© S.I.G. - Myriam Cawston
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Championnats d'Europe 2019 Minsk

26 janvier

Programme Libre Messieurs - Don Javier de la Mancha


Cliquer sur le nom des patineurs vous permet d'accéder à la vidéo de leur programme. 


C'est sa dernière prestation. La der des ders. On ne le reverra plus en Grand Prix ni en championnats. Les Euros de Minsk sont aussi, pour Javier Fernandez, sa première compétition de la saison. Il a bien l'intention de la gagner. Pourtant, sous le manteau, on lui reproche de ne pas s'être assez préparé. Une longue tournée très lucrative - ce n'est pas un reproche, au contraire, il faut savoir utiliser son nom tant qu'il est porteur,  et les mémoires sont parfois aussi courtes que les spectacles sur glace sont rares -, quelques semaines d'entraînement et hop, "Javi" a terminé 3ème du programme court, avec deux quads. Il ne s'arrêtera pas en si bon chemin, on le sait tous. Ses adversaires aussi, et ça n'a pas l'air de les rassurer... Car, à vrai dire,  ils vont un peu aider l'Espagnol à empocher son 7ème titre européen consécutif. C'est qu'il a l'art de vous coller la pression, Javier ! Toujours calme, toujours souriant, ce "vieux" routier des patinoires a commencé sa carrière internationale comme Novice à la Merano Cup de 2003 (3ème d'entrée de jeu). C'était il y a seize ans ! Depuis : six fois champions d'Espagne, sept victoires en Grands Prix, deux fois second de la Finale, deux fois champion du Monde, une médaille de Bronze aux derniers Jeux Olympiques et ces fameux six titres européens d'affilée. Il n'est pas sorti de sa très rentable pré-retraite pour repartir les mains vides, ou même avec un autre métal que l'or. Cet après-midi, il est avant-dernier dans l'ordre de passage. De quoi stresser Mikhail Kolyada, provisoirement en tête,  et pas réputé pour bien tenir la pression...

 

Comme pour le court, Javier a repris un ancien programme, en l'occurrence celui de l'an dernier sur "L'Homme de la Mancha". Un Espagnol sur de la musique espagnole, même si c'est un plan franchement bateau, il lui a plutôt bien profité jusque là. En guise de moulins à vents, ici Don Quichotte se bat contre un Kolyada qui a 8.65 points d'avance, un Samarin solide,  boosté par sa seconde place du court,  et pourquoi pas un Aymoz, en embuscade à 3.82 points, et devant Javier en technique (46.98 contre 45.20). Ou encore contre un Kovtun venu chercher une médaille et qui, 5ème pour l'instant, ne va pas se contenter de regarder patiner les autres. Intentions clairement exprimées d'entrée : il exécute un formidable quadruple boucle piqué d'une hauteur incroyable. Mais aïe, le triple avec lequel il l'enchaîne est retourné. Ce n'est pas le genre de chose qui vous freine un Don Javier de la Mancha... La preuve : quadruple Salchow couronné de +3 et +4. Je trouve notre héros un peu plus raide que d'habitude,  mais il joue gros. Le tripel Axel/double boucle piqué semble être une formalité. Triple Axel solo avec deux fois +5, triple boucle bonifié, plus rien ne peut l'arrêter. Ah si. Il était parti pour un triple flip/Euler/triple Salchow, mais avec une seule rotation effectuée, le premier saut est dégradé. Son dernier triple Salchow solo est parfait. Avec deux pirouettes de niveau 4 et deux de niveau 3, Javier ne vient pas, ici, d'effectuer le meilleur ni le plus propre programme de sa carrière, mais avec 179.75 points et un total général de 271.59, il prend une belle option sur la médaille d'or qu'il va être difficile à Kolyada de lui chiper. Je n'ai jamais été une fan ultime de Fernandez, car je trouve son patinage trop classique. Admirative de sa technique oui, à cent pour cent, mais pas totalement emportée comme je peux l'être par d'autres. Alors expliquez-moi pourquoi j'ai les larmes aux yeux en le voyant saluer le public ? J'ai l'impression de voir partir un ami, un incontournable, un membre essentiel de la famille du patinage... Parce que, quels que soient ses résultats au long de toutes ces années, Javier a toujours été un type formidable : accessible, chaleureux, plein d'humour, un pur exemple d'esprit sportif. Ce ne sont pas ses adversaires qui diront le contraire, eux qu'il a encouragés, applaudis, voire consolés pendant toute sa carrière. 

