Championnats d'Europe - Second titre pour Guignard/Fabbri


 

Ils sont champions d'Europe pour la deuxième fois consécutive. Les Italiens Charlène Guignard et Marco Fabbri remportent la compétition avec un total de 214.38 points, dont 114.87 pour la danse libre. Quatre morceaux différents composent leur programme : "Through the Sheets"  d'Abel Korzeniowski, extrait de la B.O. "d'Emily" ; "Arrival of the Birds" de The Cinematic Orchestra, extrait de la B.O. de "The Crimsonwing Mistery of the Flamingos" ; "A Model of the Universe" de Johan Johanssonn pour "The Theory of Everything" et enfin "Closing Credits" de David Hirshfelder pour "The Dressmaker". Sur le papier, le mélange peut sembler décousu or il est, au contraire, mélodiquement très cohérent. Portés, pirouette et twizzles sont de niveau 4 ; circulaire et séquence sur un pied de niveau 3. Il n'y a pas un seul accroc dans leur prestation et les GOEs sont majoritairement à +4 et +5. Les composantes montent jusqu'à 9.75, soit tout près du maximum. Charlène et Marco sont en osmose totale  dans ce programme très romantique et émouvant. Ils sont, pour la seconde fois, et sans doute pas la dernière, de magnifiques champions d'Europe. 

 

 

Registre très différent de celui des Italiens pour Lilah Fear et Lewis Gibson : bande originale du film "Rocky" avec costumes et gestuelle adéquats. Lewis continue de porter sa partenaire à bout de bras pour compenser son absence de profondeur de carres, mais comme à chacun de leurs programmes, et même si ceux-ci se ressemblent tous, on finit par l'oublier tant ils mettent de coeur et d'enthousiasme à leur prestation. Ils ont systématiquement la faveur du public et ce, à juste titre. Ils semblent un peu fébriles dès le début de leur programme. Certains gestes ne sont pas aboutis, Lewis n'est pas aussi en carres que d'habitude, Lilah est parfois très légèrement en retard sur son partenaire. Séquence sur un pied de niveau 3 pour eux deux, twizzles niveau 3 pour elle et 4 pour lui, même chose pour la diagonale, pirouette de niveau 3, portés de niveau 4. Leur technique est pourtant à des années lumière de celle des Charlène et Marco, et même de nombres de couples qui les suivent au classement.  Les notes sont néanmoins généreuses : 152.62 aujourd'hui  pour une médaille d'argent (210.82).  Ce qui est récompensé est en fait l'art du camouflage plutôt que la qualité de patinage. Plus on en fait avec le corps et les bras, moins on regarde vos pieds. Mais leur capital sympathie est intact. Ils sont passionnés, généreux, et il est difficile de ne pas se laisser emporter par leur brillante vitesse d'exécution et leur évidente joie de patiner.

 

 

Ils sont lituaniens et Saulius, né à Kaunas, est sur son terrain. On ne sera pas surpris que l'inflation géographique de la danse rythmique se perpétue dans la danse libre d'Allison Reed et Saulius Ambrulevicius. Cette danse libre est pourtant nettement moins réussie : le patinage est plus lent, en particulier celui d'Allison, l'ensemble manque de fluidité et de liant. Le thème est original : "Enough of Our Machines" de Son Lux et une version intéressante de "Children" de Robert Miles, revisité par Tokyo Myers, avec une accélération progressive tout au long du programme, mais celle-ci est insuffisamment marquée par les patineurs. Portés et twizzles de niveau 4, pirouette de niveau 3, séquence sur un pied de niveau 2 pour Allison et de niveau 3 pour son partenaire, ce qui est logique car la technique de Saulius est beaucoup plus fiable et nette que celle d'Allison. 122.64 récompensent un libre un peu laborieux même s'il est propre. Avec un total de 203.37, les Lituaniens s'offrent la médaille de bronze. Pour la petite histoire, Allison qui détient déjà trois passeports, américain (elle est née au Michigan), géorgien et israélien, est en attente de naturalisation lituanienne depuis 2018. La Lituanie n'admet pas les nationalités multiples, et les Américains rechignent généralement à abandonner la leur. Allison s'y résoudra t'elle pour pouvoir participer aux J.O. de 2026 ? La Lituanie fête aujourd'hui l'anniversaire de son indépendance et nous avons droit, lors d'un resurfaçage, à l'hymne chanté à cappella par onze mille personnes. Un très beau moment, grave et émouvant.  L'ambiance change radicalement lors de la remise des médailles : toute la patinoire est debout et chante à pleins poumons un tube radio du pays pour célébrer les héros locaux. Même les officiels lituaniens s'encanaillent en dansant un pogo de sorciers dans leur tribune,  sur la musique electro-pop, poussée à fond, qui fait trembler les murs. On se croirait à l'Allianz Stadium un soir de victoire de la Juventus de Turin ! Du jamais vu dans une patinoire !  

