© S.I.G. - Myriam Cawston
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Championnats d'Europe Minsk 2019

23 janvier

Court Couples - James/Ciprès : la ruée vers l'or...


Cliquer sur le nom des patineurs vous permet d'accéder à la vidéo de leur programme. 


Ils ne sont que onze à participer à cette compétition. Le patinage par couple fait décidément peu d'émules. Dommage... On sait la discipline ardue, parfois ingrate, l'engagement des deux partenaires est total, la prise de risques constante. Mais c'est sans doute aussi la plus spectaculaire.  

 

Vanessa James et Morgan Ciprès sont venus à Minsk pour gagner. C'est clair, net, précis, avoué, annoncé. Et, même s'il ne faut jamais vendre le métal de la médaille avant de l'avoir décrochée,  ils sont en très bonne voie. Leur triple twist n'est pas parfait,  ce qui leur fait perdre quelques points (un -1, un -2, mais tout le reste est positif, dont deux 4).Leur triple boucle piqué parallèle récolte deux +5, le score maximum. Deux autres +5 récompensent le triple flip lancé. A l'exception du porté groupe 4, tous leurs éléments (ne) sont (que) de niveau 3,  mais ils prennent la tête avec 2.65 points d'avance sur les Russes Tarasova/Morozov, remportant au passage leur Season Best (76.55).  Ce qui leur assure une marge confortable. Chaque fois que je les vois patiner cette saison, je ne peux pas m'empêcher de sourire à l'ironie qui veut que leur choix se soit porté sur une chanson intitulée "Univinted" (indésirable, inopportun).  Alors qu'ils sont précisément le contraire !  J'avoue avoir pleuré, l'an dernier à Milan, à l'idée de devoir me passer d'eux,  et je suis si heureuse qu'ils aient choisi de prolonger leur carrière ! Quel talent, quelle maturité. Les voir évoluer me fascine à chaque programme, sans exception. A la fin de leur prestation, à quelques mètres de moi dans la tribune de presse, son casque de commentateur TV sur les oreilles, un monsieur très connu se lève d'un bond, les bras en l'air, pour  les applaudir à tout rompre et hurler bravo : Alexeï Yagudin.  Ne le dites à personne mais... il n'en fera pas autant après le passage de ses compatriotes Tarazova/Morozov !

 

Tarasova/Morozov, parlons-en... Ma bête noire. J'ai aimé, adoré,  des dizaines de couples russes au fil des années, et souvent ceux qui étaient décriés par les Européens de l'ouest car, selon eux,  trop froids, trop académiques (Totmianina/Marinin, Beschke/Petrov).  Evgenia et Vladimir ont abandonné leur épouvantable court du début de saison pour revenir à celui de l'an passé. Manque de chance pour moi, Rachmaninov me déprime, surtout son Concerto pour Piano N° 2 que je trouve sinistre. Est-il possible d'être moins expressif que Vladimir Morozov ? Il finit par déteindre sur sa partenaire,  qui,  jusque là se démenait pour donner un semblant de vie à l'ensemble. Il donne l'impression d'avoir envie d'être ailleurs,  et elle, de patiner à contre-coeur. Je leur reconnais une technique fabuleuse et une rapidité d'exécution spectaculaire. Justement, comment peut-on être aussi transparent lorsqu'on possède un tel potentiel et une telle maîtrise ? Encore que la maîtrise aujourd'hui... Le couple russe montre clairement cette saison qu'il ne s'attendait pas à être aussi sérieusement menacé. Si, à l'exception de leur spirale,  leurs éléments sont de niveau 4,  leur triple boucle piqué parallèle, vraiment raté, est dégradé ;  et leur pirouette avec changement de pied est complètement désynchronisée. Leur triple twist, par contre, est toujours aussi impressionnant de hauteur et de précision. Majestueux. Un modèle du genre. Qu'ils soient bien payés en Skating Skills me semble logique et justifié. Qu'ils le soient aussi bien en interprétation m'étonne un peu. Quelle interprétation ? Je ne serais pas aussi acide envers eux s'ils n'étaient pas techniquement si doués,  impressionnants. Pour moi, il manque chez eux la moitié de ce qui fait la beauté du patinage. C'est quand même un comble, surtout quand on travaille avec un homme d'excellence, et un hyper-sensible,  comme Maxim Trankov... Ils sont seconds avec un total de provisoire de 73.90. Et, ultime affront, les fameux grands techniciens qu'ils sont,  se font battre en TES par Della Monica/Guarise !

