Interview Louis Thauron

9 septembre 2023 - Lombardia Trophy


 

Champion de France 2021 de danse sur glace avec Adelina Galyavieva, nous avons eu le plaisir de croiser Louis Thauron en bord de piste, au Lombardia Trophy où il accompagnait le couple Aurélie Faula et Théo Belle. Cela a été l’occasion qu’il nous partage ses projets, sur et hors glace.

 

Solène : Nous vous avions peu vu dans les patinoires depuis l’arrêt de votre carrière en 2021, mais vous semblez avoir de nouveaux projets depuis quelques mois. Pouvez-vous nous en parler ?

Louis : Après la fin de ma carrière de danseur, je me suis lancé dans un projet familial de création d’une clinique médicale à Paris, donc je n’avais pas vraiment le temps d’avoir un pied sur la glace. J’ai ensuite rejoint Claude Péri au club de Bercy. Je n’avais jamais été entraîneur, mais cela m’a tout de suite plu. J’ai commencé avec les jeunes du club, puis le couple Aurélie et Théo. Je leur donnais d’abord des cours de glisse. Ils ont apprécié notre collaboration, et m’ont proposé de chorégraphier leurs programmes. C’était un challenge, puisqu'il s’agit de programmes pour de l’artistique et non pour de la danse. D’autres opportunités sont venues ensuite, avec Romane Télémaque et Lucas Coulon. Je donne également des cours à Viry-Châtillon aux danseurs du club. Je travaille un peu leurs programmes avec eux, mais nous faisons essentiellement du travail de glisse.

 

Solène : Comment adaptez-vous vos méthodes, d’une discipline à une autre, en couple artistique et danse sur glace ?

Louis : Même si ce sont deux disciplines différentes, j’ai la même approche. Je suis aussi exigeant avec les uns qu’avec les autres. Bien sûr, les besoins diffèrent. Les couples ont besoin de travailler leurs sauts, portés et pirouettes et travaillent en général moins les skating skills, alors qu’il s’agit de la base pour les danseurs. 

 

Solène : Vous êtes également intervenu lors d’un stage fédéral pour les couples ?

Louis : Oui, Fabrice Blondel m’a sollicité. C’était une expérience très enrichissante. J’ai pu travailler avec des couples que je connaissais peu. Nous avons travaillé la glisse, notamment sur la partie “body movement”. Les couples artistiques en ont vraiment besoin et je pense que nous pouvons aller beaucoup plus loin. 

 

Solène : Quels danseurs appréciez-vous actuellement au niveau international ?

Louis : Je pense à Marjorie Lajoie et Zachary Lagha, qui montrent une belle attaque dans leurs programmes. Cela s’est un peu perdu pendant quelques années lorsque tout le monde a essayé d’imiter Gabriella et Guillaume. C’est bien que des couples proposent quelque chose de différent et dynamique. C’est courageux car la technique est plus difficile à assurer sur une musique rapide. Dans cette même idée j’ai été impressionné par l'engagement de Katerina Mrazkova et Daniel Mrazek. Je pense aussi à Loïcia Demougeot et Théo Lemercier avec qui j’ai travaillé à Villard-de-Lans. Ils ont de très bons programmes et j’ai apprécié collaborer avec eux, ainsi qu’avec Marie Dupayage et Thomas Nabais. J’ai également regardé les programmes de Dania Mouaden & Théo Bigot lors du Grand Prix junior de Linz. Je ne les connaissais pas mais on m'avait parlé d’eux. J’ai apprécié leur personnalité sur glace et leur engagement. Je les trouve matures pour leur âge.

 

Solène : Que pensez-vous de l’évolution de la danse sur glace ?

Louis : Je ne suis pas convaincu des récentes évolutions, notamment sur la danse rythmique. Pour un spectateur non averti, les programmes se ressemblent beaucoup entre eux. Il est rare qu’une danse rythmique me plaise en ce moment. Le choix de ne pas conserver la danse imposée avec ses pas et ses positions ne me paraît pas bénéfique pour la conservation de notre sport. Certains couples se retrouvent dans le top mondial alors que leur niveau de base de danseur en couple est discutable. Le patinage en parallèle et en position ouverte est bien trop à la mode à mon goût. Je trouve cela dommage. Notre discipline perd de sa valeur et nous nous rapprochons de plus en plus du couple artistique. On doit pouvoir trouver des thèmes et des évolutions plus valorisantes pour la danse sur glace et qui lui permettent de garder son âme. Par ailleurs, en voulant complexifier les règlements sur les portés et les twizzles, on perd la beauté de la danse. Ce n’est pas parce qu’un porté est difficile qu’il est beau. Gabriella et Guillaume proposaient des éléments simples mais qui étaient musicaux, bien dansés et souples. Il ne faut pas chercher l’acrobatie pour attraper les niveaux. Nous ne sommes pas des gymnastes sur glace.

