©International Skating Union (ISU)

Interview Piper Gilles et Paul Poirier

28 Octobre 2023


 

Piper Gilles et Paul Poirier ont une nouvelle fois remporté le Skate Canada. Tout au long de l'événement, nous avons eu l'occasion de les rencontrer, aux côtés d'autres journalistes présents.

 

Comment abordez-vous cette nouvelle saison ?

Paul : C'est enthousiasmant. Nous avons eu une préparation très similaire à celle de l'année dernière. Cela nous a beaucoup rassurés de savoir que nos préparatifs de l'année dernière avaient fonctionné et nous avaient amenés à un niveau de préparation avec lequel nous étions satisfaits. Il y a beaucoup de moments pendant l'entraînement où l'on se demande constamment : "Est-ce que je fais les bonnes choses ? Est-ce que j'aborde cela de la bonne manière ?". Le fait de savoir que nous avions un plan qui a fonctionné nous a donné beaucoup de confiance, et cela nous a permis de le suivre et de faire ce que nous avions à faire pour être prêts. Nous étions impatients de montrer ces programmes au public. Nous avons fait quelques petites présentations chez nous devant des auditoires restreints, mais devant un grand public, c'était inspirant et amusant cette semaine.

 

Que pensez-vous de vos performances au Skate Canada ?

Piper : Cela s'est très bien passé au Skate Canada. Cependant, nous étions très concentrés sur les éléments et pas assez sur la performance pendant la danse rythmique. Nous avons de la marge pour progresser. Même si on nous a dit que ce sont les meilleurs scores de la saison jusqu'à présent, notre principal objectif reste notre propre performance plutôt que la comparaison avec d'autres patineurs. Nous savons que nos scores sont meilleurs que ceux avec lesquels nous avons commencé l'année dernière. Nous sommes ravis de remporter le Skate Canada pour la quatrième fois. Il nous a fallu du temps et beaucoup d'efforts pour atteindre ce niveau, et nous comptons bien en savourer chaque instant.

 

Vous avez remporté quatre Skate Canada consécutifs, une performance qui avait été réalisée par Shae-Lynn Bourne et Victor Kratz avant vous.

Paul : Je n'en avais aucune idée ! La danse sur glace montre un très bon niveau au Canada depuis de nombreuses années. Shae-Lynn et Victor étaient à leur apogée quand j'ai commencé à patiner. Ils ont été ma première introduction à la danse sur glace. Nous avons été très inspirés par les danseurs qui nous ont précédés.

 

Quelles sont vos attentes pour votre prochain événement ?

Paul : Nous patinerons prochainement à la Coupe de Chine. Nous apporterons uniquement des ajustements mineurs, en tenant compte des commentaires des juges reçus ici à Vancouver. Avec cette compétition qui arrive si vite, l'objectif principal est de gérer notre énergie et de ne pas trop nous fatiguer.

 

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Quel thème avez-vous choisi pour votre danse rythmique ?

Piper : Le thème est l'amour, avec comme musiques 'No More I Love You's' et 'Addicted To Love'.

Paul : Il s'agit d'accepter ce sentiment en vous et de ne pas le combattre même s'il devient contagieux.

Piper : Il y avait tant de directions différentes que nous pouvions prendre pour les années 80. Nous avons eu du mal à trouver quoi faire. Quant aux costumes, nous voulions vraiment capturer ce moment des années 80, et nous voulions que les gens le voient dès que nous mettions le pied sur la glace. Pour ce qui est de mes cheveux, je voulais quelque chose comme Madonna et Farrah Fawcett à cette époque.

 

Pouvez-vous nous parler de votre danse libre sur Les Hauts de Hurlevent ?

Piper : Cette histoire est difficile à transmettre sur la glace en seulement 4 minutes. Nous explorons les complexités de l'amour, à la fois sa passion et ses aspects toxiques. On peut aimer quelqu'un à tel point que cela devient malsain, mais on ne sait pas comment y échapper. Le programme explore les hauts et les bas d'une relation, en proposant une version plus sombre que nous trouvons intéressante. Ce programme a des éléments hitchcockiens, mais c'est une version de nous plus développée et élégante.

Paul : Le programme est tout en contraste. La musique oscille entre des segments intenses, tranchants, inquiétants et doux, fluides, élégants. Parfois, nos mouvements sont en phase avec la musique, et parfois, ils vont à l'encontre. Cette dualité correspond au thème que nous cherchons à représenter, explorant deux émotions opposées qui mènent étrangement à la même forme d'intensité.