 

 

Evgeniia Lopareva et Geoffrey Brissaud, eux aussi, semblent moins à l'aise qu'hier. 118.7 points, c'est leur score sur cette danse libre, que je trouve, comme la RD un peu sous-notée face aux Lituaniens. Leur interprétation de l'Elégie et du Prélude de Rachmaninov a pris de l'ampleur et de l'intensité dramatique. Les niveaux sont corrects : 3 pour la diagonale d'Evgeniia, 2 pour celle de Geoffrey qui connaît une petit déséquilibre ; 3 pour les deux patineurs dans la séquence sur un pied ; 4 pour tous les autres éléments. Ce sont les notes qui ne montent pas vraiment : quelques +2, beaucoup de +3, quelques +4 et un +5. Les composantes vont de 8.50 à 9.00. Si les Lyonnais avaient amélioré leur connexion lors de leurs dernières compétitions, l'ensemble aujourd'hui manque de nouveau un peu d'osmose. Mais le programme est bon, brillamment construit, interprété avec délicatesse.  Sans l'inflation locale qui a valu une médaille de bronze à Reed/Ambrulevicius, les Français montaient sur le podium. Ils sont 4èmes (118.70 - Season Best/197.17). Les deux patineurs, qui disent regarder devant plutôt que derrière, vont néanmoins devoir se méfier d'un autre couple français, désormais sur leurs talons...

 

 

8èmes de la danse rythmique Loïcia Demougeot et Théo Le Mercier gagnent allègrement trois places ! A peine un peu plus de deux points les séparent de Lopareva/Brissaud. Leur danse libre sur le "Clair de Lune" de Debussy, suivi de "Waves" de Chilly Gonzalez, Boys Noize et Erol Alkan, est un vrai bijou. Le montage musical, avec une accélération impressionnante aux deux-tiers du programme, demande une condition physique de tout premier ordre. Et ils l'ont ! Comme ils ont la beauté, l'élégance et une glisse de rêve. L'ambiance passe de la douceur et du romantisme et à une quasi violence. Ce sera ce soir mon programme préféré (avec celui de Turkkila/Versluis). Circulaire de niveau 3 pour les deux patineurs, 2 pour la séquence sur un pied de Loïcia, 3 pour celle de Théo, tous les autres éléments sont de niveau 4. Avec un T.E.S. à 66.60, ils collent littéralement aux basques de Lopareva/Brissaud (66.78). La différence se fait sur les composantes, plus basses que celles des Lyonnais. Les Villardiens sont 5èmes de la danse libre (116.46) et 5èmes au total (192.15). Les voici dans le groupe des meilleurs Européens, ceux qui se comptent sur les doigts d'une seule main. Bravo !

 

6èmes de la RD la veille, les Finlandais Juulia Turkkila et Matthias Versluis conservent leur place dans la danse libre (115.72) et au classement final (192.08). Médaille de bronze l'an dernier, nul doute qu'ils sont déçus. Mais leur danse libre est absolument magnifique. Jusque là abonnés à des thèmes de ballet classique ou néo-classique, les voici passés au contemporain avec une gestuelle ciselée très moderne, et toujours cette incroyable finesse de glisse. Sur "Mass" et "Loss" du groupe de rock artistique londonien Phoria, chorégraphiés par Massimo Scali, les élèves de Maurizio Margaglio et Neil Brown sont aériens, presque immatériels. Tout est fin, délicat, de leurs tenues à leur gestes très marqués et en rythme, en passant par les mélodies. Vraiment, une réussite. Qui n'emporte hélas pas l'adhésion des juges. Il est vrai que leur technique est sensiblement inférieure à celles des couples qui les précèdent. Portés, pirouette et twizzles sont de niveau 4. Mais circulaire et séquence sur un pied n'obtiennent qu'un niveau 2 et ils écopent d'une déduction pour "élément de trop" sur la séquence de pas chorégraphiques. Je les reverrai avec un très grand plaisir aux Mondiaux de Montréal tant ce programme me séduit. 

