© courtesy of Olivier Brajon
© courtesy of Olivier Brajon

Masters 2019 Villard de Lans

Le tour des programmes courts...


Il fait tellement beau et doux qu'on regretterait presque de devoir s'enfermer dans une patinoire. L'été indien bat son plein sur le Vercors et comme le chantait Jean Ferrat : "comment peut-on s'imaginer (...) que l'automne vient d'arriver". Cette fin septembre sonne la reprise des compétitions. Certaines ont déjà eu lieu,  et plusieurs membres de l'Equipe de France ont une petite longueur d'avance sur leurs coéquipiers. Les Masters n'en restent pas moins leur test aussi rituel qu'annuel, le premier état des lieux. 

 

Juniors : les grands de demain ?

 

Maïa Mazzara, Tom Bouvart et Loicia Demougeot/Théo Le Mercier, imposent tout de suite la cadence dans leurs disciplines respectives. Ils prennent la tête des classements et ne la lâcheront plus. Idem pour le couple Molchanova/Belmonte, pour qui les choses sont plus simples. En l'absence de Cléo Hamon et Denys Strekalin (Denys est blessé au poignet), ils sont seuls. Dans cette catégorie juniors, les programmes ne sont pas encore vraiment rodés pour certains. Beaucoup d'erreurs et d'approximations chez les Messieurs comme chez les Dames. Nous sommes en tout début de saison, pour la majorité des patineurs, c'est une première présentation. On évitera d'être trop difficiles.

 

Corentin Spinar et François Pitot, vus aux Grand Prix Junior de Courchevel un mois plus tôt, cherchent encore leurs marques. Respectivement 5ème et 8ème, ils sont tous deux fâchés avec leur triple boucle et leurs Axels. Deux chutes chacun. Corentin n'est pas non plus en très bons termes avec sa séquence de pas. Les pirouettes de François prennent un petit coup de vent. A propos de triple boucle, il a bien du mal à passer pour tout le monde, et, de sous-rotations en GOEs négatifs, seul Yann Fréchon, 4ème provisoire, s'en sort sans accroc. Chutes, dégradations de-ci, de-là, ces programmes courts avancent franchement cahin-caha. Tom mène avec 55.70, devant Ian Vauclin 52.89 et Samy Hammi, 47.23. Le malchanceux du jour est Vincent Mimault, lanterne rouge avec 32.39, qui vaut infiniment mieux que six éléments dégradés sur sept et un maigre total de 32.39.

 

Côté demoiselles, ce n'est pas le Pérou non plus, puisque seule Maïa Mazzara réalise un sans faute. Avec 56.34 (score supérieur à celui de son homologue junior masculin), elle prend une bonne avance sur Lorine Schild (49.13) qui, elle non plus, n'est pas aussi en réussite que lors du programme court de Courchevel. Autre patineuse vue en aôut au JGP, Sophie Sprung loupe sa combinaison de triples saut et atterrit à la 6ème place (43.28), bien que le reste de son programme soit net. Malgré des sous-rotations sur sa combinaison, son boucle et son Axel, ainsi qu'une étonnante invalidation de sa pirouette Océane Piegad, est 3ème avec 46.79. A noter que Michaela Tortarolo, qui ferme la marche avec 32.64, a, elle aussi, un score (légèrement) supérieur à celui du dernier de ces jeunes messieurs. On se consolera de toutes ces prestations en demi-teinte avec un petit "girl power" au goût féministe du jour !

 

Les choses changent avec la danse junior. Originalité, créativité, déferlante villardienne ! Les élèves de Karine Arribert jouent du rouleau compresseur. Loicia Demougeot et Théo Le Mercier ont déjà largement entamé leur saison avec d'excellents résultats en Grand Prix. Ils sont en forme, motivés et d'une étonnante maturité. Twizzles de niveau 4, s'il vous plaît, cinq key-points validés sur huit, de bonnes composantes, eux aussi prennent une longueur d'avance (66.41) sur leurs camarades vertamicoriens Marie Dupayage et Thomas Nabais (58.76). Des soucis de twizzles empêchent les notes de Lou Terreaux et Noé Perron de monter (54.39) mais on retrouve deux autres couples villardiens en 6ème et 7ème places : Eva Bernard et Tom Jochum (41.17), et Solène Mazingue et Maxime Dos Reis (39.29), séparés de leurs co-équipiers par Celina Fradji/Jean-Hans Fourneaux (47.42) et Ninon Terreaux/Alric Baumgartner (41.18). 