 

40.58 pour Nicole et Matteo,  contre 38.50 pour les Russes. C'est LA surprise du jour. Gros changement pour les Italiens cette année : plus de musique somnifère ou datée, mais une formidable version de "Never Tear Us Apart" d'INXS par Joe Cocker et (enfin) des costumes originaux. L'émotion dégagée par la chanson, et la voix rauque du célèbre chanteur américain, adoucissent l'aspect ultra-athlétique de leur patinage. Ils sont aussi plus libérés, plus convaincus et donc convaincants. En résume : j'adore. Il y a chez eux cette formidable volonté de progresser et un immense amour de leur sport. La reconversion de Mattéo, champion du monde de roller-skate en 2008, est une réussite totale. Dieu sait pourtant si son arrivée sur le circuit a laissé les puristes sceptiques au départ. C'était sans compter sur sa faculté d'adaptation, son intelligence, sa détermination et sa constance. Le couple, trop souvent taxé de ringards et d'acrobates sans âmes (un coup d'oeil sur le passé me fait plaider coupable),  est en pleine ascension, en plein épanouissement. Sincèrement, au fil des années, je les apprécie de plus en plus. Ils sont également le parfait exemple de l'osmose et de l'amitié indéfectible qui peuvent régner entre deux partenaires.  Les voici pour le moment en troisième position avec 73.70 points et pas la moindre note négative, pour un programme ultra-propre qu'on ne peut que saluer. Triple Salchow impeccable, triple twist ample, triple boucle lancé parfaitement réceptionné, deux +5 sur le porté, un +5 sur la pirouette. Le synchronisme de leurs mouvements, en particulier dans les pirouettes,  est captivant.  Ils ne font qu'un. L'un des grands avantages du patinage par couple, comme de la danse sur glace, est qu'il faut du temps aux athlètes pour parvenir à maturité. Et qu'on le leur laisse ! Là où les autres disciplines voient passer des étoiles filantes, eux s'améliorent à tout âge. Nicole et Matteo, comme Vanessa et Morgan, en sont le parfait exemple. 

 

Les jeunes Alexandra Boïkova et Dmitrii Kozlovskii, Saint-Petersbourgeois et élèves de l'illustre Tamara Moskvina, qui se sont payés le luxe, à Grenoble, de battre Vanessa et Morgan dans le programme court, ne renouvellent pas la performance aujourd'hui. Leur programme est néanmoins très bien réalisé. Techniquement, ils ne sont qu'à 0.04 points du couple italien et battent donc, eux aussi, leurs aînés russes sur ce terrain. Bravo puisque ces derniers restent une référence en la matière. Encore une programme sans tache avec de superbes triple Salchow parallèle, triple twist, triple Salchow lancé. Il aurait peut-être suffit  d'un niveau supplémentaire dans la spirale de la mort dehors arrière pour qu'ils doublent Nicole et Matteo. Ou pas. Le score est si serré qu'ils pourraient aussi bien avoir obtenu la même place. La différence la plus notoire porte sur les PCS, Alexandra et Dmitrii écopant d'un grand nombre de notes inférieures à 8. Il y a plus original que "Les Yeux Noirs" comme thème musical mais ils sont jeunes et plein d'entrain, ce qui fait vite oublier ce choix un peu bateau. Ils sont 4èmes avec 72.58.

 

Ils sont immédiatement suivis de leurs camarades Daria Pavliuchenko/Denis Khodykin, et l'écart de points se creuse. Les Moscovites ont un patinage moins fluide et moins prenant que leurs coéquipiers, mais ils sont tout aussi intéressants à regarder. Tout va bien pour eux,  triple twist, triple boucle piqué parallèle, jusqu'au triple flip que la jeune fille réceptionne sur les mains : GOEs négatifs en rang d'oignon,  mais ils passent à travers les -5 (puisque absence de chute) qui les auraient pénalisés durement. A tout prendre, je préfère "When Winter Comes" d'André Rieu que les "Yeux Noirs", même si on nage dans la guimauve. Mais Daria et Denis ont suffisamment de personnalité pour nous éviter l'overdose de sucre,  et terminent 5èmes (65.89).

 

Le score continue de descendre avec Hase/Seegert qui ont emprunté à Vanessa et Morgan "Say Something". Ils souffriraient forcément de la comparaison,  on évitera donc de la faire. Une erreur sur la séquence de pas leur coûte très cher, alors que le reste du programme est correctement patiné. La musique de Haevn, "Fortitude" est au moins aussi émouvante que les larmes de Myriam Ziegler dans le Kiss & Cry. L'absence de Jean-François Ballester, leur entraîneur décédé en décembre,  pèse de tout son poids sur les épaules des deux patineurs autrichiens. Les programme commence mal pour Ziegler/Kiefer avec un triple twist raté, puis une chute à la réception du triple boucle piqué parallèle. Problèmes aussi avec la spirale de la mort et la pirouette. Le reste des éléments passent, mais on sent les deux patineurs en très mauvais état psychologique. On le serait à moins... 57.70 n'est finalement pas un si mauvais score dans de telles conditions, et les classe 7èmes. 

