Championnats d'Europe Kaunas - Guignard/Fabbri en pole position

 

Ils sont tenants du titre et comptent bien le garder. Charlène Guignard et Marco Fabbri sont la preuve qu'il est possible de continuer de progresser en danse sur glace, même la trentaine passée : un bon coup de pied dans la fourmilière du jeunisme qui sévit souvent dans le patinage. J'aime leur danse rythmique, le kitsch assumé de "Holding out for a Hero" de Bonnie Tyler qui contraste avec le romantisme de "Against All Odds" de Phil Collins, même s'il m'a fallu un temps d'adaptation en début de saison. L'exécution est un modèle du genre et je suis un peu déçue que la médiane de Marco ne récolte qu'un niveau 2. Les Italiens obtiennent un score de 86.80, et s'installent en tête. 

 

 

Ce que je trouve le plus remarquable chez Lilah Fear et Lewis Gibson, outre leur formidable capacité à faire le show, est la façon dont leurs programmes sont habilement construits pour masquer les défauts de Lilah. La demoiselle ne patine jamais en carres, et son partenaire fait l'essentiel du travail en la soutenant au maximum et au sens littéral du terme. Mais ça marche. Tout le monde s'y laisse prendre, moi compris,  car le couple fait toujours preuve d'un enthousiasme irrésistible et ultra communicatif. Sur le papier, il n'est néanmoins pas naturel qu'ils empochent 85.20, soit seulement 1,4 point de moins que Guignard/Fabbri qui évoluent dans une toute autre sphère technique. Il l'est encore moins qu'ils obtiennent exactement les mêmes niveaux. Grande fan d'Eurythmics, je suis enchantée de leur choix musical et il leur va très bien, mais je déplore que les Britanniques s'auto-cantonnent depuis des années dans le même registre. Le thème des années 80 était fait pour eux, ils s'en donnent à coeur joie. Il est impossible de ne pas aimer leur fraîcheur et leur générosité. Ils sont seconds de cette RD, place qu'ils occupaient l'an dernier au classement final. 

 

 

Il faut un cran certain pour patiner sur du Guns N' Roses. Il en faut encore plus pour choisir "Welcome to the Jungle" et "Paradise City", morceaux très hard rock, donc difficiles, je dirais "peu glissants", qui sont loin des balades mélodieuses que le groupe a pu pondre pour atteindre le grand public. Allison Reed et Saulius Ambrulevicius s'en sortent néanmoins très bien, boostés par le soutien inconditionnel de leur public. La technique d'Allison est encore plus discutable que celle de Lilah, le patinage est lent, mais quand on est le seul couple lituanien en lice, l'inflation géographique bat son plein. Première médiane de niveau 3 pour les deux partenaires, mais les grades d'exécution sont logiquement plus bas, comme le sont les composantes. Avec 80,73, Allison et Saulius sont 3èmes. 

 

 

Le pays de naissance n'étant pour moi qu'un hasard géographique, je ne suis pas patriote pour deux sous. Ce n'est donc pas ce qui me fait dire que Evgeniia Lopareva et Geoffrey Brissaud sont en tous points meilleurs que le couple lituanien. Seul point commun : l'originalité du thème musical. Mylène Farmer, il fallait y penser. La progression du couple se poursuit, régulière, depuis le début de la saison. Excellents techniciens tous les deux, ils proposent aujourd'hui une danse rythmique très propre qui mériterait des GOEs plus élevés. Leur danse rythmique est arrivée à maturité, ils la maîtrisent de bout en bout. Ils font tous les deux preuve d'une présence rayonnante et d'une brillante aisance d'exécution. Aucune difficulté technique, aucun effort n'est apparent, rien n'est hésitant ou forcé. Un score de 78.47 les place en 4ème position provisoire. 