 

Il ne va pas falloir longtemps pour comprendre que Mikhail Kolyada n'est pas dans un bon jour. Dommage quand on essaie de décrocher son premier titre européen. Deux fois 3ème en 2017 et 2018, on l'attend depuis un sacré moment le grand "Misha",  et on ne le voit toujours pas arriver... Les seules victoires de sa carrière ont été remportées en Challenger Series (deux en 2018), au Grand Prix de Chine 2017, ainsi que deux fois aux Nationaux russes, mais, malade, il vient de s'y faire voler la vedette par un Kovtun provisoirement ressuscité. Et ce, bien qu'il ait le potentiel pour battre à peu près tout le monde. Pour être juste, Mikhail fait parti des patineurs à qui la chance ne sourit pas beaucoup : fracture de la cheville en 2014 et saison 2014/215 fichue. Problèmes de patins, sinusite, quand une tuile tombe, elle est souvent pour lui. Aujourd'hui, aux premiers accords de l'Adagio de Carmen, c'est lui qui tombe, à la réception de son quadruple Salchow. Du -5 à la pelle. Sa combinaison prévue, quadruple boucle piqué/triple boucle piqué, se limite au quad. Mais il est propre et beau. La fesse et la hanche gauches encore ornées de la poussière de glace qu'il a récoltée dans sa chute, (il a d'ailleurs dû se faire mal car il pose brièvement la main à cette hauteur), il se lance dans un triple Axel qui penche dangereusement,  avant de finir parterre. Nouvelle barre de -.5. Cette fois,  il met un peu plus de temps à se relever. Son patinage ralentit, sa pirouette sautée assise aussi, elle est tout de même de niveau 4 avec de bons GOEs. Il tombe de nouveau sur son triple boucle (ligne entière de - 5 pour la seconde fois, niveau score c'est une catastrophe), qu'il a visiblement déclenché avec appréhension, et se tient le poignet qu'il vient de se blesser. On est à la limite de l'interruption de programme mais il serre les dents et repart courageusement. La musique change pour "Habanera" et "Misha" opte pour un triple boucle piqué au lieu d'un quadruple, ce qui vaut sans doute mieux. On se prend à espérer que les choses s'arrangent. Pas du tout. Axel simple au lieu la combinaison triple Axel/Euler/triple Salchow. Le Russe continue de secouer son poignet qui a l'air de beaucoup le gêner. Il retourne encore un triple Lutz qu'il semblait vouloir combiner avec un Euler et sans doute un triple Salchow. Les drapeaux russes s'agitent et il pleut du cadeau et du nounours.  Ca ne le consolera pas. Il passe de la première place du court à la... 11ème du libre (140.38), battu de deux places par Adam Siao Him Fa, à 39.37 points de Fernandez (!) et  17.94 d'Aymoz. Il termine la compétition 5ème (240.87), juste derrière Kevin et ses 246.34, justement. A ma gauche, Anna Cappellini qui râlait hier, à juste titre,  contre les notes des Polonais en danse, pousse un véritable hurlement de joie [c'est elle qu'on entend sur la vidéo mise en lien ci-dessus, à 7:33, captée dans la tribune de presse par le micro de la TV russe]. Non pas parce qu'elle se réjouit de la déconfiture de Kolyada, mais parce qu'elle vient de comprendre que son compatriote, Matteo Rizzo, hérite au passage de la médaille de bronze ! 

 

