© Rumi Hirakiuchi
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Interview Adam Siao Him Fa

Finale du Grand Prix - 7 au 9 décembre 2023


Vainqueur du Grand Prix de France et de la Coupe de Chine, Adam Siao Him Fa s’est qualifié pour sa première finale du Grand Prix, dont il repart avec une quatrième place.

 

Solène : Quel bilan faites-vous de la compétition ?

Adam : Le bilan est positif. Evidemment, la grosse erreur était sur le Lutz du programme court. C'était une première finale de Grand Prix senior et la première compétition de cette ampleur où je suis favori. C'était beaucoup de pression à gérer et une nouvelle expérience. J’en tire beaucoup de positif et cela va me servir pour les prochaines compétitions.

 

Solène : Premier remplaçant l'année dernière, premier qualifié cette année. C’est une belle réussite !

Adam : Oui, on peut dire que j'ai pris ma revanche par rapport à la saison dernière.

 

Solène : Que s’est-il passé sur le Lutz du programme court ?

Adam : Je me suis précipité au départ. J'étais aussi un peu lent dans la rotation mais je pense qu'au-delà de l'aspect technique, j'ai perdu mes moyens. Le point positif est que j’ai réussi à me remettre dans le programme et j'ai pu réussir mes autres éléments.

 

Solène : Vous remontez de deux places par la suite.

Adam : Je me suis bien battu lors du programme libre. A plusieurs moments, j’ai risqué un faux départ, mais j’ai tout fait pour ne pas revivre l’expérience du programme court. Le Lutz est parti de travers mais je l’ai sauvé.

 

Solène : Le public a crié pendant la rotation de votre Salchow en le voyant très désaxé. L’avez-vous entendu ?

Adam : Oui ! Franchement, je ne savais pas comment j’allais le récupérer (rires). Quand j’ai senti que je posais mon pied sur la glace, j’étais positivement surpris.

 

Solène : Parlons de votre séquence chorégraphique. C’était subtil, mais vous avez eu un déséquilibre et une chute a été comptabilisée.

Adam : La glace était très lisse (rires). Je me suis mal positionné, ma main a glissé et mes pieds sont partis de l'autre côté. J’ai essayé de camoufler comme je pouvais, mais les juges l’ont vu, bien sûr.

 

Solène : Comment se sont passés vos entraînements à Pékin ?

Adam : Bien dans l’ensemble, mais j’ai eu un entraînement assez original le vendredi. D’abord j’ai saigné du nez. Ce n’est pas très fréquent, mais cela m’était déjà arrivé donc je n’étais pas perturbé. Ce que je n’ai pas réalisé tout de suite, c’est que j’avais perdu trois vis sur la glace. Je n’avais presque plus rien au talon ! Je racontais cela à Kevin dans les vestiaires. Il m’a dit que Shoma et lui avaient trouvé des vis dès le début de l’entraînement, donc je pense que je les ai perdues tôt. Il m’a aussi dit qu’il avait vu du sang sur la glace pendant ses glissades (rires).

 

© Rumi Hirakiuchi
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Solène : Revenons sur cette incroyable Coupe de Chine. Racontez-nous votre expérience.

Adam : Il s’est passé tellement de choses ! J’ai enchaîné directement après le Grand Prix de France, donc ce n’était pas évident, mais physiquement j’étais prêt et mentalement j'étais confiant. A l’entraînement, après un premier saut, j’ai vu que mon crochet s'était arraché. Pas de souci, j’avais des crochets de rechange donc je pouvais le changer. J’ai sorti ma visseuse. Au moment où j’ai posé la vis, j’ai vu que cela tournait dans le vide. Tout le pas de vis était arraché en fait. La bottine était fichue. Heureusement, depuis l'expérience des Championnats d’Europe l’année dernière, j’ai tout le temps deux paires de patins avec moi.

 

Solène : Ils étaient neufs ?

Adam : Oui, mais je m'adapte très vite aux nouveaux patins. J'ai fait mon placement de lames pendant l'entraînement. Je me suis immédiatement senti à l'aise avec ce placement. J’ai donc repris l’entraînement. Après deux quadruples, le lacet s’est cassé. J’ai fait un nœud. Cela a recassé, j’ai refait un nœud. Je suis resté calme et je relativisais. Mieux vaut que cela arrive le jour de l'entraînement que le jour de la compétition.

 

Solène : L’ISU vous a accordé un entraînement supplémentaire.

Adam : Oui, ils ont été très compréhensifs. Ils m'ont offert la possibilité de m’entraîner pendant une répétition du podium donc j'ai pu faire mon placement de lame comme je voulais et faire la bottine. Lors du programme court, l’erreur sur le boucle piqué était due à un manque de concentration. Je m’étais relâché.

 

Solène : Après toutes ces péripéties, le jour du programme libre arrive.

