© S.I.G. Alice Alvarez
© S.I.G. Alice Alvarez

Finale du Grand Prix 2019

Turin 6 décembre

Programme Court Dames : Les Demoiselles de Moscou...


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Alena, Alexandra, Anna, et Alina, demoiselles de Moscou et élèves d'Eteri Tutberidze,  sont dans un bateau. L'une d'elles va-t'elle tomber à l'eau ? Oui. Alexandra Trusova. Un triple Axel lui manque et son programme est dépeuplé. Sous-rotation, chute, ligne complète de -5, quel très mauvais début. La musique de "Peer Gynt" me semble un peu sévère pour jeune jeune fille de quinze ans. Elle n'a pas encore atteint celui auquel l'interprétation est un élément essentiel, et ses mouvements, parfois très secs, accentuent l'impression gymnique de l'ensemble. Mais Alexandra est une patineuse solide. Après sa coûteuse erreur d'entrée de programme, elle réalise un très beau triple flip Rippon, puis une combinaison triple Lutz (Rippon)/triple boucle piqué quasi parfaite - et  au ras de la barrière ! Ses éléments sont de niveau 4, à l'exception de la séquence de pas. Patiner juste après Alena Kostornaïa ne lui a pas rendu service, la comparaison n'étant pas à son avantage. Elle est seulement 5ème avec 71.45.

 

Alena Kostornaïa possède, à mon avis, les meilleurs "Skating Skills" du circuit mondial actuel. La voir patiner est un délice. Tout y est : grâce, fluidité, solidité technique, force mentale, carres profondes et silencieuses, pirouettes ultra-centrées, entrées et sorties de saut contrôlées au millimètre. Elle interprète "November" de Max Richter avec une incroyable délicatesse. Son toucher de glace est exceptionnel. Ses composantes vont néanmoins être relativement basses comparées à ses TES : 49.48 et 35.97. Le jury turinois est sévère, mais,  de l'avis général, plutôt juste. Ses sauts, triple Axel, triple Lutz, triple flip/triple boucle piqué Rippon (bonifiés), sont magnifiques. Le programme est d'une limpidité impitoyable, pas la moindre petite erreur à son actif, pour un total de 85.45 points. Cette patineuse de poche (1m51), vainqueur de deux Grand Prix cette saison, Grenoble et le NHK,   a commencé à jalonner sa route pour Pékin et les Jeux Olympiques. 

 

Alina Zagitova, acclamée par un public italien et japonais largement acquis à sa cause - un titre de championne olympique marque toujours les esprits - est seconde avec 79.60 points et une légère avance en composantes sur sa camarade d'entraînement. Le geste est moins éloquent et abouti, mais Alina reste une patineuse de référence, avec de très belles lignes et un caractère affirmé, malgré une relative froideur. Relative car cette froideur que je lui reprochais à Grenoble s'est justement atténuée. Elle interprète aujourd'hui "Me Voy" de Yasmin Levi avec beaucoup plus de conviction. Triple Lutz/triple boucle : la combinaison est superbe en elle-même et de plus, exécutée à la perfection. Double Axel, triple flip Rippon avec une remarquable entrée en Charlotte. Difficile de penser que Alina n'a en fait que dix-sept ans... et qu'elle ne sévit sur le circuit que depuis trois ans. Arrivée comme une comète, elle est à présent dans une phase de stabilisation. J'aimerais que, au contraire de plusieurs de ses compatriotes par le passé, elle ne disparaisse pas, ne régresse pas, ne s'enfonce pas un jour dans les profondeurs des classements.  Ce n'est heureusement pas d'actualité,  et si elle fait un peu grise mine dans le Kiss & Cry, Madame Tutberidze, elle nous gratifie d'un vrai sourire, événement rare donc précieux, qui mérite d'être signalé. 

 

La blonde Eteri  a toutes les raisons de se réjouir, puisque trois de ses patineuses tiennent la corde. Sur le thème très sombre du film "Le Parfum", et dans une tenue de brume et de sang, Anna Shcherbakova n'a pas grand chose à envier à ses deux camarades. Elle aussi arrive à Turin avec deux victoires en Grand Prix, Skate America et Coupe de Chine. Oubliée sa vilaine fracture à la jambe qui l'a tenue éloignée des patinoires pour la saison 2017/2018, Anna est affûtée, précise et déterminée. J'ai la plus grande admiration pour la volonté de ces jeunes filles qui ne cèdent pas d'un pouce à la pression. Double Axel, triple flip Rippon, triple Lutz/triple boucle (noté de +1 à +5, joli grand écart...), éléments de niveau 4, la panoplie est complète, assortie d'une grâce angélique et d'une légèreté exemplaire. Les Demoiselles de Moscou sont vraiment au dessus du lot. Anna s'installe confortablement en 3ème position (78.27). 

 

Robe rouge cerise au décolleté vertigineux pour Bradie Tennell et une musique étrange mais originale et agréable à mes oreilles : "Mechanisms" et "Chronos" par le compositeur minimaliste russe Kirill Richter (connu pour être l'auteur de l'hymne de la Coupe du Monde de football 2018 !) La chorégraphie porte la patte immanquable de Benoît Richaud. L'Américaine ouvre son programme par une combinaison triple Lutz/triple boucle piqué en sous-rotation et écope de GOEs à 0 ou en négatif. Même si tous ces éléments sont de niveau 4 et réalisés avec netteté, un double Axel et un triple flip ne suffisent pas à relever ses notes. 72.20 la classent 4ème. 

 

Rika Kihira fait partie des favorites pour le podium mais elle va, hélas, passer totalement à travers son programme. Son choix musical est aussi surprenant que difficile : "Breakfast in Baghdad" de Ulf Wakenius, guitariste suédois, interprété par Youn Sun Nah, chanteuse de jazz coréenne. Mention très bien pour s'aventurer dans un tel registre. Mais quelle catastrophe technique. Rika pose le pied libre à la réception du triple Axel : GOEs négatifs ou nuls. Elle chute sur sa combinaison triple flip/triple boucle piqué : neuf fois -5. Sa pirouette Camel sautée n'est que de niveau 3. Elle se reprend pour passer triple boucle, pirouette avec changement de pied, séquence de pas et pirouette cambrée. Mais c'est trop tard, le mal est fait. La Japonaise vaut mieux que 37.29 en éléments et 34.42 en composantes. Elle termine ce programme court en queue de peloton avec 70.71. Moi qui l'imaginait s'intercaler entre les élèves d'Eteri Tutberidze... Ce ne sera pas pour cette fois.

 

Sur place : Kate Royan