© Myriam Cawston
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Mondiaux Helsinki - Libre Dames


Medvedeva en roue libre...

 

Imbattable ? Tant qu'elle ne fera aucune erreur, oui. C'est sa force. Evgenia Medvedeva est aussi régulière qu'une horloge suisse. Petite princesse, gracile, gracieuse, presque immatérielle, véritable Tanagra, Miss Medvedeva est pourtant en acier trempé, au physique comme au moral. Elle bat, presque tranquillement, le record du monde de points (154.40) avec un programme lumineux et techniquement irréprochable. La mécanique est bien rodée, huilée, l'interprétation est toute en finesse. Aujourd'hui, elle a même ce qui lui manque le plus d'habitude : la vitesse. Sa facilité à exécuter les difficultés est déconcertante. Sept triples sauts, quatre doubles, pour elle, la routine ! Et justement... A ce stade de sa carrière, même encore très récente, avec un tel potentiel physique et une telle stabilité mentale, je regrette qu'elle ne se mette pas plus en danger, qu'elle ne prenne de vrais risques. L'or lui va si bien... Il lui irait encore mieux si elle allait le chercher plus loin. Avec un total de 233.41 points, elle conserve sans souci son titre de championne du Monde. 

 

Hégémonie russe ? "Hunger Games" ? Pas du tout... Ce sont deux Canadiennes qui partent à l'assaut du podium et qui s'y installent : historique ! Il n'y a que 0.82 points d'écart entre Kaetlyn Osmond et Gabrielle Daleman, soit un battement de cils ! Les deux co-équipières nous offrent un vrai récital, la première sur "La Bohême" de Giacomo Puccini, la seconde sur "Rhapsody in Blue" de George Gerschwin.  Il y aura quelques petites erreurs pour Kaetlyn, mais elle devance Gabrielle sur les composantes. Techniquement, cette dernière se promène (sauf sur la combinaison triple Salchow/double Axel en séquence). J'ai une petite préférence pour Gabrielle, plus athlétique mais aussi plus charismatique. Elle repart avec 213.52 points et la médaille de bronze. Kaetlyn, créditée d'un total de 218.13, est médaille d'argent

 

A 199.29 pts, Karen Chen (6ème du libre) prend la 4ème place et sauve ainsi les trois quotas américains aux Jeux Olympiques après la bonne prestation de Mariah Bell (12ème du général - 187.23 pts),  mais le quasi naufrage d'Ashley Wagner (10ème du libre !) en difficuté dès le milieu de son programme. Venue chercher une médaille, la Californienne, 7ème du programme court, avait peu de chance d'accéder au podium. Des sauts en sous-rotation et une erreur de carre dans le libre l'en ont très vite éloignée. Elle reste à une maigre 7ème place au classement final (193.54 pts). 

 

Qui d'autre que Carolina Kostner pourrait patiner sur Nisi Dominus d'Antonio  Vivaldi ? La musique est d'une puissance émotionnelle colossale. N'importe qui d'autre serait écrasé(e) par tant de lyrisme et de grandeur. Mais Carolina  nous livre un extraordinaire moment de grâce.  Frissons assurés. Niveau technique, la souveraine, il est vrai,  est à la peine. Mais artistiquement, qui, aujourd'hui, peut rivaliser avec elle ? Dans ce domaine, elle n'est pas prête d'être déchue de sa couronne royale. C'est un pur bonheur de la voir évoluer, jouer à la perfection de ses longs membres et de son élégance innée. Elle gagne trois places par rapport au programme court pour finir 5ème du libre et 6ème du classement des deux épreuves (196.83 pts).

 

La catastrophe du jour est signée Anna Pogorylaya. La jeune fille a, bien malgré elle, créé une sorte de concept : la "pogochute" (en anglais "PogoSplat" ©). Elle ne se contente pas de tomber, elle s'étale de tout son long tout en partant en vrille. J'ai chaque fois mal pour elle, et surtout peur qu'elle finisse par se blesser sérieusement. Anna est une jeune femme d'extrêmes, tout va mal ou tout va bien. Aujourd'hui tout est allé mal. Très mal. Comme les dominos, une "pogochute" en entraîne systématiquement une autre,  et ainsi de suite. Quatre déductions et des GOEs négatifs sur une pirouette la font plonger à la 15ème place du libre... Venue à Helsinki pour le podium, voire même pour tenter de subtiliser le titre à sa camarade Medvedeva, elle termine la compétition en sanglots incoercibles.  Et à une pénible 13ème place (183.37 pts) qui pourrait bien lui coûter son avenir,  tant le vivier russe regorge de petites piranhas,  aux longues dents acérées par l'envie de réussir et le talent, qui ne rêvent que de prendre sa place. Pourtant, Anna, dont la technique, quand elle tient debout, est très supérieure à celle de Kostner, pourrait, en travaillant encore un peu sa présentation, devenir la digne héritière de l'Italienne dans le domaine artistique. Seule des Russes actuelles douée d'une véritable fibre artistique et d'une sensibilité de vraie femme, malgré ses 18 ans - 19 le 10 avril et donc seulement un an de plus que Medvedeva - elle est aussi la seule à pouvoir transmettre une authentique émotion. Son interprétation de "Modigliani Suite" rend celle de la championne du Monde presque mièvre. Si Anna ne veut pas être rapidement engloutie par la horde de ses jeunes et ambitieuses compatriotes, elle doit  absolument s'endurcir mentalement. 

 

Mai Miahara est 5ème avec 197.88 points et un programme sur Cendrillon de Patrick Doyle qui ne m'enthousiasme pas vraiment. Le Japon perd un quota olympique en chemin, W. Higuchi n'étant que 11ème (188.05 pts) et Rika Hongo 16ème (169.83 pts).

 

Trahie une nouvelle fois par sa combinaison triple Lutz/triple boucle piquée, Laurine Lecavelier se classe tout de même à une bonne 18ème place (162.99 pts), qualifiant ainsi la France pour les Jeux Olympiques. Comme partout cette année, son programme sur la musique de "Grease" remporte un vif succès auprès du public. Dans un tout autre registre que son court, à travers une performance festive,  espiègle et souriante, Laurine prouve une nouvelle fois les facettes de son talent. Le jour où cette combinaison passera comme à l'entraînement, elle n'aura aucune difficulté à  bousculer les demoiselles qui, pour l'instant, la devancent techniquement, mais qui n'ont pas toutes sa glisse, sa grâce et sa ténacité. Son sourire éclatant et de sa bonne humeur dans la Mixed Zone, témoignent d'une grande stabilité mentale d'une solide foi en l'avenir. 

 

Sur place : Kate Royan



© Myriam Cawston
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