Geoffrey est de Limoges, Evgeniia de Moscou. Ils sont en arrivé sur le circuit international en douceur et sans bruit, 10ème des championnats du Monde Juniors 2019, deux points et deux places derrière les Villardins Demougeot/Le Mercier. Quelques mois plus tôt, ils étaient seconds de l'Egna Dance Trophy. Quelques mois plus tard, passés seniors, ils seront 4ème des Masters de Villard de Lans. Depuis, ils n'ont cessé d'avancer. L'an dernier à Graz en Autriche, pour leur première participation à des championnats Européens, ils étaient 15èmes, ravis, un sourire jusqu'aux oreilles. Il suffit de les regarder sur la glace une seule fois pour comprendre : la danse est leur passion. Ils vivent par et pour elle. Ils l'ont dans l'âme et dans la peau. Nous les rencontrons à la patinoire Baraban de Lyon, où ils sont tous les deux licenciés, entraînés par le tandem Fabian Bourzat et Roxanne Pétetin.
Skate Info Glace : Au départ, vous patiniez avec des partenaires différents. Comment vous êtes-vous trouvés ?
Geoffrey Brissaud : Oui, je patinais avec Sarah-Marine Rouffanche.
Evgeniia Lopareva : Moi avec Alexey Karpushov en Russie. Geoffrey et moi nous sommes trouvés sur Internet. Sur le site Ice Partner Search. Geoffrey était mon premier contact et ça a été le seul.
G.B. : Elle est venue à Lyon faire un essai, et ça a tout de suite marché ! C'était il y a bientôt trois ans.
S.I.G. : Comment s'est passé le (premier) confinement pour vous ?
G.B. : Les choses ont été compliquées. Evgeniia a été bloquée en Russie dans l'attente d'un nouveau visa, un visa de tourisme ne suffisant pas. Le Coronavirus a encore rallongé les délais et elle n'a pu revenir à Lyon que pendant la deuxième quinzaine d'août. Pendant son absence, nous étions bien sûr en contact. Nous avons essayé de travailler chacun de notre côté, de conserver une bonne forme physique.
E.L. : Nous n'avons pas pu patiner ensemble pendant cinq mois. C'est long... J'étais en quarantaine comme ici, pendant presque trois mois. Nous avons travaillé en ligne, sur Internet, en visio-conférence avec nos coaches. C'était une expérience... à part. J'ai participé à un stage d'été en Russie, mais Geoffrey n'a pas pu venir. Donc nous avons continué de travailler sur nos programmes... en ligne. Notre lieu d'entraînement habituel est Moscou, et nos coaches sont Ekaterina Rubleva et Ivan Shefer. Mais il n'est toujours pas possible à Geoffrey d'entrer en Russie,. En fait, le premier qui a pu rejoindre l'autre l'a fait et c'était moi. Les visio-conférences continuent entre nous et nos coaches, ceux de Lyon et ceux de Moscou.
S.I.G. : Pourquoi avez-vous conservé votre danse libre sur "Adagio for Tron" de Daft Punk cette saison ?
G.B. : Pour en changer, il aurait fallu que nous puissions travailler ensemble depuis le printemps. En reprenant le travail sur glace ensemble en août, il était trop tard. Nous voulions vraiment être prêts pour les Masters. Mais nous aimons beaucoup ce programme, ça ne nous a pas gênés de le reprendre, au contraire. Nous y avons apporté quelques changements comme tu as pu le voir aux Masters, et d'ailleurs on continue ! Nous voulons effectuer des modifications plus approfondies. Nous étudions ça avec Fabian et Roxanne, et nous les soumettons aussi à nos coaches en Russie. Par contre, avant les Masters, nous n'avions rien changé à notre danse courte [qui est restée la même que l'an dernier pour tous les compétiteurs], et là aussi, nous sommes en plein remodelage. Quand tu patines le même programme pendant deux ans, tu as besoin de le faire évoluer pour te sentir bien dedans.
S.I.G. : Cette année est vraiment très bizarre, mais, malgré les incertitudes, avez-vous des objectifs définis ?
G.B. : En terme de classement non, puisqu'on ne sait pas si les compétitions auront lieu, mais nous voulons corriger des erreurs récurrentes et améliorer nos skating skills. Nous avons progressé au niveau technique, mais nous devons essayer de gagner en émotion, en connexion entre nous et avec le public, c'est notre cheval de bataille cette année. Nous voulons aussi améliorer notre fluidité. Nos objectifs, c'est devenir meilleurs !
