© Cartina Finland
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Grand Prix d'Helsinki - 2.11.2018

Jour 1


Programme Court Couples

La compétition débute avec les Japonais Suzaki/Kihara. Le contenu de leur programme, sur l'immuable Malaguena, est ambitieux. Le saut parallèle prévu est un triple flip, malheureusement Suzaki tombe à la réception pendant que Kihara réussit la sienne. Leur triple Salchow lancé est en sous-rotation et Suzaki chute de nouveau à la réception. L'impression générale est un patinage un peu lent. A mes yeux, elle se tient de façon raide et je me demande où la fédération japonaise a trouvé, dans son pays,  une patineuse incapable de réceptionner ses sauts ! (8èmes, 46.22 points)

 

Le second couple sur la glace est espagnol, et lui aussi composé d'un homme expérimenté accompagné d'une toute nouvelle partenaire. Aritz Maestu a patiné précédemment avec Veronica Gregorieva, Marcelina Lech et Alexandra Rodriguez. Associé aujourd'hui à Laura Barquero, sur le thème de "Buona Sera Signorina" par Fred Buscaglione, le couple me rappelle Marchei/Hotarek. Une seconde avant l'entrée de leur saut parallèle, un triple Salchow, Maestu trébuche et tombe. Le saut lancé (triple flip) a peu d'ampleur mais est très bien exécuté. Leur porté est intéressant mais paraît un peu long. Aritz a eu l'habitude de soulever une jeune fille beaucoup plus costaud. Malheureusement, ils n'expriment pas grand chose sur leur musique et, à part leurs costumes et un sourire de temps en temps de la part de Laura, ils pourraient aussi bien patiner sur n'importe quel autre morceau. (7èmes, 50.91)

 

Le second groupe débute avec les jeunes Russes Daria Pavliuchenko et Denis Rhodykin. Pendant l'échauffement, ils nous ont offert de jolis sauts individuels et lancés,  et ils vont continuer pendant leur programme, sur "When Winter comes" d'André Rieu. Le triple boucle piqué est de bonne facture, suivi d'un triple flip lancé qu'elle tente de sauver. Mais elle pose une main sur la glace. Ils ont le potentiel pour devenir un de ces couples russes classiques, avec une technique solide et de belles lignes. Lui a quelques difficultés dans la séquence de pas et manque chuter plusieurs fois. Dans ce couple, c'est la demoiselle qui a des nerfs d'acier. En tout cas, il est agréable de voir patiner, dans une compétition internationale, un couple entraîné par Sergeï Dobroskokov. (3èmes, 63.80)

 

Ils sont suivis sur la glace par les Autrichiens Miriam Ziegler et Severin Kiefer. Miriam remporte mon oscar décerné à la plus belle robe. Le costume de Severin, avec le même motif,  est plus banal. Leur programme, sur "Fortitude" de Haevn,  ressemble à quelque chose que pourrait patiner Savchenko/Massot... mais sans Savchenko/Massot ! Les Autrichiens ne sont pas de ce niveau et souffrent de la comparaison. Le triple boucle piqué parallèle passe bien, leur patinage est correct,  tout comme leurs éléments, à l'exception d'une main posée par Miriam à la réception du triple flip lancé et d'un faux pas pour lui dans la séquence. On ressent même de l'émotion mais impossible de ne pas penser à Savchenko/Massot dans leur libre de 2017, même genre de musique, même couleur de costume. Le couple est bon, sans être exceptionnel et le programme semble ne jamais vouloir finir. Cependant, leur prestation reste, jusque là,  une des meilleures de la soirée. (4èmes, 62.69)

 

Les Italiens Nicole Della Monica et Matteo Guarise sont accompagnés de Nina Mozer, qui disait pourtant dans une récente interview ne plus vouloir aller aux compétitions ni même être entraîneur. Il semble qu'elle ait changé d'avis, du moins temporairement. Nicole arbore un costume "catsuit" d'une seule pièce qu'elle seule est capable de porter avec grâce. Il en faut de l'expérience pour s'exprimer sur une telle musique - "Never Tear Us apart" de Joe Cocker - bien plus que pour un banal "Carmen" par exemple. Nicole retourne son triple Salchow parallèle mais ils sont tous les deux à l'aise sur la glace, c'est encore leur expérience qui parle. L'entrée de leur twist n'est pas particulièrement réussie mais la réception est OK. Pareil pour l'entrée vacillante de leur triple boucle lancé, compensée par un atterrissage parfait. Ils sont les seuls de la soirée à sembler prendre du plaisir,  et à être vraiment dans la glace. Ce qui ne les empêchera pas de trébucher dans la séquence de pas, mais tant pis ! Cerise sur le gâteau, ils seront ce soir le seul couple à effectuer leur pirouette en musique. (1ers, 68.18)

