Interview Coline Keriven

6 février 2023


  

Coline Keriven a annoncé la fin de sa carrière de patineuse début février 2023. Elle nous a expliqué dans cette interview les raisons de sa décision. Nous sommes également revenues sur les moments clés de sa carrière et avons pu aborder les sujets qui lui tiennent à cœur.

  

Solène : Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Coline : J'ai commencé le patinage à l’âge de quatre ans au club de Champigny-sur-Marne. J’ai patiné en individuel pendant douze ans. J'étais en sport-études, je participais à des compétitions régionales et nationales. A l’âge de seize ans, on m’a proposé d'entrer à l’INSEP. J’ai rencontré Claude Thévenard ainsi que Noël-Antoine Pierre qui cherchait une partenaire. Nous avons fait des essais qui se sont très bien passés. Je suis très vite tombée d'amoureuse de cette discipline. J’ai patiné avec Noël-Antoine pendant cinq ans et demi. Nous avons participé deux fois aux championnats de France Elite et aux championnats d'Europe. Nous étions sélectionnés pour les championnats du Monde à Montréal en mars 2020, qui ont malheureusement été annulés à cause de la pandémie. Nous avons toutefois pu participer aux championnats du Monde à Stockholm l'année d'après, ainsi qu’à un Grand Prix à Grenoble. Notre dernière compétition ensemble a été les championnats d'Europe à Tallinn en 2022. Après la fin de notre collaboration, la FFSG m'a proposé de faire des essais avec Tom Bouvart qui cherchait une partenaire pour commencer le patinage en couple. Cela s’est très bien passé. J'étais complètement consciente que cela signifiait recommencer à zéro puisque Tom n'avait jamais fait de couple mais j’avais envie de ce nouveau départ. Nous avons changé de ville et commencé à travailler avec Bruno Massot.

 

Solène : Quelles sont les raisons qui vous ont amenée à prendre la décision d'arrêter votre carrière ?

Coline : J’y réfléchissais depuis un moment. Je m’étais engagée auprès de Tom pour un an. Je voulais voir ce que cela donnerait et j’avais aussi vraiment envie de reprendre plaisir sur la glace, pouvoir patiner sans stress, enjeu ou pression. J'ai adoré cette année ! Après réflexion, je sens que je n’ai plus la même motivation qu'avant. Même si j'adore patiner, il faut avoir des rêves et des objectifs pour faire du haut niveau. Une autre raison est que je vais reprendre mes études. J'ai envie de pouvoir m’y consacrer complètement et d'aller en cours comme tout le monde ! Je vais suivre des études de psychologie pour devenir psychologue du sport. J’avais déjà obtenu une licence d'informatique mais je me suis rendue compte que ce n’était pas du tout ce que je voulais faire.

 

Solène : Pensez-vous continuer à patiner ?

Coline : Oui, pour le plaisir ! Je verrai selon mon emploi du temps mais je ne compte pas rester trop loin des patinoires !

 

Solène : Vous avez participé à votre dernière compétition il y a quelques jours, le Bavarian Open, après avoir annoncé votre fin de carrière. Quel était votre objectif ?

Coline : L'objectif de cette compétition était de prendre du plaisir. Il n’y avait aucun objectif de point ou de classement, même si j'aurais préféré que nous patinions un peu mieux. C'était surtout un moyen de clôturer de belle manière ma carrière. J'ai annoncé ma décision à Bruno et à Tom en décembre 2022. Nous avons pensé que cette dernière compétition me permettrait d’apporter un beau point final à ma carrière, en plus de permettre à Tom d’avoir une expérience supplémentaire en compétition internationale. Il cherche d’ailleurs une nouvelle partenaire pour continuer sa carrière.

 

Solène : Comment vous êtes-vous sentie lorsque la dernière note de la musique de votre programme libre a retenti dans la patinoire ?

Coline : C’était vraiment un bon moment et je suis très heureuse d'avoir terminé comme cela, avec Tom et Bruno. J’ai ressenti beaucoup d’émotions différentes. Lors du dernier entraînement officiel, j'ai pleuré. Cela me faisait très bizarre de me dire que c'était la dernière fois. Après le programme libre il y avait un mélange de nostalgie et de soulagement.

 

Solène : Que vous ont dit Bruno et Tom ?

Coline : Nous avons beaucoup parlé. Je les remercie énormément de cette dernière année qui m'a aidée à finir sur une belle note et à reprendre plaisir sur la glace. Je sais que Tom est aussi très heureux d'avoir pu faire ses débuts en couple avec moi, pas seulement parce que j’avais de l’expérience en couple, mais aussi tout simplement car nous nous sommes très bien entendus. Nous formions une très belle équipe tous les trois.

 

Solène : Quel est le meilleur souvenir de votre carrière ?

Coline : Mes premiers championnats d'Europe, à Graz en 2020 ! Nous y avons découvert le très haut niveau avec Noël-Antoine, c'était très impressionnant et nous avions très bien patiné, devant un public nombreux. Dans ma courte carrière, j’ai malheureusement vécu beaucoup de compétitions sans public à cause de la pandémie.

 

Solène : De quoi êtes-vous la plus fière ?

Coline : Je suis fière d'avoir pu atteindre ce niveau. Je ne pensais pas participer à des compétitions internationales lorsque j’étais petite, encore moins à des championnats du Monde ! Je suis également fière de cette dernière année pendant laquelle j'ai beaucoup grandi. Cela n’a pas été simple de devoir redémarrer à zéro mais cela s’est très bien passé.

 

Solène : Vous publiez des photos sur Instagram. Est-ce un de vos loisirs ?

Coline : J’ai commencé il y a environ un an, d’abord en prenant en photo mes amis. Maintenant, j'aime beaucoup faire de la photo de rue. C'est un loisir que j'essaie de développer. On verra où cela me mène !

 

Solène : Sur Instagram vous aviez également publié un message important sur la pression exercée sur les femmes par rapport à leur corps. Est-ce que vous pouvez nous en parler ?

Coline : C’est un sujet très important dans le sport et surtout dans le patinage. Il n’y a pas eu que des moments faciles dans ma carrière. La pression est forte pour les patineuses, particulièrement en couple. Personne dans mon entourage ne m’a fait de remarque, mais c'est une pression ambiante qui nous touche toutes. Beaucoup d’entre nous sommes passées par des phases de troubles alimentaires. C'est encore tabou. Cela peut gâcher une carrière, gâcher un quotidien et détruire certaines patineuses. C’est important que nous puissions en parler. Je vais beaucoup mieux mais je trouve cela triste que nous soyons si nombreuses à passer par là. Nous travaillons sur ce sujet, notamment avec Noël-Antoine, mon ancien partenaire. Il est Président de la commission des athlètes de haut niveau de la FFSG. J’ai été chargée de développer la sensibilisation et la prévention des troubles alimentaires chez les sportifs. Nous voulons en parler avec les entraîneurs, les patineurs et la fédération, c’est vraiment important.


Par Solène MATHIEU pour Skate Info Glace