Propos recueillis par Emmanuel Leroy ©

 

Bonjour Chafik, merci de prendre quelques instants pour répondre à mes questions.  Comment vous sentez-vous après cette compétition ?

 

Très satisfait.  Mais c'est dommage que sur le programme court,  je n'ai pas déclenché le quadruple.  C'était un peu compliqué car, à l'entrée du saut, je me suis retrouvé avec un rayon de soleil dans la figure et ça m’a perturbé.  Résultat, mon quad s’est transformé en triple. Mais je suis content,  les pirouettes étaient de niveau, j'ai  bien patiné. Le programme long a été super, je l’ai patiné avec les tripes, et j'ai passé deux quads. Mais il reste des points à revoir.  Ici à Nice, les notes étaient un peu dures, elles sont parties de très bas,  et ne sont pas montées. Je suis  venu ici pour faire une mise au point,  voir où j’en étais dans ma préparation, un rodage pour me mettre un peu de pression avant les Grands Prix et rentrer vraiment dans le vif du sujet. J’ai récemment changé d’entraîneur, je travaille maintenant avec  Stannick Jeannette,  au moins jusqu’aux Championnats de France et,  je l'espère,  jusqu’à la fin de saison si tout se passe bien. Je suis toujours à Paris et très heureux de ce partenariat.

 

Qui a chorégraphié vos programmes ?

 

Allen Shramm, basé à DALLAS.  J'avais déjà travaillé avec lui il y a deux  ou trois ans et il m’avait déjà créé de supers programmes. J’ai eu des retours très positifs et j' espère que ça va payer. On m’avait demandé de changer de style, ce que j’ai fait sur le programme court et également sur le long,  qui est plus puissant. Je suis très heureux du travail accompli.

 

Le prochain objectif ?

 

Dans dix jours je pars à Moscou pour le Grand Prix de Russie. Je n'ai pas d’objectif de résultat,  mais je veux effectuer deux programmes propres. Le niveau est exceptionnel, les meilleurs mondiaux seront là, donc je vais faire mon maximum et voir ce que ça donne.

 

Autre question : que pensez-vous du patinage français masculin à l’heure actuelle ? Vous êtes bien seul en ce moment,  malgré la présence de quelques talent ?

 

C’est vrai que c'est un peu catastrophique. La question est simple : que fait-on pour les talents d'aujourd’hui ? Un Français,  pour réussir,  doit se plier à la méthode marche ou crève.  Il doit faire de gros sacrifices, sa famille aussi.  Quand on voit, par exemple en Russie,  des patineurs d’état, payés  100% par leur fédération, les résultats arrivent et c’est logique. En France c’est : sois champion et seulement après,  tu auras tout… C’est dommage. Il ne faut pas trop se plaindre non plus.  On est aidés par notre pays, on a la chance, quelques fois,  d’avoir du temps de glace gratuit, et même parfois des prestations gratuites de la part  des entraîneurs nationaux,  quand on a un bon niveau. C’est bien si l'on compare à d'autres petits pays.  Mais  la petite équipe de France que nous sommes pourrait avoir plus de soutien  de la part de sa Fédération, en particulier pendant la période préolympique.  OK,  la France est en pleine crise économique et la fédération manque de budget. Alors, il ne  faut pas se mentir, on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a,  et on arrive néanmoins à réaliser de belles choses.

 

Pensez-vous intégrer un troisième quadruple saut dans votre programme ?

 

Oui,  on travaille là-dessus à l’entraînement.  Mais pour l’instant l'essentiel est d’en assurer deux. Le niveau technique  mondial est exceptionnel,  donc ça  me donne du boulot  et il me faut encore du temps.

 

Cette prolifération de quads dans les programmes,  n'est-ce pas un peu trop ? Qu’en pensez-vous ?

 

En effet,  on délaisse un peu la partie artistique, ça devient un concours de sauts, il y a moins d’émotion.  Pourtant,  c’est un sport où l’on veut avoir la boule au ventre, avoir envie de rire, de pleurer, ressentir quelque chose de fort. Et en ce moment, on est dans l'optique tout pour la technique ! Dans un registre différent, Takahashi, Plushenko, même s'ils ne maîtrisaient pas quatre quadruples, laissaient leur empreinte. Des patineurs comme Nathan Chen ou Shoma Uno ne me procurent  aucune émotion artistique.  Mais ils sont techniquement au top. Le règlement devrait donner un petit coup de pouce au côté artistique pour le plaisir du public, c’est important.