 

Nina Mozer ne bouge pas d'un centimètre puisqu'elle est également là pour le couple suivant, les Russes Zabijako/Enbert. Ils ont expliqué, en début de saison, à quoi correspondait leur programme, comme si tout le monde avait besoin d'un livret de cinq pages pour déchiffrer leur thème "Alexandre Nevski" par Prokofiev : un chevalier teutonique combat un chevalier russe. Le fin mot de (leur) histoire est qu'Enbert est en effet russe, quand Zabijako est originaire d'Estonie. Mon voisin me demande pourquoi de la peinture a explosé sur sa robe telle une bombe nucléaire... Le changement le plus visible chez ce couple est la coiffure de Natalia. Plus de queue de cheval, remplacée par un style lisse, brillant et élégant. Autre progrès : ils ont acquis de la confiance. Ils n'ont plus à se cacher derrière Volosozhar/Trankov ou Tarasova/Morozov et on clairement pour but de devenir le couple russe numéro 1. Pour Enbert, il était temps, puisqu'il hésitait à rester pour un autre cycle olympique. Leur premier élément, le triple twist, a une ampleur phénoménale, la marque de fabrique des équipes entraînées par Nina Mozer. Mais Alexander tombe sur le triple boucle piqué parallèle. Apparemment  l'Estonie gagne la bataille... Leur triple boucle lancé est phénoménal lui aussi, Natalia semble capable de garder le contrôle, quelle que soit la façon dont il la projette dans l'espace. Dans la patinoire, le son de la musique est un peu agaçant, répétitif. Ils sont, de loin, le couple le plus rapide de la compétition, et ont les meilleurs bases et "skating skills". Mais si je devais regarder un des programmes de la soirée en boucle, ce serait celui des Italiens. Je suis obligée d'admettre que le couple russe gagne à être vu en vidéo plutôt qu'en live. (2èmes, 67.59)


Programme court Dames


Pendant l'échauffement, Daria Panenkova nous remet en mémoire à quel point les doubles Axels appris chez Eteri Tutberidze sont atroces. Au contraire de Medvedeva, Panenkova n'a rien amélioré de sa technique en changeant de coach (pour Anna Tsareva). La compétition dames est lancée avec la Coréenne Hanul Kim et son très joli triple Lutz/triple boucle piqué, sur "River flows in You" de Yiruma. . Son triple flip est lui, légèrement en sous-rotation. Soit exactement la même chose que pendant les six minutes, elle est coutumière du fait. Son patinage est cependant doux, et s'il n'est pas spécialement rapide, il est très agréable à regarder. Son triple boucle est suivi d'un double Axel, élan pris pendant un grand aigle. Ses réceptions sont effectuées avec le genou plié très bas, un peu comme le Canadien Keegan Messing. (8ème, 55.38)

 

Au tour de Daria Panenkova, au son de "Skyfall" par Adele. Elle a beaucoup grandi depuis l'an dernier mais sa technique de sauts reste la même. Comme toutes les élèves passées chez Tutberidze, elle réalise ses sauts en "Tano" ou "Rippon" (un ou deux bras en l'air). Ce qui finit par être lassant. Ses sauts seront bons, sauf le double Axel et une sous-rotation du triple boucle piqué qui suit, en combinaison, son triple Lutz. Si les sauts sont corrects, elle manque cependant de bonnes bases techniques et ses mouvements sont un peu brouillons. On dirait qu'elle ne va jamais au bout de ses mouvements, comme s'il lui manquait une fraction de seconde pour les terminer. A la fin de son programme, des fans un peu trop zélés l'ont arrosée de fleurs qu'elle reçoit presque sur la tête ! (6ème, 58.23).