S.I.G. : Que faites-vous quand vous n'êtes pas sur les patins ? Des études ?
E.L. : Cette été, pendant la période de quarantaine, j'ai terminé mes études pour être entraîneur, et l'année prochaine, je vais étudier la chorégraphie. C'est un peu compliqué car certains examens tombent pendant des compétitions.
G.B. : Moi aussi je souhaite devenir coach, c'est en cours, j'apprends avec Fabian !
S.I.G. : Vous pratiquez d'autres sports pendant votre temps libre ?
E.L. : Non, je n'ai pas le temps, mais j'adore la danse, pas seulement sur la glace. Je pratique aussi la danse au sol. Pendant la quarantaine, j'ai pris des leçons sur Internet. J'essaye d'engranger des connaissances puisque je me destine à la chorégraphie dans le futur. J'aime transposer des mouvements de danse au sol sur la glace. J'aime aussi beaucoup la musique, j'en écoute tout le temps, de tous les styles. J'aime le jazz, mais le vrai bon jazz, pas le "bruit" (rires). Je crois que le seul courant musical que je n'écoute jamais c'est le hard-rock, le heavy metal !
G.B. : J'aime voyager et étudier différentes cultures. En ce moment c'est un peu raté mais... (rires) J'aime aussi l'histoire, je lis des livres d'histoires, c'est mon petit plaisir secret !
S.I.G. : Fabian, quels sont leurs points forts et leurs points faibles selon toi ?
Fabian Bourzat : Ils sont très intelligents. Je ne sais pas si c'est un point fort ou un point faible, mais je peux te dire qu'il n'est pas toujours facile de travailler avec des gens comme eux car ils ont besoin de tout décortiquer et de tout comprendre. Je pense que ce qui est important pour eux cette année est de développer un patinage plus "senior", de montrer une vraie maturité. Ils ont de très bons fondamentaux, ils peuvent réaliser des difficultés techniques sans souci. Mais ils doivent apprendre à patiner plus ensemble, à se regarder, à avoir une vraie connexion, une osmose. C'est ainsi qu'ils pourront monter les échelons.
S.I.G. : Toi, tu as des objectifs pour eux cette saison ?
F.B. : Rien de précis car c'est une saison, les résultats ne voudront pas dire grand chose, la situation est tellement chaotique... Le but de notre travail c'est d'évoluer, encore et toujours.
S.I.G. : Trouver de la motivation cette année, c'est plus difficile ?
G.B. : Non, pas vraiment. Nous n'avons jamais eu de problème de motivation, nous aimons nous entraîner, être sur la glace. C'était compliqué ce printemps et au début de l'été quand on ne pouvait pas être physiquement au même endroit. Mais depuis qu'on a recommencé à patiner ensemble, je dirais presque que c'est le contraire, on est motivés comme jamais ! Remodeler, améliorer nos programmes, c'est intéressant, enrichissant, on sait pourquoi on se lève le matin.
S.I.G. : Vous prenez des cours de ballet comme beaucoup de vos homologues ?
Fabian intervient : A cause du Covid, nous n'avons pas encore pu développer un centre vraiment complet ici, mais c'est en projet. En attendant, nous n'avons pas de professeur de danse attaché au club. Dans l'avenir, quand les choses seront rentrées dans l'ordre au niveau sanitaire, Evgeniia et Geoffrey sont appelés à se partager entre Lyon et Moscou et nous voulons leur offrir un environnement au top.
S.I.G. : Que faites-vous de votre temps libre ?
G.B. : On danse ! (rires) Je passe beaucoup de temps ici à la patinoire. J'aime bien donner un coup de main pendant les cours avec les jeunes patineurs, je me familiarise avec mon futur métier.
Fabian : Il est là du soir au matin, c'est un mordu, un vrai. Evgeniia c'est pareil. Dès qu'elle a cinq minutes, elle va dans la salle de danse face au miroir et elle répète, elle essaie des mouvements.
E.L. : C'est vrai, la danse est ma grande passion !
Propos recueillis par Kate Royan pour S.I.G. © - Photographies par Alice Alvarez ©