Trophée Bompard 2014 - Jour 1

20° degrés dehors, pas beaucoup moins dedans, la patinoire Meriadeck est un mini-P.O.P.B., pas si vide qu'on aurait pu l'imaginer malgré le peu d'écho donné à l'évènement par la presse régionale. Pas si plein non plus mais nous sommes vendredi, et, une fois n'est pas coutume, l'accès aux tribunes situées derrière les juges a été laissé libre au grand public.

 

 

Sur la glace bordelaise en couple, il y a clairement Stolbova/Klimov et les autres. Dès les six minutes d'échauffement, on fait déjà la différence. Toucher de glace, allure générale, port de tête, tout le monde ne joue pas dans la même cour. Les Russes ont tout : le talent, la technique, l'originalité, la créativité, le look. Et un programme net et sans bavure qui leur rapporte 71.20 points amplement mérités. Les Chinois Sui/Han, entraînés par l'excellent Hongbo Zao, les talonnent, sur la musique de Stray Cats, un choix inattendu mais original et bienvenu. Côté français, Vanessa James est encore une fois en difficulté dès l'entrée en lice, ce qui n'a pas l'air de plaire à son partenaire, en témoigne son visage en fin de prestation. Ils viennent de quitter Stanislav Morosov, peut-être pas la meilleure idée du monde en entrée de saison (mais ce n'est pas forcément eux qui l'ont eue). Si la musique s'usait comme un morceau de tissu, on verrait la trame du Tango de Roxanne. Scimeca/Knierim sont un peu lents, leurs mouvements manquent d'amplitude et Scimeca chute sur le triple Salchow. Mais la prestation est suffisante pour les classer devant les Français. Comme celle du second couple chinois, Wang/Wang qui, cette fois sans surprise, battent Vanessa et Morgan de 9 points. Les trois derniers couples, Della-Monica/Guarise, sur un Cendrillon où la chorégraphie n'a aucun rapport avec la musique, Moore-Towers/Marinaro clairement dans un mauvais jour et Ziegler/Kiefer prennent logiquement les 3 dernières places.

 

Photos © Benjamin Noël

Chez les dames, abondance de bien russe, ne nuit pas, au contraire ! On va le dire comme on le ressent : ça décoiffe ! La bonne surprise vient d'Artemieva, gracile, gracieuse, dans un programme propre, très bel hommage à Coco Chanel, qui va jusqu'à la célèbre petite robe noire. On attend bien sûr Radionova et on n'est pas déçu. Il y a de la volonté, presque de la rage dans ce patinage là. Elle est gé-niale (et ça, de la part de quelqu'un qui s'ennuie facilement devant le patinage féminin). Je ne suis pas grande fan du montage musical mais il est impossible de résister à l'énergie déployée par cette très jeune fille et sa technique est exceptionnellement fiable. Ma préférence va quand même à Lipnitskaïa, moins dense techniquement, moins expressive (voire même trop concentrée), mais dont je préfère la musique et la chorégraphie. Le talent d'Ashley Wagner n'est plus à prouver mais quel dommage d'avoir choisir un thème aussi pesant et grandiloquent que Spartacus. Sa féminité éclatante, sa grâce, se seraient sans doute mieux accommodées d'une composition moins mélodramatique. Maé-Bérénice Meité prend la cinquième place avec un programme qui, là aussi, ne sert pas suffisamment son talent et sa puissance. 

 

Chez les messieurs, le plateau est relevé. Très. Yan se loupe, mais Denis Ten réalise un programme magnifique. Son patinage est aérien, pas un effort de visible, sauts parfaitement intégrés à la chorégraphie, transitions remarquables, c'est ce qui fait oublier une interprétation aïgue et criarde de Caruso. le Japonais Machida n'est vraiment pas loin mais une main sur la glace (réception du triple lutz), le fait passer derrière le Kazakh. Quadruple boucle piquée/triple boucle piquée, quadruple Salchow, triple axel,  Konstantin Menshov explose son record technique. Moins élégant que ses deux concurrents, avec un patinage moins fluide et moins glissé, il ne prend que la troisième place. Les Français Besseghier et Amodio sont respectivement 5ème et neuvième. Du bon Chafik, en progrès, visiblement à l'aise sur un programme qui lui convient très bien. Programme bien construit aussi pour Florent, qui fait la part belle à sa sensibilité. Mais il y a encore un gros travail technique et psychologique à accomplir avant de pouvoir rejoindre le peloton de tête.

 

Danse courte : difficile de se démarquer pour les Carmens et les Don Josés de cette année. Les robes sont noires et rouges, les chignons bien arrimés, les messieurs sanglés dans leur costume de fierté andalouse. On pardonnerait difficilement aux Espagnols Hurtado/Diaz de passer à côté de leur culture. Mais on attendrait d'eux plus de pétillant, plus d'engagement, ce qui leur permettrait de se rapprocher du trio de tête. Un trio mené par Papadakis/Cizeron, dans une tenue sobre et stricte, parfaitement adaptée à leurs deux silhouettes. Moins bons qu'aux Masters ou à la Coupe de Chine, mais patiner à domicile est souvent un handicap. Et quand on commence à être devant tout le temps, vient la pression. Il va falloir apprendre à gérer cette nouvelle composante en forme d'auto-sanction. Rien de grave cependant, cette danse courte est intense, passionnée, vibrante, le mouvement est tantôt arrondi, tantôt tranchant mais toujours millimétré. C'est moins réussi avec Gilles/Poirier, programme joué mais pas ressenti, reproche couramment fait aux Nord-Américains en général. Je leur ai préféré Hubbel/Donohue qui pourtant se classent troisièmes, avec une danse courte pas beaucoup plus vécue, mais que j'ai trouvée techniquement plus travaillée et mieux exécutée.

Photos © Benjamin Noël