 

Mention honorable, comme toujours, à l'étonnant couple Jones/Boyadji. Il est rare de voir une mère de famille qui élève trois enfants participer à un championnat d'Europe. Surtout à trente-neuf ans. Bravo Zoe. Avec un score de 45.33 (et une 11ème place provisoire), le couple va devoir faire une nouvelle compétition (et y gagner des points) avant mars pour se qualifier aux Championnats du Monde. A noter que leur programme est chorégraphié par le couple de danseurs Penny Coomes et Nick Buckland, et leur libre par Catherine Papadakis (mère de Gabriella). 

 

© S.I.G. - Sur place : Kate Royan

 


© S.I.G. - Myriam Cawston
© S.I.G. - Myriam Cawston

Ils ont dit...

 

Zoe Jones/Christopher Boyadji : J'ai chuté [sur le triple boucle piqué parallèle] et nous avons commis plusieurs erreurs dans le programmes. C'est notre première compétition de la saison, autre que notre championnat national. J'ai subi pas mal de blessures. [Interrogée sur pourquoi elle continue de patiner à trente-neuf ans] Parce ce que c'est ce que j'aime. Je ne vais pas vous dire que c'est un loisir car j'y passe beaucoup plus de temps qu'à un simple hobby. Mais je suis une maman qui travaille, et ça, c'est mon temps pour moi, ce que j'aime faire, ce que j'ai toujours aimé. [Re. jongler entre sa famille et l'entraînement] Les enfants grandissent et changent, on arrive à se débrouiller. J'ai beaucoup d'amis et une famille qui m'aident et le fait que les enfants patinent aide aussi. [Re. ses projets immédiats] Rentrer à la maison, continuer sur la même voie. [Christopher] Ce n'était pas notre meilleure performance. Nous avons commencé à nous entraîner en début de saison,  et Zoe s'est fait un claquage à la cuisse, ce qui nous a immobilisés trois mois. Puis nous sommes revenus pour les Nationaux. Le but était de venir ici et d'aller aux championnats du Monde. Nous avons travaillé très dur. C'est un peu décevant mais c'est comme ça. Nous avons vraiment travaillé dur pour cette échéance et nous étions vraiment prêts. [Re. Ce sur quoi ils doivent se concentrer] Nous avons réalisé beaucoup de programmes propres. Nous avons besoin de travailler encore la vitesse, mais nous avons vraiment fait du mieux possible dans le peu de temps que nous avions. 

 

Minerva Fabienne Hase/Nolan Seggert : [Minerva Fabienne] C'était un bon programme jusqu'à la chute [dans la séquence de pas]. Tout allait super bien, c'était le meilleur court que nous ayons fait jusqu'à ce moment malheureux. Quel dommage, sans cette chute, nous aurions obtenu un nouveau Personal Best. Mais on ne peut .pas changer les choses, et nous allons tirer partie de cette expérience afin de ne pas refaire ce genre d'erreur demain. Nous savons que nous pouvons bien patiner, nous ferons de notre mieux. [Nolan] Le public était très réceptif et c'est très bon pour nous. [Re. la raison de la chute] J'ai senti que nos lames se touchaient, mais en fait non. Je ne sais pas du tout ce qui s'est passé. Le problème c'est que, quand l'un tombe, l'autre tombe aussi. Le but de ces championnats serait d'obtenir un second quota pour l'an prochain. [Re. Aljona Savchenko et Bruno Massot, champions olympiques] Bien sûr, nous les admirons, mais nous ne voulons pas les copier. 

 

Alexandra Boïkova/Dmitrii Kozlovskii : [Dmitrii] Nous sommes évidemment très fiers de notre performance. C'est la première fois que nous obtenons plus de 70 points dans un programme court, et dans une compétition internationale. Cela récompense tout notre travail, notre préparation, nous avons montré toutes les émotions nécessaires dans notre prestation. Maintenant, il nous faut juste rester calmes pour demain, le programme libre est beaucoup plus difficile, surtout psychologiquement, nous devons être prêts. L'atmosphère était incroyable aujourd'hui, on a eu l'impression de patiner à la maison avec tous les drapeaux russes dans les tribunes. [Alexandra] Demain nous allons présenter notre programme libre sur "Casse-Noisette".  C'est un joli programme classique et nous espérons montrer notre meilleur visage.  

 

Daria Pavliuchenko/Denis Khodykin : [Denis] Au bout du compte, nous sommes contents de notre performance. On a eu quelques moments d'énervement pendant l'entraînement, quand on s'est sentis un peu en retrait et (trop) détendus sur la glace. Mais nous nous sommes repris pendant le programme. Participer à la Finale du Grand Prix nous a beaucoup aidés à nous préparer mentalement pour cette compétition. D'accord, nous n'avons pas été au top, mais je suis sûr que nous allons nous améliorer en gagnant de l'expérience. [Daria] Notre nervosité était probablement due au fait que nous débutions. Nous avons un peu perdu le rythme que nous avons à l'entraînement. Je n'ai pas effectué certains éléments techniques correctement. Nous allons travailler pour mieux faire. 

 

Propos recueillis par Tatjana Flade/I.S.U. - Traduit de l'anglais par Kate Royan