© Solène Mathieu - S.I.G.
© Solène Mathieu - S.I.G.

MK JOHN WILSON TROPHY

12 novembre 2022

Danse rythmique


Des hommes en noir

 

Si le code couleur féminin de la danse rythmique à Angers était le bleu électrique, de l'autre côté de la Manche, ces messieurs se sont presque tous accordés sur le noir. Petite remarque musicale : il ne suffit pas d'ajouter une boîte à rythme sur des standards pop-radio pour en faire des danses latines. Je comprends que les danseurs veuillent dépoussiérer les meubles. C'est une bonne chose. Mais enlever le vernis, voire même attaquer le bois, c'est dommage. Beaucoup de programmes sont à la limite du hors thème. 

 

Avec Holubtsova/Bielobrov, nous avons droit au premier, et heureusement au seul, "Conga" de Gloria Estefan. Samba, rumba, samba : la construction est classique et efficace. Les Ukrainiens, qui s'entraînent à Oberstdorf et Montréal, et qui sont ici accompagnés de Romain Hagenauer, obtiennent leur Season Best avec 61.32 et la 10ème place provisoire. Les niveaux des twizzles montent à 4, mais ceux de la médiane sont seulement de 2. 

 

Franges vieux rose et haut léopard sur fond mauve pour Fabbri/Ayer qui évoluent sur trois morceaux de Latin Formation. Au moins, eux, sont en plein dans le thème. Les Canadiens, seniors depuis seulement deux ans, patinent vite, très vite. Et bien, dans le plus pur style technique Académie de Montréal. A part une petite erreur dans les twizzles pour Paul (niveau 3 contre 4 pour Alicia), tous les éléments sont propres. La diagonale aurait peut-être mérité un peu plus qu'un niveau 2. Ils sont 8èmes (67.45), devant leurs compatriotes Sales/Wamsteeker (63.35). Les élèves du trio Scott Moir, Madison Hubbell et Adrian Diaz, semblent moins à l'aise que Fabbri/Ayer. Le programme, rumba/cha-cha/samba par Pink Martini est aussi moins bien construit car trop ambitieux pour leur patinage. 

 

Les Géorgiens Kazakova/Reviya ont bien travaillé, et en peu de temps, depuis Angers. Ils décrochent leur Season Best (70.71) avec une RD techniquement beaucoup plus réussie. Adèle s'égosille toujours au milieu du programme sans qu'on comprenne ce qu'elle fait là, mais la saison est longue, on s'habituera. La robe de Maria, bleu électrique à chevrons argentés avec un rang de frange sur l'arrière-train et un autre à l'avant, est toujours aussi... peu seyante. La musique est dominée par des percussions bruyantes et exagérées, surtout à la fin. 

 

Taschelrova/Taschler ont opté pour Shakira et Enrique Iglesias. Colombie et Espagne, "Hips don't Lie", mais si, c'est latin ! Les tenues noires sont sobres, et les danseurs un peu agités. Beaucoup de mouvements de bras pour rien, les danses latines, c'est surtout plus bas que ça se passe. Ecoutez Shakira, c'est elle qui le dit, "les hanches ne mentent pas" !  La médiane de Filip est cotée 2, celle de Natalie est à 4 et les twizzles sont très bons. 74.09 les placent en 5ème position.

 

Anthony Ponomarenko, récemment blessé, est un bon danseur, mais il n'égalera jamais ses parents (quadruples champions d'Europe, triples champions du Monde, une médaille de bronze, une médaille d'argent et une médaille d'or olympiques). Les (vieux) fans de danse sur glace ayant de la mémoire, le nom doit être difficile à porter. Né en Californie, il patine avec Christina Carreira pour les Etats-Unis. Le couple a récemment quitté l'équipe Shpilband-Camerlengo pour rejoindre Moir-Hubbell-Diaz, avec la participation de Patrice Lauzon, à la succursale London Ontario de l'Académie de Montréal. Leur danse rythmique (comme leur danse libre) compte Marie-France Dubreuil parmi ses chorégraphes. Ils ont donc tous les atouts de leur côté et si l'on entend de nouveau résonner la voix de Gloria Estefan, c'est pour "Brazil 305", additionné de Juju Orchestra et de... Shirley Bassey. Les GOEs et les composantes sont correctes et reflètent leur niveau. Le programme est intéressant, beaucoup plus élaboré que les précédents, c'est à dire moins lisse à l'américaine. Avec 75.00 points tout rond, ils sont 7èmes. 

