© Alice Alvarez - S.I.G.
© Alice Alvarez - S.I.G.

GRAND PRIX DE FRANCE

4 novembre 2022

Danse rythmique


Décolletés masculins et robes bleu électrique...

 

Journée marquée par Cuba et le Brésil, et beaucoup de standards pop revisités. Danses latines, le registre est très vaste : Samba, Cha-cha, Jive, Rumba, Paso-Doble, Merengue, Mambo, Salsa, rythmes à deux ou quatre temps, et travail des hanches. On va pourtant retrouver plusieurs fois la chanteuse cubano-américaine Glorian Estefan et différente moutures de son célèbre "Conga", ainsi que "Magalenha" de Sergio Mendes. La lecture des autres morceaux choisis par les danseurs a de quoi surprendre : Wicked Game, Adele, Fever, Grace Jones, Jamie Foxx. Mais avec une orchestration adéquate, on n'y perd pas trop son... latin !

 

Lanaghan/Razgulajevs sont les premiers sur la glace, et les derniers au classement (60.78 points). Le mélange orange-rose de la robe de Molly me rappelle une tenue, originale pour l'époque, de sa compatriote Josée Chouinard dans les années 90. Le patinage est un peu brouillon, les deux danseurs sont à plat sur leurs carres, loin l'un de l'autre, et les niveaux s'en ressentent : la midline est de niveau 1, la séquence de pas partielle est de niveau 2 et parsemée d'erreurs. La demoiselle cite, parmi les hobbies de sa biographie, "écaler des oeufs"...  Pourquoi pas, puisque Evgeniia Lopareva, elle, contemple le plafond en philosophant sur le maigre sens de la vie - On ne pourra pas reprocher à ces deux-là de manquer d'humour ! - En attendant, sur la glace, les deux Canadiens, qui sont en fait nés britannique et américain, y mettent du coeur, mais cela ne suffit pas. 

 

Marie Dupayage et Thomas Nabais, de Villard de Lans, sont 9èmes avec 63.64. Ils sont d'excellents interprètes, leurs twizzles, très rapides et à très faible distance l'un de l'autre, leur valent chacun un niveau 4 mais leurs composantes restent étonnement basses. Pourtant leur RD est un bijou chorégraphique, qu'ils portent de bout en bout sur trois morceaux très enlevés arrangés par Hugo Chouinard. "On le voulait ce Grand Prix, on l'a eu ! Nous sommes satisfaits de nos notes. Nous avons appris notre sélection juste après les Masters, nous étions trop contents ! Tiffany Zahorsky [qui épaule ponctuellement Karine Arribert] nous aide grâce à son expérience personnelle et son regard extérieur".

 

On attendait les Finlandais Juulia Turkkila et Matthias Versluis plus haut qu'à la 8ème place (63.85). Mais une chute de Juulia sur les twizzles les déstabilise dès le début de programme. Elle manque de nouveau tomber dans la Partial Step Sequence qui dégringole au niveau 1. Comme souvent, le couple n'est pas vraiment dans le thème, même si les musiques choisies sont remixées à la sauce Samba et Rumba. Ils s'en tirent grâce à leur expérience, gardant le sourire et s'accrochant jusqu'au bout. 

 

Coachés par le champion olympique Charlie White, les Américains Wolfkostin/Chen, occupent le 7ème rang provisoire (64.18). Katarina arbore une robe d'un jaune citron acide qui fait risquer l'ophtalmie des glaces au public. Le programme pourrait être très bon avec un peu plus de netteté dans les carres et une plus grande osmose entre les partenaires. Le porté rotationnel, en déséquilibre, écope de grades d'exécution négatifs. Jeffrey obtient des niveaux supérieurs à ceux ce sa partenaire dans les twizzles et dans la midline. A noter qu'il est le frère de Karen Chen, patineuse individuelle.

 

Les Géorgiens Kazakova/Reviya, qui ont quitté Moscou pour l'Italie au printemps dernier pour les raisons que l'on devine, ne sont visiblement pas à l'aise sur le thème imposé cette année. Ils n'ont pas la dextérité de mouvements nécessaire à l'exécution d'une samba, et le "Hello" de Adele, même vaguement remixé, arrive au milieu de leur RD comme les cheveux sur la soupe. Rien dans la conception du programme ne peut les aider, ou dissimuler leur manque de technique. Je trouve leur total provisoire de 68.84 extrêmement élevé. Ils sont 6èmes. 

