Rostelecom Coupe de Russie 2013



Danse Libre

par Anna RYAN ©

23 novembre

 

Le deuxième jour, hélas, voit les juges continuer dans leur partialité en faveur des couples russes. Il semblerait que peu de choses aient changé depuis le scandale des Jeux Olympiques de 2002. Le nouveau Code of Points apparaît aussi facile à manipuler que l’ancien système 6.0.

 

Le couple à souffrir le plus de cette partialité sont les Canadiens Weaver/ Poje, arrivés en Russie favoris.  Bien qu’ils délivrent un tango d’Astor Piazzolla solide, fluide et  composé de belle manière, ce qui leur permet de gagner la danse libre, ils doivent se contenter de la médaille d’argent au résultat final. Leur interprétation, très juste, montrent qu’ils ont fait leurs devoirs et appris ce qu’un tango doit être ; l’ensemble est recherché et respecte le véritable esprit de cette danse. Pas une seule pause, des transitions en entrée et sortie de tous les éléments, de très beaux portés et Poje a des expressions incroyables. Néanmoins, si lui,  est totalement crédible, l’absence de tension physique et les rares sourires de Weaver nécessitent du travail et des corrections pour  que ce tango devienne vraiment éloquent. Malgré une belle performance, leur patinage tient plus du style que de la substance, ce qui, malheureusement, laisse une impression de manque.

 

En seconde place sur la danse libre mais médaillés d’or au final, Bobrova/ Soloviev nous proposent un programme frénétique sur les Quatre Saisons de Vivaldi et le Lacrimosa de Mozart. Zhulin s’est servi de la bonne vieille technique vitesse/attaque pour masquer leurs défauts de base. Le potentiel est là, ils sont bons et bien assortis, mais aujourd’hui ils n’avaient aucune maîtrise. La posture de Bobrova, qui s’était améliorée l’an dernier, est redevenue aussi mauvaise qu’avant. Le travail des pieds est faible, Soloviev utilise ses lames comme un racloir à glace. Sachant qu’ils ne pourraient pas se battre à armes égales contre Ilinykh/Katsalapov et leur danse libre purement classique, Zhulin a essayé de rendre leur programme créatif en y ajoutant des aboiements et d’étranges mouvements frénétiques exécutés en agitant les bras. Malheureusement, le tout donne un impression de grand désordre. Ils ne sont pas aussi bons patineurs que Weaver et Poje et ne méritent pas d’avoir gagné.

 

Troisièmes au libre comme au classement final, Chock/Bates ont choisi la musique ultra usée des Misérables. Ils ont très bien patiné, avec un incroyable synchronisme sur les twizzles et une jolie pirouette dansée. Hélas, il y a un décalage entre la danse et une musique beaucoup trop lourde pour eux. Le programme est à la fois vide et plein de croisés, et  Madison a tout compris des grands mouvements de bras et de tête. Un peu trop précipité sur la fin, même bien exécuté, ce programme est banal et on l’oublie très vite.  

 

Riazanova/Tkachenko, 4 èmes du libre et du classement général, patinent sur une autre musique ultra usée : le Fantôme de l’Opéra. Une fois de plus, ils ont un programme libre copie conforme de ceux des années précédentes.  On dirait les patineurs d’un temps révolu, quand le drame et l’angoisse étaient à l’ordre du jour. Peut-être qu’avec un coach comme Angelica Krylova par exemple, il y aurait espoir de voir leurs programmes rejoindre le 21ème siècle. Ils valent tellement mieux que cette danse libre qui, même si elle était bien patinée à Moscou, est l’un des programmes les plus faciles du circuit cette année. Côté positif, ça fait du bien de voir Riazanova habillée en autre chose que noir. Ils avaient l’air très déçus dans le K&C.

 

5èmes, Monko/Khaliavin patinent sur une sélection de musiques de René Aubry et Gaetano Donizetti. Excellente prestation aujourd’hui, leur meilleure de la saison. Bien que ce soit un programme très ouvert, il est  aussi très divertissant, ils sont toujours en mouvement. Les transitions, sans être très difficiles, sont simples et efficaces. Monko modifie son costume sans arrêt entre les compétitions. Je suis triste de voir que les chaussettes voidy ont disparu ! Ils ont baptisé leur programme semi-créatif "Director’s Cut". Elle est une actrice et lui un réalisateur, elle essaie de lui échapper tandis qu’il essaie d’avoir le contrôle. Le concept n’est pas aussi fort que celui de la danse libre de Gilles/Poirier, mais cela reste l’une des FDs les plus intéressantes de la saison.

