© Alice Alvarez - S.I.G.
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CHAMPIONNATS DU MONDE

Montpellier -  25 mars 2022

Programme Libre Dames

Kaori Sakamoto l'emporte au terme d'une finale dames qui a conquis le public. L'absence des patineuses russes, stars habituelles de la discipline, a finalement été oubliée, grâce à une compétition de haut niveau. Les nouvelles reines du patinage sont japonaise, belge et américaine.

 

Un programme puissant et inspirant, c'est ce que nous livre avec beaucoup de conviction Kaori Sakamoto. Les sauts sont maîtrisés, mais ce programme va bien au-delà. C'est un hymne à la femme, chorégraphié par Benoit Richaud, sur "No More Fight Left in Me" d'Imany pour le documentaire "Woman" de Yann Arthus-Bertrand et Anastasia Mikova. Après ses deux magnifiques médailles de bronze aux Jeux Olympiques, Kaori s'offre la plus belle des  récompenses : championne du monde ! 

 

Nous la retrouvons en conférence de presse après la cérémonie des médailles : "Je suis si heureuse. J'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour Mao Asada et Miki Ando qui ont été championnes du monde avant moi. Je suis fière de continuer cette tradition japonaise. J'ai eu des hauts et des bas dans ma carrière, notamment la saison 2019-2020 qui était particulièrement difficile. Je ne progressais plus et je ne savais plus quoi faire pour m'améliorer. Pendant les confinements liés au COVID19, j'ai réalisé que je pouvais rattraper mon retard en travaillant beaucoup hors glace. Cela m'a finalement beaucoup aidée ! Après les Jeux Olympiques de Pékin, j'étais très fatiguée, mais beaucoup de patineurs sont dans ce cas donc ce n'est pas une excuse. Je ne dirais pas que je suis très forte mentalement, juste dans la moyenne, mais j'apprends de mes expériences. Par exemple, patiner en dernière d'un groupe n'est plus un problème pour moi."

Lorsque je lui demande ses inspirations pour ce programme libre et si elle a vu le film "Woman", elle m'indique : "J'ai essayé de le trouver sur Internet mais j'ai eu beaucoup de difficultés, il ne semblait pas disponible au Japon. J'ai fait confiance à Benoît Richaud, mon chorégraphe, pour interpréter ce thème".

 


© Alice Alvarez - S.I.G.
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Notre meilleure européenne, Loena Hendrickx réalise un des meilleurs programmes de sa carrière. Malgré sa blessure, elle se bat sur chaque saut, dès le premier. Après des programmes libres en demi-teinte aux championnats d'Europe et aux Jeux Olympiques, elle signe une très belle performance et obtient la médaille d'argent, synonyme de bonheur absolu pour la Belge qui met fin à de nombreuses années de disette pour son pays (1948 !). Lorsque je lui avais demandé en octobre 2021 si elle avait conscience d'être devenue un des "grands noms" de la discipline, elle en doutait un peu. J'espère que ce n'est plus le cas...!

Large sourire et médaille autour du cou, elle raconte : "Je suis si fière de cette médaille, pour la Belgique et pour moi. Ces dernières années, j'ai été malade et blessée, mais j'ai réalisé à quel point j'aimais ce sport et je n'ai jamais abandonné. Les championnats d'Europe étaient une belle mais difficile expérience. J'étais deuxième après le programme court. J'étais si heureuse que je n'ai pas su gérer mes émotions pour le programme libre. J'ai réussi à ne pas répéter cette erreur à Montpellier."

 
© Alice Alvarez - S.I.G.
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Alysa Liu complète ce podium. Il s'agit, comme Kaori et Loena, de sa première médaille mondiale. Il manque une partie de la rotation sur son triple Axel, mais la réception est tenue. Alysa place ensuite toutes ses combinaisons de sauts en fin de programme, stratégie très payante.