 

Seniors : les grands d'aujourd'hui !

 

Où ai-je lu "Laurine Lecavelier, la résurrection" ? Merci mais elle n'était pas morte... Après bien des déboires et des changements d'entraîneurs qui n'étaient jamais de son fait, la voici installée en Italie, sous l'égide de Lorenzo Magri, et,  enfin,  dans une stabilité plus que souhaitée, méritée depuis des lustres. Gracieuse, fluide, pétillante, elle n'est ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre. Plusieurs ingrédients ont fait fonctionner la recette.  D'abord, le travail technique. Pas qu'elle en ait manqué avant, mais la rigueur de Lorenzo et son oeil de spécialiste I.S.U. qui ne laisse rien passer,  la font entrer dans une autre dimension. Ensuite : la pratique du ballet. Oh jusque là, Laurine n'aimait pas beaucoup cela. Mais à Egna, ville où elle a élu domicile, il y a Thiara. Et Thiara, ancienne prima ballerina,  a fait découvrir, et apprécier,  son art à Laurine. Ca se voit jusqu'au bout de ses ongles. Nouvelle gestuelle, aboutie, arrondie, caressant la musique. De ces deux ingrédients découlent un troisième : la confiance. Une confiance qui lui a si souvent fait défaut auparavant. Pas étonnant, puisque, de toutes parts, venaient plus souvent des reproches que des compliments. Lorenzo Magri n'est pas un coach paternaliste, un coach pote, c'est un enseignant, un vrai "prof" dans l'âme, là pour transmettre son savoir et tirer partie du meilleur de ses patineurs. Sur "November" de Max Richter, dès les premiers grondements du tonnerre, dans une superbe robe  couleur d'orage, la surprise est de taille. C'est toujours Laurine, mais une version XP, une 2.0, tout est amélioré : la glisse, les sauts, les transitions. Et le score : 66.25 points. Tout n'est pas parfait, la combinaison triple boucle piqué/triple boucle piqué est en légère sous-rotation. Rien à dire sur le reste, pas un GOE négatif. Et les PCS pourraient même être plus élevés. 

 

Maé-Bérénice Meité était plus en forme à l'Autumn Classic il y a quelques jours.  Mais Maé, c'est Maé. Elle ne lâche jamais rien. Du tout. Une version de "Mas Que Nada" par les Black Eyed Peas couplé à un Chacha de Maxime Rodriguez, le genre de rythme qu'elle a naturellement dans la peau, elle s'en donne à coeur joie sur cette musique aussi "hot" que sa chorégraphie, même si techniquement, il y a quelques dégâts. Le double Axel d'entrée est excellent, mais le second triple boucle piqué de sa combinaison avorte en double. Un accroc sur une pirouette, une sous-rotation à la réception du triple Lutz et autant de points de perdus, la relèguent au second rang provisoire avec 58.67. Rien n'est cependant perdu. On connaît sa combativité, sa volonté, son tempérament de guerrière. 

 

Il y a des jours avec et des jours sans. Pour Léa Serna, désormais élève de Brian Joubert, ce sera sans triple Lutz et sans combinaison. Ses très bonnes pirouettes de niveau 4 ne suffisent pas à faire grimper les notes. Avec 43.11, elle est 4ème, derrière Julie Froetscher (51.34). Julie revient de blessure et semble en délicatesse avec des difficultés techniques qu'elle maîtrise d'habitude sans problème : triple Lutz et double Axel, les deux en sous-rotation. Même souci pour Alizée Crozet, elle aussi récemment blessée et en cours de récupération. Chute sur son triple boucle, Axel non déclenché et invalidé, combinaison dégradée, elle est 5ème avec 36.95. 

