© S.I.G./Patinage Magazine - Myriam Cawston
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Grand Prix d'Helsinki 2018 - 3.11.18

Jour 2

Programme court Messieurs


"Blood stream" de Tokio Payers pour le  Britannique Philip Harris qui est le premier sur la glace. Il est surprenant qu'avec un haut du corps aussi expressif, ses jambes semblent ne pas pouvoir suivre le mouvement, ce qui le conduit à de nombreux sauts avortés ou retournés. (10ème, 58.99). La patinoire semble quasiment comble, tous les Japonais qui ne s'étaient pas donnés la peine d'assister aux compétitions d'hier sont là aujourd'hui. 

 

Au tour du Russe Andreï Lazukin, qui est sans doute le meilleur "glisseur" russe, après Kolyada, mais qui a pour habitude de louper la plupart de ses sauts. Pour une fois ce n'est pas le cas. Il commence par un très beau quad boucle piqué, suivi d'un triple Axel nickel. Franchement, la seule chose que je lui reproche, c'est son manque de vitesse, il paraît vraiment lent sur la glace et par rapport à sa musique. Lazukin est le patineur Saint-Petersbourgeois typique,  qui pourrait patiner sur n'importe quel morceau classique, et pourtant il a choisi "I put a Spell on You" de Joe Cocker. Il termine son programme court avec une combinaison triple flip/triple boucle piqué. (5ème, 82.54)

 

L'Américain (né à St Petersbourg) Alexeï Krasnozhon, récemment passé senior, débute son court avec la combinaison qu'Alina Zagitova a raté hier : triple Lutz/triple boucle. Suivie d'un triple Axel. Sa posture laisse à désirer, sur la glace il me rappelle Arthur Dmitriev Jr : patineur très puissant mais manquant d'élégance. Au moins, il semble se faire plaisir sur la glace, même si la partie techno de "I Keep Dancing on my Own" de Berger et Carlsson,  et un problème d'équilibre dans la séquence de pas,  ne seront pas du goût de tout le monde. Auteur d'un bon triple Lutz en fin de programme, son contenu technique n'est pas mauvais, mais il faudrait vraiment qu'il améliore sa tenue de corps.  Une seule Rika Hongo par compétition, c'est suffisant ! (8ème, 74.05)

 

Au contraire de ses prédécesseurs sur la glace, le Coréen Junhwan Cha n'a pas suivi la mode du noir et blanc. Il est... tout en noir. L'élève de Brian Orser a une très bonne glisse et de bonnes bases techniques. Il commence par un quadruple Salchow, suivi d'une combinaison triple Lutz/triple boucle (celle loupée par Zagitova) qu'il retourne. Il se sert peu de sa musique, le "Cendrillon" de Prokofiev, ce qui est dommage. Son triple Axel est, par contre, d'une énorme amplitude. Il bat le Russe Lazukin de moins d'un point. (4ème, 82.82)

 

Le Finlandais et Docteur en Médecine Valtter Virtanen a, très logiquement, la faveur de son public. Il est aussi le premier à s'habiller en autre chose que noir et/ou blanc, en ajoutant du rouge à son smoking. Il ne nous offre qu'un triple boucle piqué/triple boucle piqué au lieu du 4T/3T prévu, en retournant le second saut. Il éclate son triple Axel mais poursuit vaillamment sous les encouragements de son public. Il n'est clairement pas du même niveau que Lazukin et Cha, mais on ne peut pas tout avoir, un entraînement intensif et un doctorat, le second n'étant pas non plus donné à tout le monde. Son double Lutz est assez laborieux, sa séquence de pas est lente,  et bien qu'elle soit supposée être distrayante voire humoristique, l'ensemble n'est pas convaincant. Il semble très fatigué à sa sortie de la glace et ne cache pas sa déception. (11ème, 48.16)

 