 

Dès ses premiers pas, la Finlandaise Emmi Peltonen fait preuve d'une bien meilleure glisse que les patineuses qui l'ont précédée. Elle entame son programme, sur "Caruso" de Lucio Dalla interprété par Jacki Evancho, avec une combinaison triple boucle piqué/triple boucle piqué et un léger touché sur le second saut. Elle pose ensuite la main sur la glace à la réception du triple boucle. C'est la première patineuse, ce soir, à utiliser vraiment le haut de son corps et ses bras. Je ne sais pas si elle a suivi une formation de danseuse de ballet ou s'il s'agit de sa grâce naturelle. Mais en tout cas, elle est très jolie à voir patiner. Un double Axel très propre complète ses sauts. 

 

La seule Américaine engagée dans la compétition est Angela Wang.  Tout le monde attend beaucoup d'elle, ne serait-ce que parce qu'elle est coachée par Ravi Walia, entraîneur de Kaetlyn Osmond, championne du monde en titre. Elle commence son programme par un flip avorté, suivi d'un triple boucle/double boucle piqué sorti un peu de nulle part. La musique, "Praying" par Kesha,   a du mal à s'accommoder des amplis de la patinoire, le son est plus assourdissant que puissant. Le fait qu'Angela patine clairement à contre-rythme sur un morceau où les battements sont pourtant très clairs, n'aide en rien l'aspect général du programme. (9ème, 53.76)

 

La dernière patineuse de ce groupe est une autre locale de l'étape, Viveca Lindfors, qui, jusque là, à effectué une excellente saison. Elle attaque son programme ("Wishing you were Somehow Here Again" d'Andrew Lloyd Webber) avec un très ample triple Lutz qu'elle est hélas incapable de contrôler. Elle enchaîne avec un triple flip/double boucle piqué pas mieux maîtrisé. Elle m'a parue plus lente que Wang et Peltonen. Son double Axel est aujourd'hui un défi à l'attraction terrestre, mais la réception est propre. Apparemment les lois de la physique ne sont pas un problème pour elle ! (10ème, 52.95)

 

Le dernier groupe des dames comprend la championne olympique Alina Zagitova, dont la fiche technique prévoit une combinaison triple Lutz/triple boucle.  C'est la Japonaise Rika Hongo qui ouvre les hostilités. A voir le nombre de drapeaux japonais dans les tribunes, on pourrait croire qu'Hanyu, qui patinera demain,  est déjà sur la piste ! Comme d'habitude, Rika est très énergique. Son costume cette année dissimule plutôt bien sa mauvaise tenue de corps. Un triple boucle piqué/triple boucle piqué en sous-rotation sur les deux sauts, une chute sur le triple flip et la musique passe à la très familière B.O. du film "Kill Bill", ce qui me fait regretter Lipnitskaïa, mais contribue à  réveiller l'audience. Après un double Axel propre, Rika entraîne le public dans une séquence de pas endiablée, façon dance club. Sa chorégraphie est géniale. Si Rika n'est pas la patineuse la plus élégante, elle a par contre du dynamisme et de la puissance et son programme, tout comme celui qu'elle patinait sur de la musique irlandaise, souligne indéniablement ces deux qualités. Trop d'erreurs la classent hélas 11ème et dernière avec 51.11 points. 

 

Yuna Shirawa qui lui succède sur la glace, alors qu'elle attend derrière la barrière,  se retrouve "attaquée" par un bouquet de fleurs lancé à sa compatriote ! Elle commence par un très rapide triple Lutz/triple boucle piqué qu'elle a déjà passé de façon nette à l'échauffement. Elle met un peu trop d'énergie à l'entame de sa pirouette ce qui manque lui faire perdre son axe, mais elle se reprend très vite.  Sa séquence de pas, très "fun" et pleine d'énergie fait taper le public dans ses mains en rythme. Son double Axel couvre quasiment la moitié de la patinoire à l'horizontale ! Si ses pas paraissent un peu lents, elle marque pourtant chaque accent de la musique, une musique rapide - "Nightmare" par All Aboard- qui ne va pas vraiment avec son style de patinage. Mais elle nous gratifie d'un superbe triple boucle et gagne vraiment le coeur du public. Pour moi, Shirawa est un nom à retenir. (2ème, 63.77)