 

Plus de 22 points d'avance sur son premier poursuivant, voici Kevin Aymoz dans ses oeuvres... Prince et "The Question of U" lui vont largement aussi bien que Bryce Fox et "Horns l'an dernier. Artiste, inventif, rocker au coeur tendre, Kevin s'offre un programme court ouvert par un quadruple boucle piqué majestueux et sans une seule erreur. Il rate le score symbolique de 100 points pour très peu :99.68. Kevin est définitivement dans la cour des très grands. Luc Economidès (77.39) lui aussi, présente un programme propre, à l'exception d'une carre douteuse dans sa combinaison. Si sa gestuelle reste encore un peu trop proche de celle de son célèbre coach, Florent Amodio, Luc est est néanmoins en train de développer son style. Sans quad, donc sans saut simple avec une base value au delà de 8.00, il lui est difficile de rivaliser avec son aîné. Adrien Tesson a tout pour lui, on ne le dira jamais assez : talent, potentiel, envie, dur au mal et au travail. Pourtant, ses sauts lui échappent avec la régularité d'un métronome, et donc les points aussi. Triple Axel et combinaison dégradés, seul passe le triple boucle. Il écope, de plus, d'une déduction pour "départ en retard". Dommage, car son programme court sur "Experience" de Ludovic Einaudi, est taillé à la mesure de sa musicalité et sensibilité.

 

Aïe Romain Ponsart... Il faut dire que tout est contre lui : des problèmes de dos qui l'ont obligé à se tenir éloigné des patinoire un long moment, des soucis de visa et autre paperasse qui l'empêchent de retourner aux Etats-Unis depuis des mois, si bien qu'il s'entraîne comme il peut, mais le plus souvent seul. Mais il garde le moral. "Tout va bien Romain?" Grand sourire. "Oui". Qu'est-ce que ce serait si tout était parfait ! Presque tout va aller de travers dans ce programme sur "Poeta", pourtant magnifique et lui aussi taillé à la mesure de son remarquable interprète. Quadruple boucle piqué dégradé, pareil pour le triple Axel, ainsi que pour la combinaison devenue double Lutz/triple boucle piqué. Une pirouette et une séquence de pas de niveau 2, Romain ? Et oui, ce n'est vraiment pas son jour. Il continue cependant de sourire, même si intérieurement, il doit bouillonner. Mais pour quelqu'un qui travaille seul depuis des mois, la sixième place du court des Masters (63.73) est-ce si catastrophique ? Partisane, et ardente défenseur d'un patineur que j'adore, je dirais que c'est déjà bien qu'il soit là !

 

Qui est devant lui ? Landry Le May 5ème, (69.00) avec des sauts toujours aussi hauts ainsi qu'une belle tentative de quadruple Salchow qui hélas finit parterre, et un surprenant Davide Lewton-Brain 4ème (71.61), dans un programme de crooner toujours, mais absolument propre. Pas de quadruple, pas de triple Axel, mais pas une erreur. Pour un jeune homme qui s'est mis au niveau à quinze ans, c'est une excellente performance. Une faute de carre et une chute (triple Axel) pour Philip Warren, mais tout va beaucoup mieux qu'aux derniers Elites de Vaujany qu'il avait traversés comme à skis de pente raide. Philip est un patineur puissant, introverti, mais beau à voir sur la glace grâce à une glisse très souple. Triples dégradés et composantes basses pour Xavier Vauclin (57.99), une avalanche de GOEs négatifs et un dépassement de temps pour Antonin Herreboudt (40.62), quatre chutes pour Joshua Rols (40.50), ces Masters ne leur laisseront pas un souvenir impérissable. 

 

Et bien, dansez maintenant...

 

Et ils dansent. One, two, three, stretch ! Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron font toujours la même chose, vraiment ?