Le groupe suivant inclut trois médaillés européens et deux médaillés mondiaux. Et Keiji Tanaka, un peu perdu là au milieu. Le "vétéran" tchèque Michal Brezina est le premier à patiner. Son programme sur "Who Wants to Live Forever" de Queen, commence par un quadruple Salchow/triple boucle piqué "à la Brezina", c'est à dire avec le corps presque parallèle à la glace, suivi d'un triple flip. Il semblerait que notre ami d'aujourd'hui 28 ans a enfin trouvé ce qui lui manquait pour réceptionner ses sauts. Il termine avec un énorme et très propre triple Axel. Ce garçon a entamé sa carrière il y a plus de dix ans et peut enfin patiner sans pression et se faire plaisir. Il est un très inattendu, mais bienvenu, second avec une large avance sur ses poursuivants : 93.31 points. 

 

Le Chinois Boyang Jin fait hurler ces dames dès qu'il apparaît sur la glace. Début mitigé avec un quadruple Lutz et la main parterre, combiné à un triple boucle piqué qui lui vaut une chute. Ces dames crient d'horreur cette fois. Mais il se rattrape avec un quad boucle piqué et elles hurlent de nouveau de joie. Sa série de sauts se termine par un triple Axel, haut et facile. C'est un patineur complet, avec de très bons sauts, des pirouettes décentes, mais son programme manque de transition. Il n'y a pas grand chose entre les éléments à part des pas de base. A 1mn30, tous ses sauts sont déjà effectués, il passe donc le temps qu'il lui reste à faire le show pour le public, démontrant son talent artistique. Au "florimètre", il n'est pas loin derrière Yuzuru Hanyu et donne un travail fou aux petites ramasseuses ! Mais les Finlandais sont parfaitement organisés et ont prévu pas moins de dix fillettes à cet effet. Il ne faut pas longtemps pour que la glace soit de nouveau vide et que Tanaka puisse s'échauffer. (3ème, 85.97)

 

Du noir, toujours du noir, tout comme Brezina et Jin, Keiji Tanaka ne manque pas à l'appel ! Il commence par une chute sur son quad Salchow, après une bonne demi-minute à patiner en rond. Les choses s'arrangent avec un triple Lutz/triple boucle piqué et surtout avec un triple Axel, posé très exactement sur la musique. On sent qu'il essaie de projeter une certaine émotion, mais je n'ai pas le sentiment qu'elle aille beaucoup plus loin que le troisième rang des spectateurs. Beaucoup d'efforts pour rien, le public est resté insensible et semble l'applaudir par pure politesse. (7ème, 80.60)

 

Yuzuru Hanyu est accueilli par une énorme clameur, que seul un mélange de spectateurs Japonais et Finlandais est capable de produire ! Quadruple Salchow parfait d'entrée. Parler de ses éléments techniques paraît insensé. On a l'impression qu'Hanyu absorbe la musique avec son corps, puis qu'il la fait couler à travers lui jusque sur la glace... Quadruple boucle pique/triple boucle piqué avec un déséquilibre, mais il est beaucoup plus rapide que tous ses concurrents. En une moitié de programme, il couvre plus de surface que Lazukin dans son court tout entier. Il marque chaque accent de la musique, "Otonal" de Raul di Blasio, un vrai programme de champion olympique, salué par une "standing ovation" générale et une pluie de fleurs et de peluches Winnie l'Ourson. Cette fois, le patineur suivant, l'Israëlien A. Bychenko,  est obligé d'attendre plusieurs minutes avant que la voie ne soit libre ! (1er, 106.69)

 