 

Loena Hendrickx, qui,  avec son frère Jorik, ont lancé la Belgique dans la sphère internationale du patinage, est la suivante à se présenter. Elle entame son programme,  sur "It's All coming Back to Me Now" de Céline Dion, avec un triple Lutz "Rippon"/triple boucle piqué qui prouve qu'elle n'est pas une obscure patineuse européenne, mais une concurrente avec qui il faut compter. Un double Axel propre et un triple flip retourné complètent sa liste de sauts. Si l'on considère les conditions dans lesquelles elle s'est entraînée depuis les Jeux Olympiques, elle est probablement la patineuse la plus méritante de la journée. Jolies pirouettes, belle souplesse, super sauts, l'impression générale est excellente. (3ème, 63.17)

 

Alina Zagitova entame sa seconde saison junior et est la première médaille d'or des trois derniers Jeux Olympiques à continuer de concourir. Elle a beaucoup à prouver : qu'elle n'a pas été la championne d'une seule saison, et que son entraîneur, Eteri Tutberidze,  est capable de faire quelque chose d'une jeune fille qui a passé la puberté. Elle a beaucoup grandi depuis l'an passé et le pois sauteur est devenu une très belle jeune femme. Le thème de son programme est "le Fantôme de l'Opéra", pas le plus original des choix,  et le montage de la musique frise le ridicule. Elle débute avec un triple Lutz/simple boucle, dommage puisqu'elle a réussi plusieurs fois triple Lutz/triple boucle lors de l'échauffement. Peut-être a-t-elle voulu imiter sa compatriote Evegenia Medvedeva qui a dégringolé dans le classement du programme court au Skate America, pour ensuite gagner le libre et conserver une chance de se qualifier pour la Finale du Grand Prix. L'an passé, Alina s'est battue pendant tout le début de saison avec une entrée dans son double Axel depuis une spirale, sans réussir à maîtriser le tout si bien que cet exercice délicat a ensuite été modifié pour une entrée moins compliquée. Aujourd'hui, elle l'exécute sans problème. Son triple flip "Rippon", ultra-net, est suivi de pirouettes rapides et bien positionnées,  même s'il me semble qu'elles étaient encore plus rapides l'an dernier. (1ère, 68.90)

 

Kaori Sakamoto remporte la palme de la plus belle robe de la soirée. Son premier saut, un triple flip, se solde par une chute,  mais est suivi d'un très bon double Axel. Elle essaie ensuite d'ajouter un triple boucle piqué au triple boucle de son programme, mais chute, probablement en sous-rotation. Elle se bat néanmoins sur tous les éléments sans se décourager. L'expression de son visage à la fin de sa prestation ne laisse aucun doute sur ce qu'elle en pense : ce n'est pas ce qu'elle avait l'intention de réaliser. (7ème, 57.26)

 

Dernière patineuse de la soirée, Stanislava Konstantinova et sa "Malaguena" (encore une...) ont un boulevard devant elles, celles qui les ont précédées ayant fait assez d'erreurs pour la laisser gagner,  à condition qu'elle effectue un programme "clean". Combinaison d'entrée : triple Lutz/triple boucle piqué. Le premier saut est un peu hésitant en réception,  mais suffisamment bien posé pour être enchaîné avec le second, très propre. J'aimerais seulement qu'elle passe un peu moins de temps à patiner sur deux pieds. Après un bon double Axel, la musique accélère et son triple flip, en sous-rotation, la conduit à la chute. A croire que Stanislava a décidé de laisser la place d'honneur à la championne olympique ! Il reste quelque chose de très junior dans sa façon de patiner. bien qu'elle ait déjà effectué une saison en catégorie seniors. Ses jambes semblent ne pas être assez rapides pour le reste de son corps, et ses séquences de pas ne sont pas assez rapides. (4ème, 62.56). 

 

Ce court dames était le genre de compétition que personne ne semblait vouloir gagner ! Un peu comme le libre hommes des Jeux Olympiques de 2014 : la première a été celle qui a fait le moins d'erreurs. 

 

© S.I.G. - Sur place : Tanya Drubetskaya

Traduit de l'anglais par Kate Royan