© S.I.G./Patinage Magazine - Myriam Cawston
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Grand Prix Helsinki 2018 - 4.11.18

Jour 3

Programme libre Messieurs


Dimanche midi, le premier groupe des messieurs est prêt. Il fait un temps superbe à Helsinki.  Mais la dernière épreuve de ce Grand Prix vaut bien de s'enfermer à la patinoire ! Les fans japonais sont là, avec leurs Winnie l'Ourson sous le bras, et leurs costumes à son effigie. Comme hier, le Britannique Phillip Harris est le premier sur la glace. Sur "Fix You" de Coldplay (qu'on a déjà beaucoup entendu ces dernières années), il entame son programme avec un triple Axel/double boucle piqué. J'adore ses mouvements de bras, si expressifs et si doux, d'une qualité bien supérieure à ce qu'on pourrait attendre d'un patineur de son niveau. Son triple Lutz/triple boucle piqué se solde par une chute,  et  finit dans la barrière. Il se reprend rapidement avec un triple Axel, dont l'entrée est en Grand Aigle, mais il pose la main à la réception. Double flip/Euler/triple Salchow en sous-rotation. Harris a une incroyable capacité à se relancer après ses erreurs et à rester concentré. Le public le soutient à fond, malgré le côté répétitif de la musique. Sa séquence de pas est suivie d'un double boucle, puis d'un triple Lutz et double Axel, les deux sauts défiant toutes les lois terrestres, complètement désaxés, mais il parvient à la réceptionner quand même ! (10ème, 123.67, total 10ème 182.66)

 

Valtter Virtanen, régional de l'étape, a conservé son programme libre de l'an dernier sur "La Strada". Son court a été un désastre et il débute par un quadruple boucle piqué retourné et en sous-rotation. Son double boucle est correct mais sa combinaison triple boucle/triple boucle piqué est également en sous-rotation. Même chose pour le triple Lutz atterri sur deux pieds. Il est si concentré sur ses sauts qu'il en oublie un peu le reste de son programme... Tout va mieux dès 1.40 mn, grâce à une petite "pause" et Valtter entraîne la foule avec lui dans une séquence de pas très réussie, la salle entière frappe dans ses mains. A 2.30 mn, il recommence à enchaîner les sauts : un joli triple Salchow (hélas en sous-rotation une fois de plus), un triple boucle piqué et un Axel passé en simple qui lui fait encore perdre des points. Disons que les choses vont mieux  qu'hier,  mais être dernier n'est sûrement pas le résultat qu'il espérait. (11ème, 106.58, total 11ème, 154.74). 

 

A l'entrée de Keiji Tanaka, la salle explose littéralement. Normal, elle est remplie de fans japonais !  Sur "L'Ouverture de Guillaume Tell", il retourne son quadruple Salchow et chute. Il se perd dans un simple Axel,  suivi d'un double boucle piqué et la foule hurle pour l'encourager. Keiji sait tirer partie de sa musique puissante, et à chaque mouvement correspond un de ses gestes. Triple Axel réussi, triple Lutz loupé, il trébuche et il manque le dernier tour de son triple flip/triple boucle piqué transformé en double. Un triple boucle hésitant conclut cette prestation un peu cauchemardesque, de laquelle on ne retiendra que la séquence de pas, réalisée avec brio sous les applaudissements de ses fans. Encore une fois, Alexey Bychenko va devoir attendre que les petites ramasseuses évacuent les peluches qui ont envahi la glace. Les gens que l'on remarque dans le public sont ceux qui n'ont pas de Winnie l'Ourson avec eux ! J'ai une pensée pour le pauvre Michal Brezina qui va passer après Yuzuru Hanyu... 

 

Bychenko patine sur la bande originale du film "Dracula". Pas de quadruple saut inscrit à son programme, il commence avec un triple Lutz/triple boucle piqué d'une ampleur phénoménale, puis poursuit avec triple Axel/double boucle piqué et triple boucle. Il n'a aucune chance d'accéder à la Finale du Grand Prix, donc il peut profiter de l'instant et se faire plaisir. Double Axel, puis triple mais il le retourne et pose une main sur la glace. Le milieu de son programme ressemble plus à une improvisation qu'à quelque chose de réellement chorégraphié. Double Lutz/Euler/double Salchow, Bychenko réussit à être dynamique tout en ayant l'air exténué,  et termine avec un double flip. (8ème, 128.89, total 9ème, 202.33)