Alexey Bychenko est l'un des patineurs les plus expérimentés du circuit, ce qui l'aide sans doute à ignorer tranquillement les cris du public et l'avalanche de cadeaux lancés au concurrent précédent. Il patine sur la B.O. du film "Requiem for a Dream", musique qu'il souhaitait utiliser depuis longtemps. Triple flip, suivi d'un triple Axel avec la main au sol, saut avec lequel il s'est bagarré pendant tout l'échauffement. Mais il fait tout ce qu'il peut et au bon moment, comme cette combinaison triple Lutz/triple boucle piqué pour conclure son programme. Dans une interview, il a récemment expliqué qu'il comptait en fait prendre sa retraite, mais que sa fédération lui a demandé de continuer une saison de plus, ce qu'il a accepté. Il a perdu toute chance de se qualifier pour la Finale en ratant son premier Grand Prix (9ème au Skate America après avoir fait un malaise), mais il semble retrouver peu à peu sa forme et se rapproche de plus en plus du Bychenko que je connais, plein d'entrain et capable d'assurer quand il le faut. (9ème, 73.44)

 

Le Russe Mikhail Kolyada est le dernier sur la glace. Son programme court, au son de "I Belong to You" de Muse a été chorégraphié par Stéphane Lambiel. Il attaque par un quadruple boucle piqué retourné, suivi d'un Lutz avorté et donc invalidé. Quel dommage car ses "skating skills" sont superbes, il vole littéralement au-dessus de la glace. Il réussit heureusement un triple Axel très net. Si on combinait les "skating skills" et les jambes de Kolyada avec le haut du corps de Harris, on obtiendrait le patineur parfait !  Si le potentiel de Kolyada est incroyable, par contre son dos et ses bras sont raides en permanence, ce qui est encore plus visible quand ses sauts ne passent pas et qu'il semble se refermer dans sa coquille. (6ème, 81.76)


Programme libre Couples

Le problème, dans les compétitions, c'est qu'on ne peut, hélas, pas être partout à la fois. J'ai manqué les trois premiers couples car j'assistais à la conférence de presse des Messieurs (résumé à paraître). 

 

A mon retour dans la patinoire, celle-ci est malheureusement à demi-vide, la plupart des spectateurs sont partis après le programme court Messieurs. Les Américains Stellato-Dudek/Bartholomay patinent sur deux grands standards de Whitney Houston : "Run to You " et "I have Nothing". Leur triple twist est accroché à la descente, et leur saut lancé (Salchow) inexistant. Les choses ne s'arrangent pas vraiment avec un double Salchow parallèle auquel la jeune femme ajoute un simple boucle piqué, vestige d'une combinaison prévue mais pas passée. Un triple boucle piqué parallèle réussi plus tard, tout va mieux et ils sont de nouveau dans leur programme. Deanna semble réellement convaincue par la musique. Le triple boucle lancé est atterri avec un genou ultra-fléchi, mais elle conserve son équilibre. L'émotion est un peu absente de leur prestation alors que, justement, ils ont choisi deux chansons potentiellement touchantes. Le programme pourrait avoir une toute autre puissance avec une interprétation plus prenante. J'aimerais vraiment beaucoup les voir patiner sur une musique douce au piano, ce qui ne nécessite pas de s'arracher le coeur pour le lancer sur la glace,  et correspondrait mieux à leur style. (6èmes, 102.77 / total 159.21)

 

A l'affiche du second groupe, les médaillés d'argent olympiques Zabijako/Enbert. Mais ce sont leurs compatriotes Pavliuchenko/Khodykin qui sont les premiers en lice. Sur la B.O. du film "The Great Gatsby", dont la première partie récitée nous rappelle qu'il s'agit d'une histoire d'amour, ils commencent par un triple flip parallèle, et les rotations de Daria paraissent bien plus rapides que celles de son partenaire. Mais l'exercice est propre, comme l'est la combinaison triple boucle piqué/double boucle piqué/double boucle piqué qui suit. La chorégraphie comprend un passage dans lequel il effectue un saut et demi pendant qu'elle patine, j'ignorais que ce genre de figure était autorisé. Leur triple flip lancé est magnifiquement atterri. Ils utilisent au maximum leur différence de taille (elle est très menue), lors du porté Star, il la tient au niveau de la taille et non de la hanche. Leur triple boucle lancé est propre mais leur dernier porté n'est pas tenu jusqu'à la fin. Il semble que Denis doive faire de gros efforts dans les portés, Daria ne prenant pas d'élan pour s'aider, il ne peut donc compter que sur sa propre puissance pour la soulever. Bien que la musique romantique du début change pour un Dubstep, leur rythme à eux ne change pas vraiment. Néanmoins, le programme est dans l'ensemble agréable et plutôt propre. (2èmes du libre, 121.81, 3èmes au général 185.61)