 

Solène : Je comprends donc que la compétition ne vous manque pas, dans ces conditions.

Louis : C’est surtout que je me sens bien à ma place. Je suis content de voir mes collègues et amis patiner !

 

Solène : Quelles ont été les raisons de l’arrêt de votre carrière ?

Louis : J’ai eu de gros problèmes à la hanche et les médecins m’avaient recommandé une pause de quelques mois. L’autre raison de mon arrêt de la compétition a été notre non-sélection aux Jeux Olympiques 2022. Gabriella et Guillaume ont choisi de ne pas participer aux championnats du Monde en 2021, compétition qui permettait d’obtenir les places pour les Jeux Olympiques. Pour moi cela faisait partie de leur job. Nous y sommes allés avec Adelina, ainsi qu’avec Evgenia Lopareva & Geoffrey Brissaud pour que la France puisse participer aux Jeux Olympiques. Nous avons grâce à nos résultats récupéré une place pour les Jeux et nous l’avons donnée à Gabriella et Guillaume pour qu’ils se battent pour l’or. Aucun message d’encouragement n’a été envoyé de leur part pour cette compétition. J’ai été déçu. Je comprends l’importance et l’enjeu d’une médaille d’or olympique mais il y a un esprit d’équipe à avoir. Le même scénario aux Etats Unis, Canada ou Russie aurait fait bien plus de bruit, je pense.

 

NB : Les places aux Jeux Olympiques sont attribuées par discipline et par pays en fonction des résultats des championnats du Monde précédant les JO. Avec une 16ème (Adelina Galyavieva/Louis Thauron) et une 17ème place (Evgenia Lopareva/Geoffrey Brissaud) aux championnats du monde 2021, une place a été attribuée à la France pour les JO 2022. Si Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron avaient participé et obtenu une médaille, la France aurait eu trois places pour les JO.

 

Solène : Pouvez-vous nous parler des études que vous avez suivies en parallèle de votre carrière ?

Louis : J’ai d’abord étudié en école d’ingénieur à l’INSA Lyon, lorsque je m’entraînais avec Muriel Zazoui, Olivier Schoenfelder et Romain Haguenauer. Je ne savais pas encore comment me projeter professionnellement par la suite, mais j’appréciais l’enseignement scientifique. Lorsque je suis parti m’entraîner aux Etats-Unis, l’INSA Lyon a tout mis en place pour que je puisse continuer à suivre mes cours. Je pilotais un robot muni d’une webcam depuis Detroit qui me permettait de circuler dans l’école, d’aller au tableau, d’intervenir, de me tourner, etc. Je voyais à 180 degrés. Ce robot a été réutilisé par la suite pour d’autres sportifs de haut niveau, ainsi que pour des étudiants en situation de handicap ou hospitalisés. J’ai ensuite voulu continuer mes études vers une filière plus orientée business. L’EM Lyon proposait une formation à distance, ce qui était parfait pour moi. Je vivais à Moscou à ce moment-là. J’étudiais avec des personnes qui avaient déjà une dizaine d’années d’expérience professionnelle, ce qui était très riche.

 

Solène : Comment est venu ce projet d’une clinique ?

Louis : J’avais toujours eu en tête cette idée de créer une clinique familiale avec mes sœurs. L’une est dentiste, et l’autre sage-femme gynécologue. Ce projet m’a beaucoup occupé après la fin de ma carrière de patineur. J'enchaînais les RDV avec l’architecte, les banquiers, les comptables, les agents immobiliers, les fournisseurs... Le rythme était stressant mais très motivant. Nous avons ouvert la clinique le 28 mars 2023 au Perreux-sur-Marne. Nous sommes ravis et cela se passe très bien. Je dirige l’établissement. La partie administrative est assez lourde pour une structure médicale, mais je commence à pouvoir déléguer une partie du travail, ce qui me permet d’avoir également des projets liés au patinage. L’équilibre que j’ai trouvé entre ces deux activités me plait beaucoup. 

 


Solène MATHIEU - Skate Info Glace