On ne dit rien parce qu'on ne veut pas lui porter la poisse. Mais on le pense fort. Très fort. On échange des regards entendus entre media,  français,  et étrangers,  car Kevin Aymoz a des adeptes un peu partout parmi nos collègues. Il peut décrocher un podium. Non seulement il en est capable, tout seul comme un grand, mais il suffit d'une défaillance des concurrents qui le précèdent pour lui offrir de la marge. Or, Maxim Kovtun s'est encore enfoncé dans les profondeurs du classement, 16ème du libre (128/48),  et 14ème au final (217.17),  en patinant son Carmen à plat ventre. Ce n'est pas Samohin qui peut lui faire de l'ombre.  Ne restent donc que les trois têtes de séries, prenables si erreur commise. On ne sait pas encore que Kolyada va s'effondrer. Par contre, on a bien noté le score du jeune Italien Rizzo (165.67), mais Matteo a perdu des points précieux avec deux bêtises. Au contraire d'une drogue douce ou même dure, dont il faudrait sans cesse augmenter la dose pour reproduire l'effet initial, "In this Shirt" me donne chaque fois les mêmes incroyables frissons. Je l'ai testé en montagne, dans mon MP3, c'est très beau. Mais pas aussi sublime que quand Kevin patine. C'est l'ensemble des deux qui bouscule et émeut. Allez-y, shootez-vous au Irrepressible Aymoz, c'est génial et ce n'est pas dangereux. "Irrepressible", le nom du groupe est bien choisi et le morceau aussi. On ne peut pas arrêter Kevin, même quand il loupe son quadruple boucle piqué d'entame de programme,  et reçoit sa généreuse volée de -5 (assortie d'un plus gentil -4). Il se relève tellement vite que c'est à peine si on l'a vu tomber. J'émets un gros juron, ce qui fait sursauter les deux journalistes italiens devant moi. La dame a les doigts de la main droite, posée sur la table, étroitement croisés. Je présume que c'est pour Mattéo, pas pour Kevin... Pour ne pas être en reste, je croise ceux de mes deux mains. Au début, ça marche. Le poète du patinage français exécute un bon triple Lutz/triple boucle piqué (réception un tout petit peu accrochée), puis un triple Axel d'anthologie,  mais sans le double boucle piqué qui devait suivre. A l'opposé de la patinoire, Silvia Fontana hurle,  vit chaque mouvement de son élève, on ne voit plus que sa tête derrière la barrière pendant les pirouettes. Nouveau cri quand l'élève en question retourne son triple boucle, mains parterre. C'est dur, nerveusement, d'être aussi près d'une médaille, ça vous stresserait nombre de patineurs beaucoup plus expérimentés. N'oublions pas que Kevin participe ici à ses seconds championnats d'Europe, après une 15ème place en 2017, et une non-sélection incompréhensible l'an dernier. Mais il replace, avec une grande maîtrise, le triple Axel/double boucle piqué prévu en troisième élément. Assise au bord de ma chaise, sans même m'en rendre compte, je me balance de plus en plus fort au rythme de la musique,  et mon collègue et voisin allemand, qui, sans que je sache pourquoi, m'offre sans arrêt des pommes et des gâteaux depuis le début de la compétition, m'envoie un coup de coude : "Vorsicht, du wirst fallen" (attention, tu vas tomber). Qui ça ? Moi ? Silence, pas de pomme, pas de gâteau, pas de chute, rien, laisse-moi savourer. Jamie McDermott chante "Moving Fast" et Kevin obéit, touchant à peine la glace, impressionnant. Triple Lutz/Euler/triple Salchow. Sous-rotation. Tant pis. Continue, ne lâche rien. Silvia, pliée en avant comme si elle allait bondir sur la piste,  martyrise la barrière du plat de la main en s'époumonant "Hop hop hop !!". Triple flip. Il me semble parfait ? Non, il est réceptionné sur la mauvaise carre. La suite est un florilège de glisse fluide et de beaux gestes : très bonnes notes pour la séquence chorégraphique, deux pirouettes niveau 3 et niveau 4, et une superbe séquence de pas finale niveau 4, honorée de deux +4, et deux +5 ! Kevin remporte clairement la faveur du public qui l'a accompagné de bout en bout. Il semble un peu déçu. Une jeune femme pleure d'émotion au-dessus de sa banderole "Kevin, tu es un artiste". Oh ça oui !! Verdict : 158.32. Total : 246.34. A moins d'un point de Matteo Rizzo. Je grince des dents. Je ne dois pas être la seule... Mais peu importe. Kevin est 4ème et c'est un magnifique résultat ! 

 

Au fait, qui est cet Italien qui s'est permis de battre "mon" Français favori ? Quelques minutes avant le passage de Kevin, je suis dans la Mixed Zone où j'attends Deniss Vasiljevsen compagnie de plusieurs reporters de diverses nationalités. Matteo, son total de 165.67/247.08 en bandoulière, ce qui le place en tête à l'heure qu'il est, est seul,  debout devant le panneau des sponsors, dans le plus grand désert médiatique. Pas un journaliste ne s'intéresse à lui, les hôtesses qui accompagnent les patineurs sont déjà parties. Autrement dit, personne ne se doute un instant que seuls deux patineurs vont le dépasser au classement ! Histoire qu'il ne se sente pas trop abandonné, je lui demande, dans mon italien de frontalière,  très approximatif, (et inutile puisqu'il parle couramment anglais) comment il se sent après sa performance. Réponse : "Ad essere onesto, non lo so" (à vrai dire, je n'en sais rien !) Il éclate de rire avant d'aller s'asseoir dans le "salon d'attente" aux couleurs des championnats et de la Biélorussie. Onze patineurs plus tard, à la fin de la prestation de Kolyada, il aura nettement plus de succès. Coup de pied dans la fourmilière, tout le monde le cherche, tout le monde veut lui parler : dov'e Matteo, where is Matteo, Где Маттео, il est où Matteo, wo ist der junge Italiener ? Toujours au même endroit, mais cette fois derrière une forêt de têtes et de micros ! 