 

6ème place dans le libre et au général plutôt décevante pour les Canadiens Gilles/Poirier. Leur performance sur le thème de Hitchcock est un chef d’œuvre chorégraphique mais ce genre de programme tend malheureusement à perdre de son attrait une fois l’effet de surprise passé. Néanmoins leur danse libre reste le rayon de soleil de la saison, très divertissante. Bien qu’ils n’aient pas patiné aussi bien qu’au Japon, Paul en particulier, qui a raté ses twizzles, leur PCS étaient plus bas qu’ils n’auraient dû. Ils font  bonne impression, en version décalée de Weaver/Poje, mais il leur faudrait plus de vitesse. 

 

Après leur danse courte catastrophique, Papadakis/Cizeron réussissent à gagner une place dans le libre pour finir 7èmes du classement général. Leur programme, original et intéressant, monté sur la bande originale de « Iron » par Woodkid, est très joliment chorégraphié. Avec leur SD désastreuse encore fraîche en mémoire, on comprend qu’ils aient été hésitants et aient moins bien patiné qu’à Paris la semaine passée. Leur programme était le plus intéressant de la compétition après celui des Canadiens. Au regard de la maturité de leur patinage, il est facile d’oublier qu’ils sont si jeunes. Grâce à leur style unique et décontracté et la magnifique qualité de leur patinage, ils ont un très brillant futur devant eux. Comme l’a dit Alban Préaubert au micro d’Eurosport, ils sont un nouvel exemple de l’excellent travail de coaching des écuries Zazoui. Lyon semble pouvoir produire un flot ininterrompu de bons danseurs sur glace, chacun avec leur style particulier et unique.

 

Derniers de la danse libre et du classement final, on retrouve les Ukrainiens Heekin-Canedy/ Dun. Encore une musique usée jusqu’à la trame avec ce Tango de Roxanne bien trop imposant pour eux. Comme si le fameux Tango n’était pas assez mauvais, cette version chantée horrible ajoute encore à la misère du programme. Il n’y a pas grand chose à dire de leur patinage, si ce n’est qu’ils n’ont pas l’air d’avoir le niveau requis pour des Grand Prix.

 

Danse Courte

par Anna Ryan ©

22 novembre

 

Il n’y a rien de surprenant à voir Bobrova/Soloviev gagner la danse courte, compte-tenu de l’avantage du terrain et de la politique qui sévit en coulisses pour assurer la présence d’au moins un couple russe sur le podium de Sotchi.  Ce qui surprend, par contre, ce sont les 5 points d’avance des Russes sur les Canadiens Weaver/Poje.

 

Ekaterina Bobrova et Dmitri Soloviev (23 et 24 ans), entraînés par Alexander Zhulin, élèvent leur jeu d’un cran aujourd’hui, et entament clairement le compte à rebours pour Sotchi. Ils sont très rapides, très présents sur la glace, mais un peu survoltés et hors contrôle par endroits, en particulier Bobrova sur les twizzles (sans que cela semble les pénaliser). Leur Finnstep, sur la musique “Diamonds are a girl’s best friend” traduit bien la légèreté et la nature dynamique de cette danse. Ils vendent bien leur programme et se font visiblement plaisir, comme en témoigne le sourire de Bobrova tout au long de cette SD. Ils obtiennent des niveaux 3 pour les deux séquences de Finnstep, les plus hauts niveaux de la compétition. En fait, le panel technique s’est montré rigoureux, ce qui fait plaisir après l’inflation constatée au Skate Canada et au Skate America.

 

En deuxième position, Kaitlyn Weaver et Andrew Poje (24 et 26 ans) sur la musique de  “42nd street" offrent une prestation de classe malgré quelques difficultés techniques. Leurs séquences de Finnstep sont respectivement jugées de niveau 1 et 2 seulement, et leur porté en courbe  n’a reçu qu’un niveau 2 bien qu’il soit remarquablement exécuté. Très jolie robe bleu-roi pour Kaitlyn mais sa coiffure est trop plate sur les côtés. Assis auprès d’Angelica Krylova dans le K & C, difficile pour le couple de cacher sa déception face à un score de 61,50 points, soit 10 points de moins qu’au Skate Canada.