 

Un Américain,  né à Saint Pétersbourg,  qui patine sur de la musique folklorique russe ? "Korobushka", mais interprété par Bond ? C'est Alexeï Krasnozhon, bien sûr. Son costume, noir pailleté,  ne va pas du tout avec le thème. Il attaque par un tripe Axel , suivi d'un triple Axel/double piqué, puis triple flip/double boucle piqué et double Axel. Je n'arrête pas de me dire qu'il aurait dû choisir une tenue avec une veste rouge et blanche... Triple flip/triple boucle, combinaison réussie sans être exceptionnelle, puis triple Lutz mal réceptionné et triple Salchow. Ce libre aura vraiment été en demi-teinte pour Alexeï. (6ème, 136.98, total 7ème, 211.03)

 

Pendant leur échauffement, tous les patineurs du second groupe sont salués par d'immenses clameurs. Hanuy, Cha et Jin rivalisent de sauts réussis,  pendant que Brezina et Kolyada avortent les leurs. Le Coréen Junhwan Cha, sur "Roméo et Juliette" par Craig Armstrong, se lance dans un quadruple boucle piqué qui couvre toute la patinoire, pour le plus grand plaisir de son coach, Brian Orser. Mais il chute sur un quadruple Salchow en sous-rotation. Triple Lutz/triple boucle, la musique accélère  et le public commence à taper dans ses mains en rythme. Cha est un bon danseur même s'il n'est pas hyper-dynamique et plutôt du style élève appliqué. Mais il n'est jamais raide et on devine qu'il ressent sa musique. Par contre, il ralentit considérablement avant chaque saut, d'où les sous-rotations de son triple Axel/double boucle piqué. Le triple Axel solo, lui, passe sans problème. La musique accélère de nouveau pour accompagner sa combinaison triple flip/Euler/triple Salchow, et triple boucle.  Le public scande encore le rythme pour saluer ses pirouettes ultra-rapides. Cha, un nom à retenir ! (3ème, 160, 37, total 3ème, 243.19)

 

Le Russe Andreï Lazukin a un contenu technique audacieux, avec deux quadruples boucles piqués. Il est connu pour réaliser de superbes quadruples Lutz à l'entraînement, mais il n'en a encore jamais réussi aucun en compétition. Les choses démarrent mal pour lui, sur le "Prélude en Do dièse" de Rachmaninov,  avec un double boucle piqué au lieu du quad annoncé. Il réalise cependant une bonne combinaison quadruple boucle piqué/triple boucle piqué. Il perd ensuite des points sur triple Axel/double boucle piqué, et retourne son triple Axel solo. Je le trouve lent comparé à Cha, il fait peu usage de sa musique et ne patine pas en rythme, ses mouvements ne respectent pas le tempo. Son style nous renvoie aux années 90. Triple flip/Euler/double Salchow (en sous-rotation), triple Lutz, triple boucle, la musique ne varie pas d'une note pendant tout le programme. Sur ces trois mêmes accords sans arrêt répétés, Patrick Chan retiendrait sans doute mon attention, mais après deux minutes de ce régime, Lazukin m'endort un peu. Et c'est vraiment dommage. A sa décharge, il passe son temps à travailler avec des débutants, jeunes et moins jeunes, afin de gagner sa vie. Il n'a pas le temps de s'entraîner correctement. On imagine pourtant aisément les progrès qu'il pourrait faire. A moins qu'il ne soit là à son maximum,  et qu'il n'y ait rien à regretter pour lui. (7ème, 135.68, total 6ème, 218.22)

 

Mikhail Kolyada bat largement son compatriote à l'applaudimètre. Hélas, il ouvre son programme sur "Carmen" par une chute sur son fameux quadruple Salchow (sous-rotation), ainsi qu'une autre sur son quadruple boucle piqué. Il est néanmoins beaucoup plus rapide que Lazukin. Mikhail a choisi une musique qui lui va bien au contraire d'Andreï,  et le public suit facilement cette mélodie très connue. Triple Axel/double boucle piqué et triple Axel après sa suite de pas. Puis triple boucle, triple Lutz/Euler, double Salchow et triple Lutz/double boucle piqué. Interrogé un jour sur la raison pour laquelle il ne tente jamais de flip, il a répondu à un journaliste qu'il partait systématiquement sur la mauvaise carre sans parvenir à se corriger et a donc fini par laisser tomber. Pourquoi prendre le risque d'être pénalisé ? Chose qui ne lui ressemble pas du tout : il trébuche deux fois dans sa suite de pas, alors que c'est, d'habitude, un de ses points forts. Ce n'est vraiment pas la fête de l'équipe russe aujourd'hui et le bilan des médailles à Helsinki se limitera à trois d'or, une d'argent et une de bronze. Ce qui n'est déjà pas si mal ! (4ème, 157.03, total 4ème, 238.79)