 

Les Autrichiens Ziegler/Kiefer sont toujours aussi élégants. Si la robe du programme court de Miriam était jolie, celle qu'elle porte aujourd'hui est carrément magnifique, deux tons de violet avec une simple ligne argent. Ils ont, encore une fois, choisi une musique douce et romantique, "Hello" de Adele, suivie de "Rolling in the Deep", mais dans une version avec choeurs, sans les accents rock, qui convient bien à leur patinage. Leur entame de programme est très classique avec un triple twist, suivi d'un excellent triple boucle piqué/double boucle piqué/double boucle piqué. Hélas, Myriam atterrit son triple Salchow sur deux pieds, avant de réussir un très beau triple flip lancé. Un triple Salchow "Tano" lancé fait sourire Miriam pour la première fois depuis le début de leur prestation. Malheureusement, le porté qui suit est raté, ce qui les prive sans doute de leur seule chance d'obtenir une médaille dans une compétition internationale. (5èmes, 112.12, total 4èmes, 174.81). 

 

On l'a déjà dit, les Italiens Della-Monica/Guarise, accompagnés de Nina Mozer, ont de l'expérience. Ils patinent sur "Tristan et Iseut" arrangé par Maxime Rodriguez. On attend un triple Salchow/double boucle piqué, mais Nicole ne passe qu'un double Salchow et Matteo doit attendre pour voir si elle va enchaîner avec le saut prévu. Ce qu'elle fait,  mais l'élément a été exécuté en retard et ils vont, en fin de programme, déborder du temps imparti, ce qui leur vaudra une déduction. Leur triple twist est très bon. Nicole pose les deux pieds (et les deux mains) sur la glace à la réception du triple boucle lancé. Il n'y a aucune connexion entre le rythme de leur musique et leurs mouvements, sans doute à cause du décalage engendré par l'erreur du début. Ils semblent reprendre leur souffle après la Spirale de la Mort, et commencent à être plus expressifs au lieu de courir après leurs éléments. Mais Nicole entame le triple boucle piqué parallèle bien avant lui, causant un nouveau décalage, et stoppant à deux tours. Pour finir, et pas en beauté, elle réceptionne son triple Salchow sur deux pieds. Ils viennent presque de perdre la médaille d'argent au profit des jeunes Russes Pavliuchenko/Khodykin... (3èmes, 117.59, total seconds, 185.77), alors qu'ils étaient là pour gagner. 

 

Encore une fois, Nina Mozer n'a pas à s'éloigner puisque ce sont de nouveau ses élèves qui prennent la glace avec Zabijako/Enbert. L'histoire de leur choix musical est touchante : le baryton russe Dmitri Khvorostovski, interprète d'une ballade en français "Toi et Moi",  est récemment décédé après une bataille de deux ans contre une tumeur au cerveau.  Natalia et Alexander souhaitaient faire entendre sa voix sur la glace. Ils se sont tournés vers le compositeur Igor Krutoï, qui avait travaillé avec Khvorostovski et qui a trouvé leur idée si bonne qu'il les a invités dans son studio pour enregistrer une version spécifique à leur programme. Un programme qui débute avec un joli triple twist et un triple boucle piqué/double boucle piqué/double boucle. Mais Alexander, parti en retard,  accroche à la réception du triple Salchow parallèle et tombe. Leur triple Salchow lancé part de travers mais elle parvient à le réceptionner quand même. Représenter la Russie (elle est née en Estonie), lui réussit. Elle qui était déjà une patineuse élégante,  est devenue carrément extraordinaire en deux ans. Un triple boucle ultra-ample, des portés qui semblent faciles, un patinage doux, de belles lignes, l'erreur sur le triple Salchow n'aura pas réussi à gâcher l'impression d'ensemble, celle d'une victoire justifiée. (1ers, 130.92, 1ers 198.51, soit plus de dix points devant les Italiens).


