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Championnats du Monde 2021

Stockholm - 26 mars 2021

Programme Libre Dames


Le dénouement de cette épreuve Dames a connu des rebondissements aussi inattendus qu'inespérés, mais sans être totalement surprenants. Alors qu'on attendait un niveau sensationnel chez les jeunes filles, cette finale se termine plutôt en demi-teinte.

 

Anna Shcherbakova est couronnée, sans avoir été étincelante. Un programme entaché d'une chute sur le (seul) quadruple flip d'entrée, Anna garde sa combativité habituelle et place tout de même trois combinaisons triple-triple (flip-boucle piqué, flip-salchow, et Lutz-boucle en toute fin de programme). On sent la triple championne de Russie fatiguée en fin de programme, qu'elle finit à la force de sa détermination, moins éblouissante qu'à son habitude. Je trouve une nouvelle fois la notation un peu trop gentille pour Shcherbakova, avec des GOE bien généreux pour une pirouette ayant déménagé sur au moins trois mètres et des combinaisons avec peu de vitesse. Toujours pas d'avertissement sur les carres du Lutz qui sont pourtant loin d'être irréprochables. Sa supériorité artistique sur ses compatriotes reste en revanche très marquée, et justement reconnue.

 

On attendait Rika Kihira à la bataille pour le titre, mais la patineuse nippone laisse filer sa chance, comme à Saitama il y a deux ans. On sait Kihira capable de toutes les grosses difficultés, même le quad Salchow qu'elle a réussit brillamment aux Nationaux. Mais le blocage semble mental, car Rika simplifie son premier triple Axel en double et chute le second, incomplet. Une énorme désillusion sur un élément pourtant stable chez la Japonaise. Elle se montre alors sous un jour qu'on ne lui connait pas, escamotant les réceptions et finissant par un triple Lutz ouvert au milieu, scellant définitivement ses chances de médailles. Echouant à une 7ème place que personne n'aurait imaginé, elle sauve malgré tout le troisième quota pour le Japon. 

 

Si la déconvenue de Kihira fait les affaires d'une nation, c'est bien la Russie. 

 

Elizaveta Tuktamysheva, ne se présente pas non plus sous son meilleur jour. Alors qu'elle passe ses deux  triples Axels en ouverture de programme, elle chute sur le triple flip, inhabituel pour la technicienne qu'elle est. Elle assure le reste de ses difficultés dont les combinaisons triple Lutz-triple boucle piqué et double Axel-Euler-triple Salchow, sans réussir à totalement se libérer en fin de programme. C'est dans le Kiss and Cry que "Liza" laisse aller ses émotions, et ses larmes, lorsqu'elle réalise qu'elle sera médaillée mondiale, à 24 ans. Un moment de vulnérabilité aussi rare que touchant. Cette médaille d'argent a un goût d'or, sur Instagram, elle dit dédier cette victoire à toutes les femmes dans le patinage, "n'abandonnez jamais, tout est possible". 

 

 

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Une victoire, c'en est également une pour Alexandra Trusova. Reléguée à une décevante 12ème place, elle part "à la guerre" dans ce libre. Quadruple flip magistral, quadruple Salchow chuté, quadruple Lutz-triple boucle piqué sans problème, les difficultés s'enchaînent sans une once d'hésitation. La deuxième partie est aussi ambitieuse, mais le second quad Lutz est chuté, la combinaison du quad boucle piqué est dégradée. Le score technique reste monstrueux: 88 points qu'aucune de ses concurrentes de parviendra à battre. "Sasha" signe alors la "remontada" qu'on attendait d'elle, gagnant le libre et s'adjugeant le bronze. Elle peut regretter l'erreur du court qui lui coûte les meilleures places.

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A la quatrième place pointe une autre invitée surprise: alors qu'on attendait Bradie Tennell comme solide leader US, c'est Karen Chen qui offre aux Américains le troisième quota qu'ils osaient à peine espérer. Un programme visuellement propre, plein d'envie, mais qui semble d'un faible niveau pour le plateau mondial, sans combinaison triple-triple, et des rotations toujours suspectes. Elle assure l'essentiel tandis que sa compatriote, en difficulté, présente également des sauts dont les réceptions recevront des petits "<". Un programme un peu trop vide à mon goût place Bradie 9ème, qui expliquera plus tard avoir un problème sur une de ses bottines.

 

Une autre déception d'une soirée qui s'annonçait spectaculaire, c'est le classement de Kaori Sakamoto. Sur son Matrix qui semble taillé pour elle, mettant en valeur son athlétisme et la qualité de ses carres, elle ne commet que peu d'erreurs: une double trois dans sa combinaison flip-boucle piqué et un edge sur le Lutz. Les autres sauts, tous superbes d'amplitudes et de glisse à l'arrivée, ne reçoivent pas les bonifications attendues et ses composantes décevantes ne sont qu'un point au-dessus de Trusova, inférieures à Tuktamysheva. Kaori ne déçoit pas et maintient son rang, on espère voir la saison prochaine les difficultés qu'elle travaille tels que le quadruple boucle piqué. 

 

Déception également chez les Coréennes. Haein Lee et Yelim Kim passent toutes les deux à côté de leur libre. C'est au final Lee qui obtient le meilleur placement, 10ème. Elle arrive à faire oublier dans son patinage qu'elle n'a que 15 ans, tant elle dégage de maturité et de prestance. Sa silhouette n'est pas sans rappeler son illustre prédécesseure Yuna Kim,  mais la jeune coréenne a déjà un style bien à elle. 

 

Le top 10 est complété par deux Européennes qu'on n'attendait pas forcément. La Belge Loena Hendrickx présente un libre solide à tout point de vue, fiabilité sur toutes les difficultés techniques, maturité artistique qui fait du bien, elle améliore largement son Personal Best avec 141 points, prenant une très belle 5ème place, et ré-établissant son statut de première Européenne hors Russie.  L'Autrichienne Olga Mikutina est une autre agréable surprise dans les rangs européens. Elle avait montré un bon potentiel au dernier Championnat d'Europe à Graz en 2020, et elle confirme à Stockholm, avec son programme, de belles qualités techniques autant sur les sauts que les skating skills et les pirouettes. Un patinage encore jeune, mais il faudra compter avec elle pour les saisons à venir.

 

On attendait une possible remontée Satoko Miyahara, déjà médaillée deux fois en Championnat du monde, mais une chute sur la combinaison d'entrée annonce la suite du programme, dans lequel Satoko n'arrive pas à revenir, entre sauts doublés, chute, et toujours des rotations trop incomplètes. Elle nous explique en Zone Mixte virtuelle que son entraînement à été très perturbé par le fait de ne pas pouvoir rentrer à Toronto où elle travaille avec Lee Barkell. Restée à Detroit avec Yuka Sato, elle espère pouvoir retourner au Canada au plus vite. Reconnue comme une des artistes les plus complètes du circuit, elle nous dit avoir envie d'explorer encore beaucoup de nouvelles musiques, mais sans idée précise pour le moment.  

 

© Alice Alvarez (en ISU "remote access")

 

Classement programme libre

Scores détaillés

Classement final