Elle n'en revient pas : "Je suis encore sous le choc du résultat ! Succéder à Ashley Wagner (2016) est un honneur. J'ai eu des années difficiles, j'avais perdu ma motivation après les périodes de confinement. Je n'allais pas beaucoup à la patinoire et une blessure à la hanche me causait problème. Je ne sais pas trop comment j'ai retrouvé la motivation (rires) mais cela a fonctionné !" 

 

Sa compatriote Mariah Bell est la malheureuse quatrième de cette compétition. Déçue mais fair-play, elle félicite chaleureusement Alysa Liu. Mariah a un patinage très agréable à regarder, mais l'absence de combinaison triple-triple à ce niveau la dessert beaucoup. S'ajoutent à cela quelques erreurs en deuxième partie de programme au moment où la musique devient la plus intense. La voir seule dans le Kiss & Cry reste très surprenant. Adam Rippon est certes au téléphone avec elle, mais un entraîneur sur place n'aurait pas été du luxe pour une candidate au podium mondial.

 

La coréenne Young You se classe en cinquième position finale. Elle tient la réception du triple Axel, ce qui est assez incroyable après avoir enchaîné les tentatives manquées cette semaine aux entraînements. Il est toutefois en sous-rotation, comme celui d'Alysa Liu. Plusieurs autres problèmes de rotations entachent son programme, ainsi qu'un boucle simple. La combinaison triple Lutz Euler triple Salchow est en revanche admirable.

 

Un programme libre propre et très délicat sur la musique du film W.E. d'Abel Korzeniowski, compositeur très apprécié des patineurs, permet à la géorgienne Anastasiia Gubanova de prendre la sixième place au classement général.

 

Haein Lee réalise un très bon programme, avec un contenu technique assuré, si on ferme les yeux sur quelques sous-rotations (ce que n'ont pas fait les juges). Elle crie de joie sur les réceptions des deux derniers sauts et se classe septième.

 

Du très bon et du beaucoup moins pour Karen Chen, huitième de cette compétition. Elle démarre avec une magnifique combinaison double Axel triple boucle piqué, avant de passer à côté des deux sauts suivants (triple flip chuté et triple Salchow ouvert à 2,5 tours). La suite du programme se déroule mieux, malgré une combinaison de trois sauts un peu chahutée. Ce programme très apprécié d'une partie du public ne me convainc pas depuis le début de la saison et je serai heureuse de la voir sur un autre registre la saison prochaine, et avec un triple boucle stabilisé.

 

Nicole Schott, invitée surprise du dernier groupe, ne s'est pas écroulée sous la pression. Son niveau est inférieur à ses concurrentes mais l'ensemble est très honorable et presque sans-faute si on oublie l'erreur sur le double Salchow de fin de programme. Sur une chorégraphie signée Carolina Kostner, elle termine dixième de cette compétition.

 

Wakaba Higuchi, blessée, devant un public qui lui est complètement acquis et la soutient du début à la fin, manque son programme libre. Le triple Axel est chuté, ainsi qu'une combinaison triple Lutz triple boucle piqué. Nul doute que nous la reverrons en meilleure forme la saison prochaine.

 

Mana Kawabé réalise une bonne tentative de triple Axel, toutefois incomplet. Beaucoup de petites erreurs suivent et la rétrogradent à la quinzième place.

 

Niina Petrokina est si triste de sa seizième position lorsque je la retrouve avec son programme. Elle déplore les erreurs de seconde partie de programme sur le boucle et le flip, ainsi que la chute sur la série de pas, alors qu'il y a aussi tant de bonnes choses et qu'elle est si prometteuse : "Je suis triste car j'avais bien démarré ce programme et je ne sais pas ce qu'il s'est passé ensuite. Aux entraînements cela se passait si bien. Ma dernière compétition sera les championnats du monde juniors à Tallinn, à la maison, ce qui est parfait pour moi car je me sens très fatiguée, et cela me portera peut-être chance !"