W.E."), ils nous content une histoire douce et joliment triste au début, et qui finit en espoir virevoltant après une Marche élégante et enlevée. Deux minutes cinquante d'un exercice technique hyper ardu où l'on ne voit en fait que simplicité, légèreté, intensité et sobriété. La prestation leur rapporte 73.60 points avec quatre éléments de niveaux 4, deux de niveau 3 et des composantes de 9.00 à 9.75. Du très grand art.

 

La comparaison est forcément difficile avec les deux couples qui les suivent et qui n'ont pourtant pas démérité. Mais affronter les champion d'Europe et du Monde en titre a ses aléas ! Lorenza Alessandrini et Pierre Souquet obtiennent 49.28 points, avec une déduction pour porté trop long. Leur medley de chansons d'Yves Montand est parfaitement dans l'esprit de la valse, mais ils pêchent encore par une technique mal assurée. 

 

Péroline Ojardias et Michael Bramante prennent la troisième place sur une version plutôt acide de "All of Me" et "We're gonna die Young" avec 44.26 points et des GOE négatifs sur 3 de 5 des éléments.


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Danse libre - Construire

 

Mozart a été, l'an dernier, le programme de la révélation. Voici celui de la maturité. Les deux premières phrases chantées le résument parfaitement :"This is a place where I don't feel alone, this is a place where I feel at home". [C'est un endroit où je ne me sens pas seul/e, c'est un endroit où je me sens chez moi]. La glace leur appartient, ils sont deux, mais il ne font qu'un. C'est sans doute leur incroyable osmose, leur parfaite unité de geste qui fait leur principale différence. Dès la première note, le premier geste, Papadakis/Cizeron entrent dans un autre monde et nous y entrons avec eux. Tout est limpide, léger et en même temps, d'une remarquable intensité. Comme l'an dernier, leur montage chorégraphique est époustouflant. Il épouse chaque variation de la musique, leurs gestes sont en phase avec chaque note. On oublie totalement la difficulté de l'exercice, la complexité des pas, des portés, à travers la pureté de leurs lignes, et cette apparente facilité. Regardez leurs patins et cette extraordinaire proximité. Ils se touchent presque. C'est techniquement et artistiquement stupéfiant. On a le sentiment qu'ils ne font qu'effleurer la glace, ils se sont envolés. La montée en intensité de la musique, l'accélération du mouvement, tout est construit comme l'acte d'amour physique, avec un début caressant et tendre, puis un moment d'élan charnel envoûtant, d'une violente émotion, et enfin l'apaisement, la sérénité qui suivraient le plaisir. Un hymne à l'amour, à la mélancolie, au don de soi, un tissage délicat et éthéré, conçut comme on peint un tableau. Il va être, encore une fois, très difficile à leurs concurrents européens et mondiaux de rivaliser avec cette palette d'émotions et de talent. Quatre niveaux 4, deux niveaux 3, mais aussi un niveau 2 et un niveau 1 rappellent qu'il reste du travail à effectuer sur ce libre magnifique mais pas encore parfait. 110.30 points, et 183.90 au total, soit un score qui aurait pu être plus élevé, malgré les trois 10.0 reçus en composantes. 

 

Derrière Papadakis/Cizeron, le classement de la short dance reste le même après la danse libre. Alessandrini/Souquet (129.85 pts) sont clairement en progrès. Ils obtiennent à la fois de bonnes notes techniques et de bons grades d'exécution. Ojardias/Bramante (118.13), dans un patinage plus junior sur une chorégraphie inégale, paraissent moins assurés que sur la short dance.