© Alice Alvarez
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Grand Prix de France - Danse libre

Angers - 4 novembre 2023


Classement inchangé par rapport à la danse rythmique pour les cinq premières places. La danse libre n'a jamais aussi bien porté son nom, le règlement de la RD étant devenu absurdement contraignant. 

 

La danse libre de Charlène Guignard et Marco Fabbri est belle à tomber raide parterre. C'est une image, les patineurs, eux,  n'ont aucun problème à tenir debout ! Sur la B.O. du film "The Theory of Everything", (l'histoire du physicien Stephen Hawking mort de sclérose latérale amyotrophique), tout semble facile, tout est aussi sobre que naturel, ressenti, émouvant. Ils absorbent la musique pour la restituer par leurs gestes et leurs lames. Pour des raisons sentimentales, le passage sur le somptueux morceau "Arrival of the Birds" me bouleverse complètement. Ils sont les seuls capables de réussir des portés aussi athlétiques, avec la plus grande des finesses. Twizzles et porté combiné de niveau 4, circulaire de niveau 3, pirouette de niveau 4, séquence sur un pied de niveau 3, dernier porté de niveau 4. Nous sommes sur du très haut niveau, avec une marge de progression, ce qui est de bonne augure pour la suite de la saison. Le libre leur rapporte 127.92 points avec un "season best" à la clef, et une victoire à 214.54.

 

 

© Alice Alvarez
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Je ne suis pas sûre qu'un thème comme Notre Dame de Paris, usé jusqu'à la trame, soit le meilleur choix qu'aient fait Laurence Fournier-Beaudry et Nikolaj Sörensen. Ils ont tout de même le mérite de ne pas avoir utilisé les morceaux les plus connus du célèbre opéra rock, à l'exception de l'inévitable "Danse mon Esmeralda". Ceci dit, le programme est très bien ficelé et les patineurs très convaincus par ce qu'ils font. Nikolaj dira plus tard en conférence de presse qu'il est les quatre amoureux d'Esmeralda à la fois, ce qui explique sans doute pourquoi on ne sait pas très bien où situer son personnage. Malgré le côté bateau du thème, le programme se laisse regarder avec plaisir, car ils sont fort techniciens et très bons interprètes. Tout est beau, élégant, mais sans être original. L'ère Papadakis/Cizeron nous a sans doute rendus exagérément critiques, enfants gâtés que nous avons été. La barre est trop haute, il va falloir du temps pour nous réadapter. Laurence et Nikolaj sont, sans surprise, seconds du libre (124,17) et de la compétition (205,15), avec des niveaux qui oscillent entre 2 et 3, sauf pour la pirouette et les portés (4).

 

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Evgeniia Lopareva et Geoffrey Brissaud sont aussi à l'aise sur Rachmaninov que sur Mylène Farmer. Ou n'importe quelle autre courant musical d'ailleurs, nous avons déjà vanté leur éclectisme. Dans le registre de ce libre, Geoffrey me rappelle l'élégant, longiligne et félin Alexander Abt, auteur d'un programme magnifique (en individuel) sur la même musique en 2002. Evgeniia est parfaite de sobriété, loin du surjeu dramatique habituel de ses (anciennes) compatriotes. J'avoue ne pas être très fan du grand déprimé-déprimant qu'était Sergeï Rachmaninov, mais les Français parviennent à me le faire apprécier avec ce programme finement ciselé. Diagonale de niveau 2 pour elle, 1 pour lui, séquence sur un pied avec le même écart entre les deux partenaires mais un niveau de plus, twizzles et portés de niveau 4. Beaucoup de délicatesse dans l'exécution et une chorégraphie très contemporaine font de ce libre un très bon programme. Ils conservent leur 3ème place dans ce segment de la compétition (113.87) et montent sur la 3ème marche du podium (190.82) pour la seconde fois cette saison. 

 

Christina Carreira et Anthony Ponomarenko terminent 4èmes de cette danse libre (113,76, soit au ras du score d'Evgeniia et Geoffrey) et du classement final (186.70). Sur la B.O. du film "Le Parfum", les Américains s'en sortent mieux que dans la Rhythm Dance, avec douceur et précision. Mais la performance est trop lisse, très "sauce américaine". Côté interprétation, le couple est de nouveau à côté de la plaque. Anthony, presque transparent, n'a rien d'un tueur. Et si Christina s'efforce de jouer les victimes, on n'y croit pas vraiment. Difficile de ne pas penser à l'excellente prestation que nous avaient servi Adelina Galyavieva et Louis Thauron sur le même thème. Les Américains pâtissent sérieusement de la comparaison, même s'ils sont sans doute meilleurs techniciens. Les twizzles des deux patineurs sont de niveau 4, mais Christina est au-dessus de son partenaire (niveaux 3 contre 2) dans la séquence sur un pied et dans la circulaire. Il y a une vraie proposition dans ce programme, un bon concept, mais le sujet n'a pas été approfondi à sa juste valeur. 