© S.I.G. - K. Royan
© S.I.G. - K. Royan

Je l'ai repéré l'an dernier aux Championnats du Monde Juniors de Sofia où il a remporté une médaille de bronze, déjà. Il m'avait impressionnée. Par sa constance et surtout par sa solidité physique,  car le jeune homme sortait tout droit des Euros de Moscou et se préparait à participer aux Mondiaux de Milan. J'ai noté sa présence ici, sa prestation correcte au programme court (10ème) et la musique de son libre, parce que je suis une inconditionnelle de Queen.  Matteo Rizzo n'a pas osé la célèbre combinaison de Pierrot à damiers de Freddie Mercury,  ou son collant imprimé de flèches, mais sa tenue noire et blanche rend parfaitement hommage au chanteur à la voix d'or et de feu. C'est à ce genre de détail qu'on voit qu'un patineur a étudié son sujet. Son quadruple boucle piqué prend beaucoup d'angle, mais est néanmoins posé de façon très propre. Même chose pour son triple Axel/double boucle piqué. Le triple boucle piqué combiné à son triple Lutz est nettement retourné. Son triple boucle est,  jusque là, son saut le plus élégant, haut et ample, très bien glissé en réception. Au contraire de Kevin, il n'est pas très rapide et ne tient pas très bien ses pirouettes. Il évite de justesse la chute à la réception de son triple Axel, mais pose nettement la main sur la glace et trébuche en se relevant, ce qui lui vaut cinq fois -5 et quatre fois -4. Le reste de son programme va être limpide : triple flip/Euler/triple Salchow, triple Lutz, deux bonnes pirouettes et une séquence de pas intéressante. S'il est à plus de quatre points derrière Kevin sur la deuxième note, sur la première, par contre, il le bat assez sèchement. Mattéo a un bon patinage, solide, élégant, mais aussi très académique. Son programme, à mon goût, manque de transitions (les juges d'ailleurs ne lui octroient que 7.82). Il n'est pas très expressif. La musique de Queen mériterait plus d'originalité dans la construction du programme et plus de ressenti dans l'interprétation. Mais il n'a que vingt ans. Sa médaille de bronze est une surprise pour tout le monde. Personne, absolument personne ne l'aurait donné troisième, même pas lui. Ce sera le petit miracle de ces championnats.

 

