© Alice Alvarez
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Grand Prix d'Espoo - Danse libre

18 novembre 2023


Rien de changé dans le classement final par rapport à la danse libre, seuls les Tchèques Mrazkova/Mrazek, 6èmes aujourd'hui et au classement général, et les Finlandais Orihara/Pirinen, 7èmes, échangent leurs places. Mais les Américains Chock/Bates, vainqueurs attendus, auront, senti brièvement passer le vent du boulet, avec une minuscule avance de 0.15 points. En témoignent leurs visages un peu crispés dans le Kiss & Cry. Ils remportent la médaille d'or avec un bon score total de 209.46, et une danse libre cotée à 123.85, sauvée par leurs composantes, leur total technique étant inférieur à celui de leurs poursuivants Canadiens. 

 

On ne peut pas dire que ce programme sur "Time", "Breath" et " Eclipse" de Pink Floyd" soit typiquement "made in U.S." Il n'a rien du côté lisse et légèrement mièvre qui caractérise souvent les performances, même les plus réussies, de leurs compatriotes. Déjà, le thème choisi témoigne d'un vrai souci d'originalité, d'une grande créativité, et il semble être vécu de bon coeur, plutôt que simplement joué. La position d'entrée est superbe, et aussi très risquée question équilibre. Madison commet une erreur sur les twizzles avec un bref arrêt de rotation qui lui fait perdre un niveau, assorti de quelques grades d'exécution négatifs. La séquence sur un pied reste l'élément le plus difficile à réaliser pour les danseurs, ici avec un niveau 3 pour Madison et 2 pour Evan. Diagonale de niveau 3, portés et pirouette de niveau 4, ce sont les composantes qui font vraiment la différence, oscillant de 9.00 à 9.50, à l'exception d'un sévère 8.75 en présentation, et d'un ridicule 8.00 en skating skills de la part du juge N° 5. Lors des précédentes saisons, Madison était parfaite en "Serpent" charmant son charmeur, et en extra-terrestre séduisant un astronaute. La voici "femme pendule", jouant de ses longs membres comme des aiguilles, animée par un "horloger" tout sourire. C'est un excellent programme que nous présentent ce soir les Américains, actuels champions du monde, un titre qu'ils sont bien décidés à conserver en mars à Montréal. Sans erreur et en relevant quelques niveaux, ils seront très difficiles à battre. 

 

© Alice Alvarez
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Notre Dame de Paris est un thème fatigué et fatigant. Heureusement, Laurence Fournier-Beaudry et Nikolaj Sörensen sont capables d'en faire une très jolie danse libre, à la fois romantique et athlétique. Ils sont moins bien notés qu'à Angers, pourtant leur prestation me semble d'une qualité supérieure. L'ensemble est plus glissé, plus fluide, et techniquement tellement ambitieux ! L'entrée de programme par la séquence sur un pied est un vrai challenge qu'ils relèvent avec brio. Le porté rotationnel combiné au stationnaire est d'une très haute difficulté. Dommage qu'il ne soit pas mieux valorisé, la valeur de base est simplement celle des deux portés ajoutée. Rien à dire sur les twizzles qui sont ultra-rapides et propres comme des sous neufs. Niveau 3 pour la diagonale de Laurence, 2 pour celle de Nikolaj. Ils sont seconds de la danse libre (123.70) et quitteront demain Espoo avec leur seconde médaille d'argent (206.32) consécutive après celle glanée en France. 

 

© Alice Alvarez
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Même si j'ai un faible pour le programme de Chock/Bates, même si techniquement, ils ne sont pas (encore ?) à la hauteur de leurs rivaux, j'ai un coup de coeur pour les Finlandais Turkkila/Versluis. Ce n'est pas mon premier, mais ce programme est d'une très grande recherche d'originalité. Pas si classiques que je les décrivais hier, la preuve : ils ont opté pour "Mass" et "Loss" de Phoria, un groupe de rock artistique britannique. Le thème est sombre sans être mélodramatique. Le patinage est doux sans être fade. Juulia retrouve sa gestuelle délicate et éthérée, un peu perdue dans la RD en raison du thème imposé. La chorégraphie de Massimo Scali colle à chaque mouvement de la musique. Jamais ils n'ont été aussi créatifs, si l'on excepte un porté largement emprunté à Delobel/Schönfelder ! Ils ne sont techniquement qu'à quelques points des Canadiens. A 29 ans tous les deux, sur le circuit international depuis 2016 (Juulia a patiné en individuelle de 2011 à 2014), il leur aura fallu un certain temps pour atteindre les hautes sphères, mais les voici bien installés. Ils sont médaillés de bronze avec un total de 195.80, et un libre à 118.15.

 

L'interprétation du "Parfum" de Carreira/Ponomarenko a pris un peu d'ampleur depuis Angers. Anthony est plus convaincant en psychopathe (bien qu'il n'y soit pas aidé par son visage d'ange !), et si Christina meurt beaucoup et longtemps tout au long du programme, elle le fait avec moins de surjeu. Les deux danseurs continuent de manquer de personnalité, mais leur effort d'interprétation est maintenant louable, alors qu'il était jusque là plutôt loupé. Plusieurs de leurs niveaux sont supérieurs à ceux des Finlandais (séquence sur un pied, circulaire, pirouette), mais les grades d'exécution sont logiquement moins élevés. Cette danse libre leur rapporte 114.18, pour un total de 188.76 et la 4ème place. 

 

Leurs compatriotes Zingas/Kolesnik sont 5èmes (111.65/183.78), sur une version intéressante de "La Belle et la Bête" bien interprétée. Alors qu'ils ne sont associés que depuis un peu plus d'un an, ils montrent plus de cohésion et d'osmose que Carreira/Ponomarenko. La chorégraphie de Shpilband et Camerlengo n'a rien d'originale, mais l'ensemble du programme se tient et est plaisant à regarder. Le thème de "Chicago" a déjà beaucoup servi en compétition et en gala, mais Orihara/Pirinen s'en sortent bien et avancent d'un cran pour finir à la 6ème place du libre et du classement général (107.21/176.73). Les twizzles sont de niveau 3 pour elle, 4 pour lui, mais séquence sur un pied et diagonale ne dépassent pas le niveau 1. Qui dit "séquence sur un pied" interdit les deux lames sur la glace, Katerina Mrazkova en fait l'amère expérience. C'est ainsi que son frère et elle perdent une place (7èmes, 101.99/172.58). Même chorégraphié par Carol Lane, le thème de Roméo et Juliette est tombé en poussière par abus d'utilisation. Les Canadiens Bashynska/Beaumont n'ont pas encore assez de technique et de caractère pour lui redonner un coup de neuf. Les niveaux ne sont pas mauvais, sauf pour la circulaire, mais les champions juniors du Canada l'an dernier ont encore du travail à effectuer avant de pouvoir monter dans les tours en vitesse sur la glace, et aussi dans les rangs. Ils sont 8èmes (100.19/167.87).

 

On tombe sous la barre des 100 points avec le libre des Allemands Janse Van Rensburg/Steffan (99.02), et 164.55 au total pour la 9ème place. Le Libertango de Piazzola a encore de beaux jours devant lui dans le registre scie des patinoires. On s'éloigne encore plus des 100 points symboliques avec le 89.83 des Hongrois Ignateva/Szemko. Mais ils n'ont que deux saisons d'expérience internationale, au contraire des Allemands en lice depuis 2016. Un score total de 147.40 les laisse à la dernière place déjà obtenue lors de la danse rythmique. 

 

 


Kate Royan - Skate Info Glace