 

Troisièmes, Ekaterina Riazanova et Ilia Tkachenko (22 et 26 ans) bénéficient aussi très largement de patiner à domicile. Performance agréable bien qu’un peu lente dans l’ensemble. Des erreurs évidentes dans la séquence de pas transversale et d’autres commises par Tkachenko dans la deuxième série de twizzles, mais à part ça, le programme est bien patiné avec un joli porté rotationnel, la partenaire sur les épaules. Ce serait encore mieux sans le clin d’œil exagéré de Riazonova à la fin ;)

En quatrième position, Madison Chock et Evan Bates (21 et 24 ans) ont vraiment tout fait pour vendre leur programme. Les protégés d’Igor Shpilband patinent sur  “Hollywood” des Puppini Sisters  et “There's No Business Like Show Business”, musiques parfaites pour Madison qui n’abandonne pas un seul instant son sourire  niais. Les 30 cm de différence entre les deux partenaires focalisent l’attention et les obligent à des gestes peu élégants. Bates est meilleur danseur que Chock et mériterait une partenaire plus grande. Ils ont bien patiné mais l’ensemble reste ennuyeux, impression aggravée par le surjeu agaçant de Madison.  

Le troisième couple russe Ksenia Monko et Kirill Khaliavin (21 et 22 ans), partenaires d’entraînements de Bobrova/Solviev, est cinquième. Bien meilleure performance qu’au Grand Prix français le week-end dernier. Sur “Big Bad Voodoo Daddy” et  “Love by Nat King Cole”, ils sont pleins d’énergie et solides techniquement avec des niveaux 2 et 3 sur les séquences de Finnstep. Monko trébuche à la fin de leur séquence de pas (niveau 2), mais en dépit de leur taille identique, ils décrochent un niveau 4 pour leur porté rotationnel. Khaliavin attire l’œil, il paraît être le plus doué des deux et une partenaire plus petite et moins trapue lui conviendrait mieux.

 

Les Canadiens, Piper Gilles et Paul Poirier (21 et 22 ans), coachés par Carol et  Jon Lane, sont sixièmes. Ils ont semblé plus rapides sur la glace que Monko/Khaliavin. Ils sont sans doute très déçus de se retrouver derrière eux à la fois sur les TES et les GOE. Leur musique, de Caro Emerald, est fraîche et n’a jamais été sur-utilisée. Pour leur troisième saison ensemble, ils paraissent enfin mieux assortis au plan physique et technique. Elle a une excellente présentation et ils sont agréables à regarder patiner.

 

Programme brouillon pour les Ukrainiens Siobhan Heekin-Canedy et Dmitri Dun (22 et 24 ans), qui terminent 7èmes, de loin le couple le plus faible de la compétition mais ils ont bénéficié des erreurs de Papadakis/Cizeron. Siobhan commet uine grosse erreur sur les twizzles de niveau 2 et leurs Finnsteps de niveaux 1 et 2 sont mal patinés, les deux partenaires très éloignés l’un de l’autre. Malgré les sourires victorieux de la demoiselle, ils n’ont pas l’air à leur place dans une compétition de ce niveau. Ce qui n’est pas étonnant si l’on considère qu’ils étaient 15èmes du Trophée Nebelhorn, épreuve qualificative. Ils ont de la chance d’avoir déjà assuré leur billet pour Sotchi lors des Championnats du Monde 2013. 

 

En dernière place, c’est une sortie catastrophique pour les Français Gabriella  Papadakis et Guillaume Cizeron (18 et 19 ans).  Ils sont très loin de leur superbe prestation du Trophée Bompard il y a à peine une semaine. Cela peut néanmoins s’expliquer après que les patins de Gabriella aient disparu jusqu’à jeudi soir, la privant de tous les entraînements. Il est aussi extrêmement fatigant de participer à deux compétitions majeures en huit jours. Cizeron perd complètement l’équilibre sur les twizzles et ne s’en remet pas. Ils se perdent sur la musique de leur Finnstep et l’ensemble est faible. Guillaume pose le second pied sur la glace dans la sequence de pas circulaire. Mais le pire est à venir : il se débrouille pour tomber lors de la pose finale ! Ils n’étaient pas vraiment présents aujourd’hui, un vrai gâchis. Espérons qu’ils puissent mettre tout cela derrière eux et faire une très bonne danse libre. Sur une note plus positive, ils forment  vraiment un couple magnifique, très bien assorti, dans de beaux costumes et  ont clairement un brillant avenir devant eux. C’est un régal pour les yeux de les voir dans le Kiss and Cry avec leur très beau coach Romain Haguenauer !