Programme libre Dames

 

Rika Hongo était passée à travers son programme court. Elle se bat pour remonter au classement aujourd'hui mais commet encore trop d'erreurs sur une musique difficile : "Children of Nazareth". Un triple flip raté qu'elle fait l'erreur de répéter (donc saut invalidé), faute de carre pour le triple Lutz, double boucle (combinée à double Axel et double boucle piqué) en sous-rotation, même chose pour son triple Salchow. Aucun de ses sauts n'est bien noté et elle est loin de son réel niveau. (7ème 105.48, total 10ème, 156.59). 

 

Au tour de Viveca Lindfors. La Finlandaise a brillamment réussi le même programme au Finlandia Trophy. Tout n'ira pas aussi bien pour elle non plus aujourd'hui. Sur "I Dream a Dream" extrait des "Misérables", et dans une magnifique robe rouge, elle réussit un triple Lutz/triple boucle piqué, mais tombe sur le triple boucle en sous-rotation. Elle se reprend avec un bon triple flip suivi d'une combinaison triple Lutz/double boucle piqué et d'un double Axel avant de terminer avec un double Salchow et un second double Axel qu'elle retourne. (6ème 106.67, total 8ème, 159.52). 

 

La seule Américaine engagée à Helsinki, Angela Wang,  patine sur "Send in the Clowns", dans une délicieuse robe beige. Elle débute par un triple flip/triple boucle piqué, puis passe un simple Lutz. La combinaison qui semblait intéressante sur le papier (double Axel/triple boucle piqué/double boucle piqué), se transforme en double Axel en sous-rotation/double boucle piqué, suivi de... la même chose. Elle atterrit son triple Lutz sur deux pieds et chute lourdement. Elle ne parvient pas à se reprendre,  et transforme un triple boucle piqué en double, pour de nouveau tomber. De plus le saut est invalidé puisque déjà effectué. Elle termine avec un double Salchow mais une bonne séquence de pas et une jolie pirouette. (11ème, 95.81, total 11ème, 149.57). 

 

A croire que la Coréenne Hanul Kim, pour sa première participation en Grand Prix,  souhaitait aider l'Américaine... La chanson "Simple Song" qu'elle a choisie est vite pénible à cause du vibrato permanent de la chanteuse (Sumi Yo). Sous-rotation sur sa combinaison triple Lutz/triple boucle piqué, même chose pour sa double boucle/double boucle piqué, simple flip avec faute de carre, encore en sous-rotation dans le triple boucle, sa jambe libre restant toujours enroulée après la réception. La seconde partie du programme est beaucoup mieux exécutée : triple Lutz, double Axel, double Axel/double boucle piqué, double boucle. Malheureusement, à part dans ses pirouettes, son patinage n'a pas grand rapport avec sa musique. (8ème, 104.77, total 7ème, 160.15). 

 

Ce premier groupe est complété par la Japonaise Kaori Sakamoto, sur la musique du film "The Piano". La voir dans le second groupe est assez déconcertant, elle nous a habitués à beaucoup mieux. Elle prend son temps avant de démarrer, profitant du soutien inconditionnel du public. Kaori patine très vite, en deux coups de lames, elle prend déjà un élan formidable et réussi un très beau triple flip/triple boucle piqué, puis un double Axel bien net, et un triple Lutz (avec erreur de carre). Elle est la première ce soir, à réellement utiliser les mouvements de sa musique plutôt que de courir derrière ses sauts. Un tout autre niveau. Un bon triple Salchow nous amène à la partie rapide du programme : double Axel/triple boucle piqué/double boucle piqué, double Axel qui couvre une surface incroyable, triple flip/double boucle piqué, avec, peut-être, une réception légèrement sur deux pieds ? Elle conserve sa vitesse jusqu'à la fin, le seul signe de fatigue sera la faute de carre commise dans la séquence chorégraphique. Mais cela ne l'empêche pas de retrouver sa concentration et de réaliser un triple boucle parfait. Le public lui offre une "standing ovation" et elle ne cache pas sa joie.Oui, elle peut faire aussi bien que Medvedeva la semaine dernière,  et remonter aussi haut que possible après un court catastrophique ! (2ème, 140.16, total 3ème, 197.42). Il va falloir que les prochaines concurrentes se battent de toutes leurs forces pour ne serait-ce qu'approcher de ce niveau !