 

5èmes avec 69.46, les Américains Eva Pate et Logan Bye sont un pur produit de l'école Shpilband. Ils ont une très bonne technique, des bases solides, et une énergie qui semble inépuisable. Ils obtiennent des niveaux 3 et 4 sur tous leurs éléments et leur programme est mené tambour battant. Côté musical, le début est plus rock que latin et ils se perdent un peu dans une fin au rythme quasiment brutal. La robe d'Eva est la plus "écologique" de la compétition, puis que c'est certainement celle qui comprend le moins de tissu... Couleur bonbon rose vif, elle est presque uniquement constituée de franges retenues par des lanières constellées de brillants. 

 

Si Loïcia Demougeot a sacrifié à la mode du bleu électrique, sa tenue est, à mon goût, la plus jolie du lot ; bleu plus clair que celui choisi par ses concurrentes, coupe plus sobre, sans avalanche de sequins, brillants miroir et paillettes, coupe plus flatteuse et plus élégante aussi. Le bouton de rose s'est transformé en fleur épanouie. Elle est plus sûre d'elle, à l'aise, expressive, ultra-sensuelle sans une once de vulgarité. Théo Le Mercier n'est pas en reste. Il incarne le danseur de salon dans toute sa classe naturelle. Sur la glace, les Villardiens forment un couple tout simplement superbe. Leur RD est au cordeau, millimétrée, toute en fluidité malgré le tempo soutenu. Une des mes préférées cette saison. Les niveaux de la midline sont bas (1 pour elle, 2 pour lui) mais tout le reste des éléments est bon. Leur composantes sont plus basses que celles de Finlandais (8èmes), ce qui peut surprendre. Avec un "Season Best" à la clef, comme leurs camarades Dupayage/Nabais, et 70.76 ils sont 4èmes. "Nous avons fait un meilleur score qu'au Skate America ! Nous adorons patiner en France. Je n'ai pas ressenti de stress, Loïcia un peu plus" dit Théo en Mixed Zone. "Nous détestons patiner en dernier de notre groupe, mais nous avons acquis de l'expérience maintenant. Nous avons travaillé sur la seconde partie de notre RD depuis Boston car c'était le point faible". 

 

© Alice Alvarez - S.I.G.
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Une robe bleue aussi pour Evgeniia Lopareva, mais bleu roi profond, avec un haut à fleurs et une coupe magnifique, parfaite pour contraster avec la tenue noire de Geoffrey Brissaud. Ils me semblent un peu tendus en début de programme et Evgeniia commet une erreur sur les twizzles. La midline est de niveau 1 pour elle suite à un accroc et de 3 pour lui. 3èmes (73.17) et donc en bonne voie pour décrocher une première médaille en Grand Prix, Ils parlent à Solène en Mixed Zone : "On se sentait bien jusqu'aux twizzles (rires). La connexion était vraiment là, entre nous et avec le public. Finalement nous avons un niveau 3 tous les deux sur les twizzles. C'était difficile de nous reconcentrer après [cette erreur] mais nous avons fait de notre mieux. Le score est très bon. Nous venons avec beaucoup d'ambitions : un podium d'abord, puis se rapprocher de nos concurrents aux première et deuxième places. Nous voyons une bonne trajectoire dans nos scores et nos performances. Nous visons un top 5 aux championnats d'Europe, voire un podium". 

 

 

 

Laurence Fournier-Beaudry et Nikolaj Soerensen sont les seuls, aujourd'hui, avec Dupayage/Nabais, à obtenir chacun un niveau 4 pour leurs twizzles. A eux deux, ils ont aussi plus de cheveux que tout le monde de la danse sur glace réuni. La saison est à peine entamée, mais leur programme a déjà mûri. On les sent totalement investis, convaincus, et convaincants. Rayon chiffon, Laurence dite "Lolo", a visiblement trouvé sa délicate robe vert menthe à l'eau dans l'armoire de Madison Chock ! Le rythme de la RD est soutenu, les mouvements aboutis, de l'excellente danse sur glace. 82.38 les classent seconds. 

 

Soit tout près des Italiens Guignard/Fabbri (83.52). Je ne suis pas certaine d'adhérer à leur choix musical, à Grace Jones en particulier, qui même orchestrée latino, me semble un peu à côté de la plaque. Mais il n'y a rien à dire sur le patinage, si ce n'est que les notes sont sévères. Le couple a prouvé au fil des années qu'il était techniquement fiable, capable de se renouveler, de rester créatif. Ils ne trahissent pas leur réputation aujourd'hui avec une danse rythmique fluide, très glissée, très rapide. 

 



Propos recueillis par Solène MATHIEU - Texte par Kate ROYAN