Pas de miracle pour Alexander Samarin qui s'est amélioré depuis Grenoble, mais n'en est pas devenu pour autant "The Greatest Showman",  ou même un showman tout court. Il continue de ressembler au "Tueur de Sang Froid" de son programme court, de quoi rendre neurasthénique Hugh Jackman, excellent interprète du film d'où la B.O. est tirée. Alexandre est grand pour un patineur individuel (1m78), et pourvu d'une silhouette longiligne élégante. Dont il commence à peine à tirer parti alors que la saison est bien tôt finie. Le plus remarquable chez lui est certainement sa vitesse de déplacement. L'allure à laquelle il arrive sur son quadruple Lutz - lui et l'Italien Daniel Grassl sont les seuls à tenter ce saut - est étourdissante. Et peut-être excessive puisqu'il le désaxe avant de légèrement le retourner en réception. L'erreur ne lui vaut cependant qu'un seul -1 en GOEs puisque les quatre rotations sont effectuées. Pas de combinaison avec le triple boucle piqué annoncé, Alexander enchaîne avec son quadruple boucle piqué solo qui passe très près de la barrière. Triple Axel/double boucle piqué/double boucle,  cette dernière vacillante à l'arrivée, mais pas de notes négatives. La pirouette assise avec changement de pied se promène un peu vers la gauche, mais est jugée de niveau 4,  et récompensée d'une majorité de +3. Le grand blond essaie tant bien que mal de retenir le deuxième pied qui traîne sur la glace à l'atterrissage du triple boucle suivant, mais écope, cette fois, de GOEs négatifs. Il "faut" un Russe sur le podium d'accord, mais on ne peut tout de même pas lui passer n'importe quoi non plus... La séquence de pas, essentiellement constituée de grands mouvements de bras, jambes et tête,  effectués sans grande conviction ni vitesse, est bien payée par un niveau 3, des +2 et des +3. De triple boucle piqué annoncé en combinaison avec le triple Axel, il n'y a pas. Le saut est bonifié, puisqu'on est à présent en seconde partie de programme et évalué de +2 à +4. La réception du triple Lutz/triple boucle piqué accroche,  mais le public est à fond derrière lui. Le jury, qui ne lui met qu'un -1, aussi. Son dernier saut, un triple flip, mérite, lui, les applaudissements fournis qu'il reçoit. 89.63 en TES, soit 4.08 points de plus que Fernandez, pourquoi pas. Mais 88.24 en composantes... Bref, la Russie a sa médaille d'argent (177.87/269.84), c'est tout ce qui compte n'est-ce pas ? J'exagère... Heureusement qu'il est là, Samarin, puisque ses compatriotes se sont effrités comme du plâtre trop sec. Avec une telle silhouette, une telle glisse, une telle puissance musculaire, et un peu moins de réserve et de transparence, le jeune homme de 20 printemps pourrait  être un nouvel Alexander Abt, véloce et félin, une véritable référence, en plus performant, Abt ayant toujours connu des résultats mitigés. A la fin de son programme, Alexander Samarin tombe à genoux,  tandis que le public lui offre une standing ovation. Du côté de notre tribune, la voix aigüe de Tatiana Tarasova nous vrille les oreilles. Je ne comprends pas le russe, mais elle est visiblement ravie, tandis qu'Alexeï Yagudin semble plus mesuré dans le ton. Dans le Kiss and Cry, Samarin dans l'attente de ses notes, écrabouille nerveusement la tête d'un nounours reçu en cadeau sur la glace. Puis pique du nez vers l'avant avant de se lever pour saluer. Il se colle une main sur la bouche pour se retenir de pleurer, sans y arriver tout à fait. La prochaine fois "Sasha", par exemple aux championnats du Monde, c'est dans ton programme qu'il va falloir te laisser aller à un peu d'émotion. Car, malgré les deux 9.00 et un 9.25 accordés en interprétation, il est difficile d'être touché par ton patinage tant il est classique et froid. Le point positif, c'est qu'il est toujours possible de s'améliorer dans ce domaine. La balle est dans ton camp. 

 

Adam Siao Him Fa est un peu fâché avec ses quads aujourd'hui. A moins que ce soit les quads qui soient fâchés contre lui. Mais il en tente trois ! Quadruple boucle piqué pour commencer,  sur la version, très réussie de "Take Me to Church" de Hozier par Maxime Rodriguez. Ca ne passe pas, et donc le triple boucle piqué non plus, ligne entière de -5, tant pis, au suivant. Bon triple Axel, mais le quadruple Salchow est loupé aussi. Derrière sa barrière, Brian Joubert grimace à peine, presque aussi impassible qu'un Mishin. Sa carrière d'entraîneur ne fait que débuter mais "Bibi" a déjà les nerfs très solides ! Adam vacille un peu sur une pirouette et perd des points, mais sa séquence de pas, de niveau 3, est excellente. Quadruple boucle piqué/double boucle piqué : un peu de tangage, mais c'est bon, rotations complètes et GOEs neutres ou positifs. Trahi par son triple Lutz, le jeune Français reprend une ligne de -2, voire -4 (c'est sévère !) et sa combinaison triple flip/Euler/triple Salchow, replacée en fin de programme,  finit sur la mauvaise carre. Dommage. Mais pirouettes de niveau 3 et 4 et une bonne séquence chorégraphique font remonter ses GOEs (jusqu'à +4) et lui permettent de rafler la 9ème place du libre (141.36) ! Pas mal pour un premier championnat d'Europe ! Le voici 12ème du classement général (218.06) devant Vasiljevs dans le libre, et devant Kovtun et Samohin au général, soit un résultat percutant, qui promet de beaux jours au patinage masculin français dans un avenir proche.

 

© S.I.G. - Sur place : Kate Royan 


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