 

Marie-Jade Lauriault et Romain Le Gac, conservent, eux aussi, leur place de 5èmes obtenue la veille (112.13/182.61). Au menu : "Les Noces Funèbres" de Tim Burton et la bande originale composée par Danny Elfman. Ils sont exactement le contraire des Américains précités. Tout le programme, des costumes à la chorégraphie, en passant par l'interprétation, colle exactement au thème, avec recherche, originalité et intelligence. Les élément s'enchaînent avec fluidité, sans heurt ni apparente difficulté. La diagonale, notée 2 pour elle, 1 pour lui, fait baisser leur moyenne. Pourtant, je les aurais volontiers classés devant Carreira/Ponomarenko aussi bien au rayon T.E.S. qu'en composantes. 

 

Hannah Lim et Ye Quan, 6èmes du libre (106,71), patinent sur une jolie version symphonique des "Parapluies de Cherbourg". Je préfère cette prestation à leur danse rythmique. Ils paraissent plus à l'aise dans ce registre, mais la patinoire, elle, semble toujours trop grande pour eux. Le programme est propre, pirouette, portés et twizzles sont de niveau 4. On note une charmante petite intention de poésie dans l'interprétation, mais elle reste timide. Ils écopent d'une déduction pour dépassement de temps. Ils terminent 6èmes avec 173.85. 

 

Encore un montage musical bancal pour McNamara/Spiridonov : trop de morceaux différents sans réel liant, même si les trois premiers sont du même auteur, Johann Johannsson. Quant au quatrième... Il est toujours dangereux de s'aventurer sur des musiques que vos aînés ont magnifiées. "Run" de Ludovic Einaudi est pour moi définitivement associée aux Canadiens Weaver/Poje et à l'un des programmes les plus émouvants et aboutis de leur carrière. Les Américains y mettent visiblement du coeur, mais leur technique n'est pas au top,  et cette danse libre, vue dans son ensemble, est un peu brouillonne. Ils gagnent néanmoins deux places par rapport à la Rhythm Dance, 7èmes du libre avec 99.48 points mais seulement 9èmes au total (164.25). 

 

Marie Dupayage et Thomas Nabais commettent d'entrée une erreur, sur leurs twizzles, qui va leur coûter une pleine ligne de GOEs négatifs. C'est d'autant plus dommage que le reste de leur danse est nette et sans bavure. L'écart de points avec McNamara/Spiridonov est minuscule : 0,06. Mais les Américains sont quand même devant, ce qui me fait grincer des dents. Car entre les deux couples, il n'y a pas photo, le talent et les qualités techniques ne sont pas du côté outre-Atlantique... Les composantes des Français sont heureusement supérieures (pas assez à mon goût). Marie et Thomas sont, comme toujours, vifs, élégants et la partie lente de leur danse est un délice. Ils sont 8èmes dans ce libre mais restent 7èmes au final (167.62). 

 

Sur un medley d'Elvis Presley qui sied à leurs personnalités, Olivia Smart et Tim Dieck, 6èmes la veille, s'offrent une petite dégringolade dont ils se seraient bien passés. Les voici 9èmes du libre (96.67), ce qui ne reflète pas leur niveau, mais s'explique par plusieurs erreurs coûteuses. A commencer par le premier élément loupé : "le choregraphic assisted jump". Puis Olivia s'emmêle les lames dans des twizzles beaucoup trop lents. Tim perd l'équilibre dans la médiane. Le tout assorti deux fois du signe ! pour carre douteuse. Stressés, ils vont encore être en difficulté sur le mouvement glissé chorégraphique. Dans le dernier tiers du programme, ils sont visiblement à court d'énergie. Ils se retrouvent avec un T.E.S. inférieur à celui de Lagouge/Caffa et une 8ème position finale (166.58). Natacha et Arnaud semblent plus tendus que lors de la RD et leur patinage s'en ressent. Au son de Bishop Briggs, dont une reprise de INXS, leur légendaire plaisir de patiner n'est pas entamé, mais c'est leur base technique qui montre nettement ses lacunes. Beaucoup trop de 0 et de 1 dans leurs GOEs. Il faudrait vraiment qu'ils puissent pallier à ce manque, car avoir la musique dans la peau, et la vivre comme ils le font, sont de précieuses qualités, et un plaisir aussi vif pour nous que pour eux. Ils terminent 9èmes (154.17). 

 

 

Kate Royan - Skate Info Glace