© Kate Royan - S.I.G.
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Interview Maé-Bérénice Meité

Grenoble - 18 mars 2021


Absente des Championnats de France Elite en février, Maé n’aura pas pu remporter de… septième titre national ! Celui-ci est allé à Léa Serna, et la patineuse licenciée au club de Vitry, mais qui s’entraîne en Floride, devra se contenter, de six victoires, soit trois de moins, pour l’instant, que la recordwoman Surya Bonaly (neuf !) Mais, quatrième de la Challenge Cup à La Haye le mois dernier, Maé s’est qualifiée pour les championnats du Monde de Stockholm du 22 au 28 mars.

 

Patinoire Pôle Sud, le 18 mars 14h. Maé partage la glace de la grande piste avec Kevin Aymoz, Maïa Mazzara et une jeune fille du GIMP, entraînés par Françoise Bonnard. Le téléphone posé sur la barrière, Maé répète une suite de pas, sous l’œil de Sylvia Fontana en Floride, grâce à la vidéo-conférence.

 

S.I.G. : Tu as récemment participé à la Challenge Cup de La Haye, comment ça s’est passé ?

M.B.M. :  C’était mon retour à la compétition après plus d’un an, donc c'était très cool mais dans des conditions assez particulières.  Je suis arrivée des Etats-Unis,  et on a eu deux jours pendant lesquels on ne pouvait pas sortir de notre chambre. On n’a pu mettre le nez dehors que pour l’entraînement officiel, le matin de la compétition. J’avais le décalage horaire dans les jambes, bon OK je n’étais pas la seule, mais avec deux jours sans toucher la glace, c’était un peu brutal !  Mentalement, il fallait y aller, se donner à fond. Pour le programme court ça allait, pour le libre, c’était un peu plus compliqué. Mais j’ai retrouvé tout de suite de bonnes sensations. Et j’ai réussi à me qualifier pour les championnats du Monde. Pour moi c’était une bonne façon d’évaluer où j’en étais.

 

S.I.G. : Tu patines sur quelles musiques cette année ?

M.B.M. : Pour le court, sur « If I ain’t Got You” d’Alicia Keys, et pour le libre un medley de Michael Jackson avec « Earth Song et « They Don’t Really Care about Us, et au milieu « Dark Side of Scorched Earth », un morceau de Karl Hugo et Hugo Chouinard.

 

S.I.G. : Comment t'es tu retrouvée à Grenoble ?

M.B.M. : Après La Haye, je suis rentrée en France et il fallait que je trouve de la glace. Sur Paris, c’était assez compliqué. Ici, il y avait déjà Kevin et Maïa qui travaillent avec Françoise [Bonnard]. Je me suis organisée avec la Fédération pour les rejoindre et préparer mes championnats du Monde ici.

 

S.I.G. : Tu travailles par téléphone avec tes entraîneurs habituels ?

M.B.M. : C’est un peu délicat pour faire correspondre les horaires. Silvia n’est pas toujours disponible aux heures où je suis sur la glace. Mais on se débrouille. Ce ne serait pas possible sur le long terme, mais sur une courte période, ça fonctionne. Je pose le téléphone sur la barrière et j’essaie de rester dans le champ !

 

S.I.G. : Participer à des championnats du Monde en guise de deuxième compétition dans la saison, c’est particulier aussi…

M.B.M. : Tout est particulier cette année ! Je me dis que c’est une compétition comme une autre, la suite logique de mon entraînement. Sans ça, je me mettrais une pression d’enfer, oh mon Dieu des championnats du Monde, la qualification pour les J.O. ! (rires) Je préfère voir ça comme une compétition normale, en costume, devant des juges. Mais sans public. On va quand même essayer de mettre un peu d’ambiance entre patineurs, de s’encourager. A La Haye, on n’avait pas le droit de rester dans les gradins, on devait quitter la patinoire après nos programmes. Mais l’organisation était parfaite, avec des bus qui nous emmenaient de l'hôtel à la patinoire pile à l'heure, en fonction de notre ordre de passage. La patinoire était beaucoup plus petite aussi,  donc on a moins senti l’absence de spectateurs. A Stockholm, le Globe est immense… Mais je me dis qu’il faut que j’en profite et que j’apprécie. Tout le monde n’a pas la chance de pouvoir faire des compétitions en cette période compliquée. On nous offre cette opportunité, une bulle de sécurité a été mise en place, c’est un travail de fou ! Toute l’Equipe de France voyage ensemble samedi, nous serons testés avant de partir, puis à l’arrivée. Ensuite nous serons confinés dans nos chambres en attente des résultats. Une fois les résultats reçus, on pourra recevoir nos accréditations, et donc aller de la bulle, c’est-à-dire l’hôtel, à la patinoire par un couloir réservé. C’est vrai que le huis clos est un handicap. Je fais partie des patineurs qui se nourrissent de l’énergie du public, de leurs encouragements. Mais on fera avec !

 

S.I.G. : Quels sont tes projets pour l’après championnat ?

M.B.M. : Tout dépend si la France se qualifie pour le World Team Trophy ou non. Si c’est le cas, je resterai en France plutôt que de retourner en Floride, histoire de ne pas subir un autre décalage horaire. Si on ne se qualifie pas, je ne sais pas. Tout va dépendre de la situation sanitaire internationale.

 

S.I.G. : Qu’est-ce qui t’a le plus manqué depuis le printemps l’an dernier, qu'est-ce qui a été le plus difficile ?

M.B.M. : Honnêtement, ça a été l’isolement, d’être loin de ma famille aussi longtemps, loin de mes amis. Je me suis sentie un peu seule. Le fait de ne pas participer à des compétitions n’a pas été un si gros handicap, par contre. J’ai eu le temps de soigner mon genou qui avait recommencé à faire des siennes. Je ne souffre plus comme j’ai pu souffrir avant et c’est important mentalement. Pour moi cette période a en fait été une… [Maé cherche l’expression en français] psychological release ?

S.I.G. : Un soulagement psychologique…

 

M.B.M. : Oui, une libération. Plus besoin de faire attention à l’entraînement, de m’inquiéter… Je n’ai pas eu à courir après le temps, à me dire « oh mais je ne pourrai jamais être prête quand il faut ». Bon, j’ai raté les championnats de France, mais je me suis dit que c’était le moment de prendre mon temps, de prendre celui de me soigner vraiment, pour être dans les meilleurs dispositions possibles ! Tout va bien maintenant. Je vais aborder ces championnats en pleine possession de mes moyens.

 

Propos recueillis par Kate Royan pour S.I.G. ©