 

Oona et Gage Brown, frère et soeur, ont un patinage très glissé, donc très agréable à l'oeil. Si la robe noire jaune et verte un peu surchargée d'Oona est dans le thème latin, la musique, elle, est complètement à côté. Mais, la fameuse boîte à rythme greffée sur "Bones" d'Imagine Dragons, groupe de pop-rock par excellence, réussit (presque) à transformer le tout en vrai cha-cha. Le deuxième couple américain, coaché à Long Island par Ines Bucevica et Joel Dear, est 7ème avec 70.34 et un Season Best à la clef. Malgré l'énergie dépensée, à la fin du programme les deux patineurs semblent frais comme des gardons ! 

 

Il n'y a pas moins de six noms listés comme entraîneurs et/ou chorégraphes de Marjorie Lajoie/Zachary Lagha : Romain Haguenauer, Marie-France Dubreuil, Patrice Lauzon, Pascal Denis, Ginette Cournoyer et Josée Piche. Et tout ce beau monde n'arrive visiblement pas empêcher le couple de vouloir copier, peut-être inconsciemment, à la fois Papadakis/Cizeron et Virtue/Moir. Qu'on ne se trompe pas, je salue le talent et le potentiel de ce jeune couple dans leur cha-cha, samba-samba de Bellini, comme dans tous ses programmes. Mais je pense qu'il gagnerait beaucoup à se trouver son propre style. Ils sont, au moment de leur passage, les plus rapides sur la glace et les plus justes au niveau de l'expression. Marjorie porte une robe noire et dorée façon papillote (c'est bientôt Noël !) et est légèrement plus à l'aise que son partenaire dans la médiane. Ils sont à égalité sur les twizzles (niveau 4), et se classent très logiquement au 3ème rang (81.09). "Nous étions très stressés mais nous sommes contents de notre performance. Nous avons retravaillé nos twizzles qui n’étaient que de niveau 3 au Skate Canada."

 

© Solène Mathieu - S.I.G.
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Jennifer Lopez et Marc Anthony sont parmi les onze musiciens listés comme auteurs des trois morceaux (dont le même en deux versions) utilisés par Lilah Fear et Lewis Gibson. On ne pourra jamais reprocher au couple de manquer d'énergie. Les deux patineurs sont très souples, leur portés sont très beaux, et le soutien du public de Sheffield leur est acquis. Lilah, dans une très jolie robe à fleurs sur fond vert, patine à la Anna Cappellini. C'est à dire à plat. Lewis, lui, a une excellente profondeur de carres. Un bon gros souffle d'inflation géographique les amène à engranger 85.37 points. Les juges sont des être humains et il est difficile de leur reprocher d'être inconsciemment influencés par les viva de la foule en délire. J'exagère un peu... La patinoire est petite et n'a pas fait le plein. La seconde place des Britanniques est néanmoins amplement méritée. "Nous sommes très émus de voir tous ces drapeaux anglais dans le public. Depuis le Skate Canada nous avons particulièrement travaillé la step séquence".

 

© Solène Mathieu - S.I.G.
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Le faible écart de points qui les sépare de Charlène Guignard et Marco Fabbri l'est beaucoup moins (mérité). Avec les Italiens, nous entrons quand même dans une toute autre sphère de la spécialité. Je ne suis toujours pas convaincue par le choix de Grace Jones en thème musical revisité, mais leur coach, Barbara Fusar-Poli, a excellé des années dans les danses latines. Elle n'a pas perdu la main lors de la conception de cette RD. Les difficultés techniques et la recherche des éléments chorégraphiques sont très supérieures à celles de leurs concurrents. L'exécution et l'interprétation sont aussi beaucoup plus abouties. Les Italiens n'obtiennent qu'un niveau 3 sur leur médiane qui est pourtant un modèle du genre. Ils tiennent la tête avec seulement 86.30. J'espère pour eux et pour la discipline qu'ils seront mieux notés demain. 

 

"Nous avons mieux patiné qu’en France où nous avions fait quelques erreurs. Nous n’avons rien changé techniquement, nous n’avions pas le temps mais nous étions plus en confiance aujourd’hui. Nous allons retravailler certains éléments techniques sur lesquels nous avons eu des retours. Notre arrivée à Sheffield n’a pas été des plus simples. Le chauffeur de taxi nous a emmenés à Birmingham par erreur au lieu de Sheffield (rires)".



Par Kate ROYAN pour Skate Info Glace - Propos recueillis par Solène MATHIEU