 

5èmes de la danse rythmique, la fratrie Taschlerova/Taschler perd deux places et termine 7ème de la danse libre (114.87) et de la compétition (191.55). Elle n'est pas terrible cette danse libre sur trois partitions musicales assez mal associées : "Bluecobalto" de Negramaro, "Terra Rosa" de Havasi, et "Son Felice" de Giuliano Sangiorgi. Tout le programme manque de cohérence, de cohésion et surtout de subtilité. La demoiselle en fait trop et ses mimiques n'ont pas grand rapport avec les thèmes choisis. Le patinage, par moment, est plus brut que puissant, en particulier sur la serpentine, élément qu'ils sont les seuls à présenter ce soir avec les Allemands Janse van Rensburg/Steffan, et pour lesquels ils obtiennent des niveaux équivalents : 2 pour ces dames, 3 pour ces messieurs. Mais Filip Taschler a été blessé au dos récemment, ce qui a valu au couple un forfait à son second Grand Prix ainsi qu'à leur championnat national. 

 

Déjà lors de la RD, je m'attendais à tout autre chose avec les néo-Géorgiens Davis/Smolkin. Le buzz qui les entoure y est certainement pour beaucoup. Leur danse libre est d'un classicisme presque plat. "Black Swan" ne prête de toute façon guère à l'originalité. Diana a visiblement emprunté son tutu noir à Alina Zagitova, mais pas la gracieuse gestuelle de la championne olympique. Le costume de son partenaire est d'un goût particulier : pantalon noir, veste d'officier impérial gris clair à manches bouffantes, lourdement couvert d'incrustations de velours blanc en relief et en forme de plumes. Au cas où nous aurions un doute sur le thème choisi ? On dirait qu'un édredon vient de lui éclater à la figure. Gleb a cependant une chose pour lui : c'est un très bon danseur, élégant, ses carres sont profondes et silencieuses. Je n'en dirai pas autant de Diana. Elle n'a ni le talent ni la glisse de son partenaire. Ils ne sont pas du même niveau technique et leur patinage s'en ressent. Avec une base value supérieure à celles de Taschlerova/Taschler et Turkkila/Versluis, ils obtiennent des GOEs inférieurs et des composantes qui me semblent généreuses pour une telle prestation. Ils terminent 8èmes de la danse libre (113.13) et de la compétition (189.46). 

 

 

On connait le système ultra hiérarchique de la danse sur glace et le besoin impératif de notoriété qui permet d'avancer dans les rangs. Marie Dupayage et Thomas Nabais, pour une première participation à des championnats d'Europe, auront déjà assis leur réputation. Après une RD en demi-teinte et une 13ème place, ils en gagnent une dans le libre (105.83) avec une danse propre et originale qui leur vaut l'acclamation méritée du public. Sur "Mechanisms" de Kirill Richter et "l'Arioso" de Bach  joué par William Havilland, les Villardiens se démarquent de leurs concurrents avec une première partie de programme rapide et un final lent. Leurs twizzles sont parmi les plus rapides du monde, la prise de risque est maximum. Le niveau 1 initial de Marie pour la circulaire est corrigé en niveau 2, et c'est un niveau 3 pour Thomas. Tous les autres éléments sont de niveau 4, sauf la séquence sur un pied. Tout l'éventail des GOEs y passe, de -1 à +5 ! Les composantes sont un peu moroses, mais c'est la dure loi pour les "petits nouveaux" des championnats européens. Ils terminent à une sympathique 12ème place (170.98),  sérieux tremplin pour l'avenir.

 

Nouvelle mention d'exception à Solène Mazingue et Marko Gaidajenko. Ils finissent derniers mais il est déjà miraculeux que "Amazing" Solène ait pu participer. Privée de mémoire antérograde, comment fait elle pour exécuter une danse libre de quatre minutes et tous ces éléments ? Cette jeune fille est une vraie guerrière, une guerrière au sourire éclatant malgré l'ombre qui plane au fond de ses yeux. Je lui souhaite de tout mon coeur de conserver sa joie de vivre et de patiner,  et j'espère la revoir aux championnats du Monde si son état de santé le permet. 

 


Kate Royan - Skate Info Glace