Adam : Oui, mais ce n’était pas fini (rires) ! Le soir du programme court, je me suis senti très malade. J’avais des nausées et la tête qui tournait. Je n’ai pas mangé le soir et je suis allé dormir. J’étais plié en deux et je ne pouvais plus sortir de mon lit. Je faisais une intoxication alimentaire. Le médecin de l’équipe de France m’a aidé. Le lendemain, j'avais encore un peu mal au ventre mais j’ai pu aller à l’entraînement. Je pouvais faire mes sauts un par un mais dès que l’effort devenait plus intense ou que j’enchaînais des éléments, je souffrais. Heureusement, nous avions une grande pause entre l'entraînement et la compétition. J’ai dormi toute la journée. Au réveil, cela allait mieux et c’était l’heure du programme libre !

 

Solène : A ce moment-là, vu votre état de santé et l’écart au programme court de presque 14 points entre Shoma Uno et vous, j’imagine que vous ne pensiez pas à la victoire ?

Adam : Effectivement. Je visais le podium pour obtenir ma qualification pour la finale. Lorsque Benoît m’a annoncé ma victoire, j’étais surpris ! Je ne m'attendais pas à gagner mes deux Grands Prix cette saison. Je savais que je pouvais en gagner un, mais je ne m'attendais pas à ce que cela se passe aussi bien. 

 

Solène : En quelques semaines, vous avez battu tout le podium mondial : Junhwan Cha au Shanghai Trophy, Ilia Malinin au Grand Prix de France et Shoma Uno à la Coupe de Chine. Votre statut dans le patinage mondial a changé du tout au tout. Comment l’avez-vous vécu ?

Adam : J’ai vraiment confirmé ma place dans le top 6 mondial, mais je pense que cela a joué sur ma gestion du stress sur cette finale. C’est l’expérience qui rentre.

 

Solène : Votre côte de popularité a explosé en Chine après le Shanghai Trophy et la Coupe de Chine. L’avez-vous ressenti ?

Adam : Oui, je le vois dans mes relations avec le public. Les fans sont plus nombreux. C’est vraiment agréable et l’ambiance est superbe.

  

© Rumi Hirakiuchi
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Solène : Vous avez pris l’habitude de faire des backflips pendant vos programmes ou en sortie de piste, mais pas à Pékin.

Adam : Dans le programme libre, c’était inenvisageable. J’étais dernier du programme court, je voulais remonter au classement et je ne pouvais pas me permettre deux points de déduction. Je voulais donner tout ce que je pouvais sans regret. Je n’ai pas voulu le faire non plus en sortie de piste. Je n’y ai pas vraiment pensé en fait, comme je n’étais pas complètement satisfait de mon programme. 

 

Solène : Quand vous l’avez fait la toute première fois, au Shanghai Trophy, était-ce prévu ?

Adam : Absolument pas (rires) ! Je ne l’avais jamais inclus dans un programme libre, y compris aux entraînements. J’avais en revanche patiné mon programme court avec un backflip lors d’une tournée de galas au Japon. Pendant l’été, j’en avais parlé avec Cédric, Rodolphe et Benoit en leur demandant ce que je risquais : une déduction ou une disqualification ? J’avais donc l’information sur les deux points de déduction, mais la discussion s’était arrêtée là. Au Shanghai Trophy, j’ai patiné un super programme libre et j’avais encore de l’énergie. Je me suis dis que cela pouvait être drôle et je l’ai fait. Rodolphe a éclaté de rire et m’a dit que j’étais fou (rires).

 

Solène : Vous partez directement pour Vaujany pour les Championnats de France. Comment envisagez-vous cette compétition ? Allez-vous présenter votre contenu technique habituel ou allez-vous l’adapter en raison de la fatigue ?

Adam : Je verrai en arrivant sur place. J'aimerais bien inclure le quadruple flip pour m’entraîner sur ce contenu avant les championnats d’Europe et du Monde. Le programme libre avec le flip passait très bien à l'entraînement avant la Finale. Cependant, j'ai eu quelques soucis dans la semaine. Je m'étais bloqué le cou et j’avais eu un souci de lame. Les péripéties n’arrêtent jamais (rires). Nous en avons parlé avec Cédric et nous avons voulu jouer la sécurité lors de la Finale. Nous verrons comment les entraînements se passent à Vaujany. Une des options est d’intégrer le quadruple flip dans le programme court, à la place du quadruple boucle piqué.

 

Solène : Toujours en première partie de programme, sans aller chercher la bonification de seconde partie ?

Adam : Oui, en première partie. L’année dernière, nous voulions sécuriser les deux quadruples en les mettant en première partie. Cette année, nous avons gardé le même schéma de programme qui me convient bien. En plus, l’enchaînement des trois sauts du programme court ressemble au début de mon programme libre, ce qui m’aide bien. 

 

©International Skating Union (ISU)
©International Skating Union (ISU)

Solène MATHIEU - Skate Info Glace