 

Le second groupe est un assortiment de robes violettes ou rouges, à commencer par la patineuse locale Emmi Peltonen sur "Mémoires d'une Geisha". Elle entame son libre avec une très ample combinaison triple boucle piqué/triple boucle piqué, mais son triple Lutz devient un double et elle chute sur son triple boucle, ce qui la prend par surprise. Elle réussit ensuite double Axel/Euler/double Salchow. Dans un monde idéal, la Finlande enverrait deux jeunes filles à chaque compétition : Peltonen pour le programme court et Lindfors pour le long ! Le double flip d'Emmi est très haut (et sur la mauvaise carre) et elle semble ne pas très bien contrôler ce qui se passe dans les airs. Double boucle, double Axel en sous-rotation, à la fin de son programme Emmi est si fatiguée qu'elle peut à peine tenir la carre de son Grand Aigle. Elle finit d'ailleurs avant sa musique. (10ème, 98.82, total 9ème, 158.72). 

 

La première Russe de la soirée est Stanislava Konstantinova, sur la bande originale d'Anna Karénine, dans une magnifique robe violette. Triple Lutz "Tano"/triple boucle piqué "Rippon" en hors-d'oeuvre, et il me semble que le second saut est posé sur deux pieds. Suivent double Axel/Euler/triple Salchow, un triple boucle propre et un double Axel, puis, en seconde partie de programme, un triple flip "Tano"/double boucle piqué un peu laborieux. Préparer cette combinaison lui prend environ deux fois plus de temps qu'à Sakamoto... Elle entame son triple Lutz en manque de vitesse et sur un mauvais axe, et sa réception n'est pas vraiment nette. Cependant, je crois que c'est la première fois qu'elle réalise deux programmes dans une compétition internationale sans erreur majeure, donc sans GOE négatif. J'espère qu'elle va continuer dans cette voie. Stanislava est une très jolie patineuse, dont la préparation n'a pas été précipitée. Son entraîneur, Valentina Chebotareva, a expliqué l'an dernier qu'elle ne poussait jamais ses élèves à apprendre les éléments qu'Eteri Tutberidze fait exécuter aux siennes dès 14 ans. Stanislava a donc eu le temps de grandir et de s'épanouir, ce qui paye aujourd'hui. Elle perd la seconde place du libre au bénéfice de Kaori Sakamoto, mais la bat au classement général. (3ème, 135.01, total : seconde 197.57)

 

La deuxième Russe sur la glace est Daria Panenkova, sur "You're not from Here" de Lara Fabian. En général, j'apprécie peu que de jeunes russes patinent sur des ballades chantées par de fortes voix féminines,  car elles ont tendance à surjouer l'émotion. Elle commence par un double Axel "Tano", atterrit sa combinaison triple Lutz "Rippon"/triple boucle piqué en sous-rotation sur deux pieds, pose de nouveau deux pieds à la réception de son triple Salchow "Rippon" et tombe avant de réussir un double Axel "Tano".  Il ne se passe pas grand chose entre ses sauts, ses bases sont médiocres, sa glisse n'est pas très bonne et elle est très lente comparée à Konstantinova. Pendant que j'y suis, des cours de ballet lui feraient le plus grand bien. Triple Lutz "Rippon"/triple boucle piqué, triple flip "Rippon"/double boucle piqué/double boucle piqué, triple boucle "Rippon". Daria maîtrise les sauts et peut apparemment tous les exécuter avec un ou deux bras en l'air. Mais il n'y a rien d'autre dans son patinage, aucune connexion avec la musique et le programme n'est pas passionnant. Mais c'est sa première saison avec un nouvel entraîneur (Anna Tsareva), espérons qu'elle est en phase d'ajustement et d'expérimentation. Elle doit aussi faire face à un pic de croissance,  ce qui doit l'obliger à se battre pour conserver sa technique de sauts. Tout ira certainement mieux l'an prochain. (9ème, 103.25, total 6ème, 161.48)

