© Solène Mathieu
© Solène Mathieu

GRAND PRIX D'ESPOO

27 novembre 2022

Interview - Aljona Savchenko


Quintuple championne du Monde avec Robin Szolkowy, championne olympique et du Monde avec Bruno Massot, Aljona Savchenko est une légende du patinage de couple. A 38 ans, elle est désormais passée de l'autre côté de la barrière et entraîne de jeunes couples. Elle nous a fait le plaisir de répondre à quelques questions.

 

Solène : Vous entraînez deux couples au Grand Prix d'Espoo, Greta & John Crafoord et Nika Osipova & Dmitry Epstein. Comment vivez-vous votre rôle en tant qu’entraîneuse ?

Aljona : C'est beaucoup de pression ! C'est très différent de patiner parce que je ne peux pas contrôler ce qui se passe sur la glace. C'est difficile d’enseigner et de réussir à faire grandir un patineur.

 

Solène : Patinez-vous en spectacles ?

Aljona : Non, nous avons dû arrêter à cause du COVID-19. Bruno et moi avons ensuite déménagé dans des pays différents donc c'est un peu difficile maintenant.

 

Solène : Vous vivez aux Pays-Bas maintenant. Comment cela se passe-t-il ?

Aljona : Eh bien, je passe beaucoup de temps à la patinoire ! Ma nouvelle ville est plus grande qu'Oberstdorf. Parfois la montagne me manque mais c'est comme cela. Je dois aller de l'avant et construire quelque chose pour la prochaine génération.

 

Solène : Vous commentiez pour Eurosport. Est-ce encore le cas ?

Aljona : J'ai travaillé pour Eurosport en Allemagne lors de certaines compétitions et spectacles. C'est bien de faire quelque chose de différent mais c’est assez ponctuel. J’aimerais le faire plus souvent cela dit, c'est amusant !

 

Solène : Pouvez-vous me parler du programme d'entraînement hors glace sur lequel vous travaillez ?

Aljona : Il est important de travailler hors glace sur la chorégraphie et la préparation mentale par exemple. J'essaie d'enseigner aux patineurs les bases nécessaires pour réussir sur la glace. Parfois je vois des patineurs de bon niveau qui ne maîtrisent pas les bases. Il y a tellement d’éléments à travailler dans notre sport : vous devez être souple comme un gymnaste, musclé pour les portés et rapide sur la glace. C'est une combinaison difficile. Beaucoup de patineurs et d'entraîneurs ne le comprennent pas.

 

Solène : La plupart des patineurs aiment surtout sauter !

Aljona : Bien sûr ! Ils adorent sauter. Moi aussi (rires). Mais le patinage artistique ne consiste pas seulement à sauter, les patineurs doivent apprendre à plier les genoux, par exemple. Sans les bases, vous pouvez atteindre un certain niveau mais vous ne pourrez pas aller plus loin ou bien gérer la puberté par exemple.

 

Solène : Bruno Massot est aussi devenu entraîneur. L'avez-vous vu avec ses couples français ?

Aljona : J'ai vu Bruno quand il a commencé à entraîner en Suisse. Il s'est ensuite installé en France. Il fait un excellent travail et il a des patineurs talentueux. Je les ai vus lors de leur dernière compétition à Varsovie. C'est important que nous puissions aider les jeunes patineurs.

 

Solène : Robin Szolkowy est également entraîneur et Meagan Duhamel travaille avec des patineurs. Votre génération travaille beaucoup pour la jeune génération !

Aljona : Lorsque nous venons en compétition, nous rencontrons beaucoup de patineurs à la retraite avec lesquels nous étions en concurrence à l’époque. Nous entraînons les jeunes maintenant ou faisons autre chose en lien avec le patinage. C'est très drôle de se voir ! Il y a une nouvelle génération sur la glace. Pour le moment, le patinage de couple est dans une phase de transition mais je pense qu'il reviendra encore plus fort qu’il ne l’a été dans le passé. C'est notre devoir d'aider cette nouvelle génération.

 

Solène : Comment le monde du patinage peut-il aider le patinage de couples à se développer à nouveau ?

Aljona : D'abord, nous avons besoin de plus d'enfants patineurs. Ensuite, il faut que plus de patineurs individuels essaient le patinage de couple. Plus de publicité nous aiderait aussi. Par ailleurs, je parlais aujourd'hui avec quelqu'un de la dangerosité de notre sport. Avoir des séances d'entraînement à 7 heures du matin, comme c’était le cas à Espoo, n'est pas optimal et nous devons changer cela pour que le public puisse voir la beauté de notre sport. Personne n'est en forme et prêt à 7 heures du matin. Nous ne pouvons pas montrer le meilleur de nous-mêmes.

  

Solène : Meagan Duhamel me disait que le programme long était trop court maintenant. Êtes-vous d'accord?

Aljona : Oui. Il dure 4 minutes maintenant. Je voudrais qu’il soit plus long mais il a été raccourci à des fins télévisuelles. Nous n'avons pas le temps de montrer la beauté de notre sport. Les patineurs se précipitent en effet d'un élément à l'autre.

  

Solène : Quels sont vos patineurs préférés en ce moment ?

Aljona : Ilia Malinin ! J'aime aussi beaucoup Daniel Grassl et j'étais content de voir les bonnes performances de Kevin Aymoz à Espoo. Il y a beaucoup de patineurs talentueux. Riku Miura et Ryuichi Kihara sont mes favoris chez les couples. Les Italiens montrent également de belles choses.

 

Solène : Vous étiez au Skate America dans le public quand Ilia a réussi le quadruple Axel n'est-ce pas ?

Aljona : C'était incroyable de le voir en direct. J'ai été impressionnée pendant les entraînements également. Quand nous pratiquions le triple Axel lancé en couple, il était assez ample et j'ai aussi envisagé faire quelque chose d'aussi fou, mais je n'avais peut-être pas cette ténacité en moi. Je ne sais pas... La nouvelle génération est forte ! Je suis contente qu'Ilia puisse réussir ce quadruple Axel, il a tellement de talent, c’est naturel chez lui. Je connais ses parents. J’ai rencontré sa mère Tatiana Malinina lorsque je patinais pour l'Ukraine. Je sais qu'Ilia a de bons gènes !

 

Solène : Vous avez une fille, qui a probablement de bons gènes aussi. Aimeriez-vous qu'elle patine ?

Aljona : J'espère pouvoir lui transmettre ma passion. Si elle veut patiner, bien sûr je l’aiderai. Cependant, c'est sa vie et elle doit trouver ce qu'elle veut faire. En ce moment, elle dit qu'elle veut être comme moi. L'autre jour, nous allions à la patinoire et elle disait « Maman, je veux être comme toi et patiner comme toi ». J'ai répondu : « De quoi as-tu besoin ? ». Elle m'a dit "J'ai besoin d’entraînement". J'ai répondu "Quel genre d’entraînement ?". Elle m'a dit "Un échauffement d’abord puis du travail". Elle a 3 ans... C'était tellement drôle. Elle aime aussi la gymnastique donc nous verrons ce qu'elle veut préfère. Les enfants sont meilleurs que leurs parents. Ils apprennent si vite. Elle a une forte personnalité, plus forte que la mienne !


Solène MATHIEU pour Skate Info Glace