 

Le Chinois Boyang Jin patine sur "Hable con Ella" d'Alberto Iglesias. Son entrée est l'une des plus applaudies de la journée. Son contenu technique prévoit quatre quads. Il commence par un quadruple Lutz,  réceptionné si prêt de la barrière qu'il doit se freiner à la sortie. Il tombe sur son quadruple Salchow, pose les deux pieds à la réception du quadruple boucle piqué (en sous-rotation) et tombe une nouvelle fois. Rien ne s'arrange vraiment avec une combinaison quadruple boucle piqué/double boucle piqué (au lieu de triple) et une troisième chute sur son triple Axel (sous-rotation). Saut qu'il fait l'erreur de répéter, ce qui entraîne une série de notes négatives. Malheureusement son patinage ne rattrape pas l'impression d'ensemble qui est celle d'un garçon qui se précipité de saut en saut, sans tenir compte de la musique. Ce programme me rappelle un peu Nathan Chen dans sa première année, lorsqu'il insistait à passer tous ses quads sans les réussir. Triple Lutz/triple boucle piqué pour finir. S'il était propre,  ce programme semblerait sûrement moins vide et Jin pourrait rivaliser avec les Chen, Hanyu et Uno. Aujourd'hui n'était clairement pas son jour. (5ème, 141.31, total 5ème 227.28)

 

Voici enfin celui que tout le monde attend,  et la raison pour laquelle il y a, ce soir, trois vols depuis Helsinki pour le Japon : à destination de Nagoya, Tokyo et Osaka ! La production de Winnie l'Ourson a dû tripler là-bas ces derniers jours ! Yuzuru Hanyu a choisi cette année de patiner sur "Origin" joué par Edvin Marton, son hommage personnel à Evgeni Plushenko. Il réceptionne son premier quadruple (boucle) si bas qu'on se demande comment il peut s'en relever  ! C'est là qu'on voit l'homme d'expérience aux nerfs d'acier. Son quadruple Salchow est, par contre, très net. Triple boucle piqué, quadruple boucle piqué en sous-rotation avec une dangereuse flexion du genou et enfin la combinaison tant attendue... Tout le monde retient sa respiration. Quadruple boucle piqué/triple Axel en séquence ! Pas très nette, quelques points s'envolent. Mais en comparaison, son triple flip/triple boucle piqué paraît un jeu d'enfant, de même que son triple Axel/Euler/triple Salchow. Dans les tribunes, c'est la révolution. Ses fans sont prêts à se jeter sur la glace, accrochés à leurs peluches Winnie l'Ourson ! (1er, 190.43), total 1er 297.12). 

 

Comme prévu, Michal Brezina doit attendre plusieurs minutes avant que la glace ne soit débarrassée des centaines de nounours lancées à Yuzuru. On change de registre avec son medley de "I am a Man" du Spencer Davis Group et "Thunderstruck" d'AC/DC. Quadruple Salchow/double boucle piqué en hors d'oeuvre. Chute sur le triple Axel. Triple flip réussi. Lors de la conférence de presse, il nous dira que, comme le bon vin, il se bonifie avec l'âge...  Mais qu'il n'aime pas spécialement le vin ! Dans la seconde partie de son programme, après ses pirouettes et sa séquence de pas, il nous offre un triple Lutz, triple Axel/double boucle piqué, triple flip/double boucle piqué (invalide puisque déjà passé en combinaison)/double boucle et un dernier triple boucle piqué. Avec un peu d'aide de la part de Jin et Kolyada, Michal Brezina a enfin une médaille en Grand Prix ! (2ème, 164.67, total 2ème 257, 98, près de quarante points derrière Hanyu quand même...)

 

© S.I.G. - Sur place : Tanya Drubetskaya

Traduit de l'anglais par Kate Royan