 

 

Les changements intervenus depuis le début de saison dans la RD de Loïcia Demougeot et Théo Le Mercier commencent à porter leurs fruits. Le couple est plus à l'aise, plus fougueux. Peut-être pas tout à fait assez rapides ? Mais les difficultés sont élevées et ils ne commettent pas la moindre erreur. Alors pourquoi les niveaux ne montent ils pas ? Ils étaient 7èmes l'an dernier et ils ont été deux fois 5èmes en Grand Prix cette saison, ce qui devrait leur assurer une certaine notoriété. Je trouve qu'elle tarde à venir alors qu'elle est déjà largement méritée. 75.69 les rangent en 8ème position. 

 


Les deux petites bombes atomiques de Villard de Lans, Marie Dupayage et Thomas Nabais, sont 13èmes avec 65.15, soit assez loin de leur record de points dans une RD, 72.18 à la Coupe de Varsovie cet automne. Les vainqueurs des Jeux d'hiver Universitaires 2023 commettent une erreur d'entrée sur les twizzles, ce qui est un premier handicap. Leur porté stationnaire est écorché par une déduction car trop long. Ce sont deux erreurs qui hélas coûtent cher. Dommage car ils sont toujours aussi fluides, dynamiques, volontaires et élégants. 

 

Devant les deux couples français, plus haut au classement, les Tchèques Taschlerova/Taschler se classent 5èmes (76.68). Ce sont des danseurs puissants, atypiques, qui assument leur différence et savent en jouer. Frère et soeur, ils sont plutôt taillés pour la discipline couple (il mesure 1m83 et elle 1m65), mais parviennent à former un couple de danse harmonieux. Leur RD, sur des morceaux de Janet Jackson et des Pointer Sisters, est enlevée, le patinage est solide, l'impression d'ensemble agréable.

 

Le 6ème rang provisoire est occupé par les Finlandais Juulia Turkkila et Matthias Versluis (76.36). Le thème des années 80 oblige vraiment Juulia à sortir de sa zone de confort et elle semble beaucoup moins à l'aise que lors du Grand Prix d'Espoo lors duquel le couple a terminé 3ème. Actuels tenants de la médaille de bronze, il n'est pas certain qu'ils puissent se rapprocher du podium cette année, semblant avoir un peu perdu la faveur des juges. 

 

La curiosité du moment est le couple Diana Davis/Gleb Smolkin. En premier lieu parce que la demoiselle est la fille de la redoutable Eteri Tutberidze. Maman a oeuvré tout l'été pour que le couple trouve asile loin d'une Russie qui les a privés de compétition internationale en 2021 et 2022, ban pour cause de guerre oblige. Le fait que Diana soit née aux Etats-Unis, ce qui lui confère automatiquement la nationalité américaine, n'a pas suffit à la fédération US pour accepter le couple dans ses rangs, même si celui-ci s'entraîne sur ses terres depuis 2018. Même refus du côté de Montréal. C'est finalement sous l'accueillante bannière géorgienne qu'ils ont trouvé refuge, toujours grâce à la belle Eteri qui y détient un passeport. Sur la glace, le couple est moins spectaculaire que ses errances géographiques,  et l'influence de Maman n'est plus ce qu'elle était. Ils ont 7èmes avec 76.33. La logique ou l'équité auraient peut-être voulu qu'ils soient derrière Loïcia et Théo, mais moins d'un point sépare les deux couples, soit presque rien. 

 

Mention spéciale à Solène Mazingue, véritable miraculée et absolument formidable de volonté et de résilience. Sur la glace on ne devine rien des très lourdes séquelles de son accident et de son opération d'hématome au cerveau. Si la jeune fille est (pour l'instant ?) incapable d'assurer son quotidien seule, elle patine comme si rien ne lui était jamais arrivé. Avec Marko Gaidajenko, elle est actuellement 18ème, auteurs d'un score de 61.38. Solène sourit, Solène rit, Solène danse sur ses protège-patins dans la Mixed Zone, Solène fait le clown pour amuser les journalistes, Solène est folle de joie d'être ici et ne cesse de le répéter. Je suis muette d'admiration devant ce petit bout de femme extraordinaire,  dont le courage et la gaieté me donne les larmes aux yeux. 

 


Kate Royan - Skate Info Glace