 

La championne olympique en titre, Alina Zagitova, patine sur "Carmen". Le public est avec elle dès les premières notes de musique. Elle commence avec un double Axel, puis un triple Lutz/triple boucle piqué, les deux en "Rippon", avec un léger "touch" des deux pieds sur le Lutz. Puis triple Salchow "Rippon", une entrée compliquée sur son double Axel, qu'elle a déjà prouvé pouvoir réussir pendant le programme court. Le triple Lutz/triple boucle,  avec lequel elle a eu des problèmes hier,  passe aujourd'hui, mais chacun en sous-rotation. Un triple flip/double boucle piqué/double boucle piqué et un triple flip "Rippon" complètent sa liste de sauts. Comme Panenkova juste avant elle, quasiment tous ses sauts sont effectués bras en l'air. Mais Alina, elle,  utilise chaque accent de la musique. Le génial chorégraphe Daniil Gleikenghauz a encore frappé cette année. Cette compétition aura au moins servi à démontrer qu'elle n'est pas la championne olympique d'un seul cycle à la Sotnikova,  et qu'elle est là pour continuer de gagner. (1ère, 146.39, total 1ère 215.29)

 

Yuna Shiraiwa arrive sur la glace et l'annonce des scores de Zagitova se perd dans les cris des fans japonais. Triple Lutz/triple boucle piqué (en sous-rotation), pendant qu'Alina se voit offrir une peluche deux fois plus large qu'elle, si lourde qu'elle a du mal à marcher avec ! Yuna poursuit avec un double Axel très propre. La façon dont les patineuses japonaises gagnent de la vitesse sans effort apparent est incroyable. Joli et facile triple flip (mais la carre est douteuse), double Axel, triple Lutz/triple boucle piqué (nouvelle sous-rotation). et pour triple Salchow/double boucle piqué/double boucle (troisième sous-rotation sur le Salchow, qui fait s'agiter son coach derrière la barrière). Elle termine avec un impeccable triple boucle avec une entrée en grand aigle. Elle n'a peur de rien ! (5ème, 127.69, total 4ème, 191.46).

 

La Belge Loena Hendrickx clotûre ce programme libre sur "Differente" de Gotan Project. Triple Lutz "Rippon/triple boucle piqué (sous-rotation) pour commencer, puis triple flip "Tano". Elle paraît beaucoup moins rapide que Shiraiwa mais elle est aussi beaucoup plus grande. Elle réalise un double Axel que je qualifierai de prudent, puis un triple Lutz "Rippon". Elle entraîne vraiment le public avec elle dans sa séquence de pas, il y a tellement de choses à applaudir dans son patinage ! Elle patine un vrai Tango, en s'appuyant sur toutes les notes, ses mouvements sont précis et dans le rythme. La suite de son programme inclut triple flip "Tano"/double boucle piqué "Rippon"/simple boucle (due à une sous-rotation sur le premier saut), mais elle remet le double/boucle en combinaison avec un double Axel et exécute un triple Salchow comme dernier saut. Programme quasiment propre pour la jeune Belge, mais ce ne sera pas assez pour battre ses deux rivales japonaises. (4ème, 128.05, total, 5ème, 191.22)

 

© S.I.G. - Sur place : Tanya Drubetskaya

Traduit de l'anglais par Kate Royan