 

Le fait que les Championnats du monde soient à Montréal a-t-il influencé votre choix de musique ?

Piper : Patiner sur le sol canadien est, bien sûr, toujours un plaisir, et nous avons la chance d'avoir de nombreux événements chez nous en plus des championnats nationaux. Cependant, nous n'avons jamais choisi un programme uniquement en fonction de l'endroit où nous allons le patiner. Bien que nous ayons choisi "Both Sides Now" en 2019/2020 en pensant que ce serait un moment déterminant de notre carrière au Canada, les choses ne se sont pas passées comme prévu, et notre moment est venu en Suède à la place. Cette année était différente ; nous avons eu du mal à déterminer la direction à prendre. Nous avons débattu de la possibilité de revisiter des thèmes ou des styles que nous avions déjà explorés, ce que nous préférons généralement éviter. Il y avait aussi la préoccupation que le choix d'un autre artiste canadien puisse entraîner des comparaisons avec "Both Sides Now". Finalement, nous avons décidé de choisir une direction qui nous semblait juste et qui offrait de nouvelles opportunités pour explorer le mouvement. Bien que nous sachions que Montréal serait l'un des endroits où nous patinerions, cela n'a pas été un facteur déterminant dans notre décision.

 

Comment abordez-vous le processus de création pour une danse rythmique ou une danse libre ?

Piper : Le processus de chorégraphie est à la fois exaltant et épuisant. Parfois, vous pouvez trouver un million d'idées en une heure, et d'autres fois, vous pouvez rester bloqués sur seulement trois pas pendant des jours. C'est un cycle sans fin de créativité qui peut être frustrant et gratifiant. La beauté de notre sport, c'est qu'il n'est jamais parfait ; il y a toujours de la marge pour progresser.

Paul : En tant qu'athlètes, nous cherchons constamment à affiner notre performance. Un certain niveau de contrôle est nécessaire pour garantir que la chorégraphie ait l'aspect et la sensation que nous visons, tout en gagnant les points que nous espérons obtenir. Mais nous ne voulons pas que nos mouvements paraissent robotiques ou sonnent creux. Nous sommes constamment en équilibre entre le fait de prendre le contrôle de la chorégraphie et de laisser celle-ci nous contrôler. Trouver cet équilibre est la partie magique de ce que nous faisons. Il n'y a pas de formule pour y parvenir ; cela nécessite de se lancer pleinement dans le processus et d'espérer le meilleur.

  

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Piper, depuis que vous avez publiquement partagé votre combat contre le cancer des ovaires, comment vous sentez-vous ?

Piper : Je me porte bien, compte tenu des circonstances. J'ai des rendez-vous médicaux réguliers et des protocoles de santé spécifiques à suivre, mais j'ai accepté cela comme ma nouvelle normalité. Bien sûr, certains jours sont plus difficiles que d'autres, mais dans l'ensemble, je me sens bien. Je suis ici, en bonne santé et forte. Ma santé est un cadeau en soi qui me permet de continuer à faire ce que j'aime.

 

Avez-vous envisagé de faire l'impasse sur cette saison pour vous concentrer sur votre santé ?

Piper : Non, nous n'y avons pas pensé. Au contraire, cela me pousse. Ma santé va bien maintenant, et être passée par là me fait tout apprécier davantage. Le patinage est une excellente distraction, une évasion, et une bulle de sécurité. Participer à Skate Canada est un véritable cadeau pour moi, et cela éveille aussi des souvenirs. En effet, c'est lors du Skate Canada 2022 que j'ai ressenti pour la première fois que quelque chose n'allait pas.

 

Pouvez-vous expliquer pourquoi vous avez décidé de parler publiquement de votre cancer ?

Piper : Ma décision de parler ouvertement de mon expérience découle des conversations que j'ai eues avec d'autres femmes, notamment lors d'événements comme une marche contre le cancer des ovaires. Bien que je sois du côté plus jeune du spectre d'âge pour ce cancer, c'était éclairant de discuter de nos expériences. Souvent, les femmes évitent de parler de sujets comme les crampes ou autres problèmes menstruels, les considérant comme des tracas féminins habituels qu'on ne devrait pas aborder. Cependant, j'ai constaté qu'en parler peut être véritablement libérateur. Les statistiques indiquent que seulement 25% des femmes sont diagnostiquées aux stades précoces du cancer des ovaires, donc les enjeux sont élevés. Je compte utiliser ma voix pour encourager les autres à écouter leur corps et à consulter leur médecin si quelque chose leur semble anormal.


Solène MATHIEU - Skate Info Glace