© I.S.U.
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Championnats de France Elite 2018

15 décembre

Libre Couples - Nouveau titre pour James/Ciprès


240.97 ! C'est le score final de Vanessa James/Morgan Ciprès qui réalisent ici un libre magnifique. Une semaine après avoir remporté la Finale du Grand Prix, ils auraient pu "assurer" leur programme.  Que nenni.  Ils ont tout donné, et ne semblent même pas fatigués. Pourtant ils doivent l'être !  Tous les éléments techniques sont en GOEs positif,  entre +3 et +5. Seuls  la spirale de la mort et le dernier porté sont "seulement" de niveau 3.  Comme depuis le début de saison, ils sont pénalisés  d'un -1 pour dépassement de temps, ce qui n'est pas trop gênant ici, mais risque de le devenir dans les échéances internationalesLeur chorégraphie sur "Wicked Game" nous tient en haleine du début à la fin, on reste sous le charme. Hâte de les retrouver aux Championnats d'Europe a Minsk !

 

Leur dauphins sont les juniors Cléo Hamon/Denys Strekalin (154.45) avec un début de programme qui leur permettrait de bien se classer aux championnats d'Europe : triple twist niveau 3, un triple boucle lancé superbe. Denys commet une petite erreur à la réception du double axel (main) et Cléo chute sur la triple Salchow lancé. Mais leur interprétation de "Hunger Games" est très agréable a suivre.

 

Camille Mendoza/Pavel Kovalev sont sur la 3ème marche du podium avec un score de 129.40. Ce championnat aura été un peu difficile pour eux :  deux chutes de Camille sur un triple Salchow solo et sur un double Salchow lancé (chute très lourde,  Pavel doit l'aider à se relever), auxquelles s'ajoute un porté avorté.  Dommage car leur programme sur "What love can Be" de Kingdom Come est très sympa.

 

© S.I.G. - Sur place : Julien Levacher



© S.I.G. - Patrick Cannaux
© S.I.G. - Patrick Cannaux

Libre Hommes - Kevin et l'Arc en Ciel


Romain Ponsart, sans surprise, est forfait. Nous lui souhaitons un prompt rétablissement !

 

Le calvaire continue pour Philippe Warren qui ne sera pas, aujourd'hui, "The Greatest Show Man", chanson de Hugh Jackman sur laquelle il a choisi de patiner. Ca n'allait déjà pas fort dans le programme court, c'est encore pire dans ce libre où presque tout est raté. Les seuls éléments sur lesquels il n'obtient pas de notes négatives sont la pirouette allongée avec changement de pied (à 1 et 2) et un double boucle (à 0 et +1). Deux sur douze c'est très peu et il est capable d'infiniment mieux. Impossible de lui mettre la main dessus pour lui demander s'il est malade, blessé ou simplement sous-entraîné, nous n'en saurons donc pas plus long... Il est 9ème avec 101.82 points et un total général de 162.24.

 

Davide Lewton-Brain reste dans le registre "crooner" qu'il affectionne avec "It Had to Be You" de Harry Conninck Jr. Si le programme est sans grande originalité, il vaut quand même à son auteur de grappiller deux places par rapport au court (celle laissée vacante par Romain Ponsart ne compte pas). Il passe du 9ème rang au 6ème avec 115.27 et un total de 176.86.

 

Il devance ainsi Tom Bouvart 7ème (110.87/172.87) et Xavier Vauclin 8ème (107.95/170.67). Le Grenoblois, élève de Yoann Deslot, a compilé deux morceaux très différents pour ce programme libre : un chant polyphonique corse interprété par Petru Gelfucci et "Escape from Slavery" de P.P. Music. Les deux sont très prenants mais, à mon avis, ne vont pas très bien ensemble. Et Xavier s'en sort beaucoup moins bien qu'au court, avec de nombreuses erreurs qui vont rapidement miner son score. Le compteur des -5 vire au rouge pour son triple Lutz et sa combinaison double Axel/Euler (en sous-rotation)/triple Salchow. Le flip passe en simple, le triple boucle n'est suivi que d'un simple boucle piqué. Seuls sa combinaison triple flip/double boucle piqué et son triple Axel solo sont réussis. Même style de problème pour Tom qui tombe sur sa combinaison triple Lutz/double boucle piqué, rate un triple Lutz solo et triple boucle piqué/Euler (incomplet)/double Salchow. Ils ont heureusement, tous les deux, de bonnes pirouettes et de bonnes séquences de pas. 

 

Landry Le May était bien parti avec un court très réussi (4ème), mais les choses se gâtent pour lui dans ce libre. Sur le pétillant "Mr Bojangles" version Robbie Williams, il enchaîne les erreurs sur tripe Axel, triple flip (erreur de carre), triple boucle. Preuve que les juges ne voient pas tous la même chose, sa combinaison double Axel/Euler/triple Salchow voit ses notes s'étendre de +3 à -3. Le seul consensus intégralement positif va à sa séquence de pas niveau 3. Il perd une place pour terminer 5ème du libre et du classement final (118.67/189.57).

 

Luc Economidès fait partie des patineurs qui ont "une âme". Ou plutôt qui la montre, ses concurrents n'en étant pas dépourvus, mais pas tous prêts à l'exploiter sur la glace. "Un Amor" des Gypsy Kings lui va parfaitement, et montre, après Nina Simone dans le court, une autre facette de sa personnalité. Il est plus expressif, plus véloce. Il lui faudra à l'avenir se rappeler qu'un triple Axel loupé d'entrée ne se replace pas dans le programme si l'on veut éviter le couperet du "REP" et la ligne de -5, nouvelle bête noire du patineur. Le triple flip est réceptionné sur la mauvaise carre et le boucle passe en simple (et une ligne de 0, une !) mais tout le reste est bon : triple Salchow, triple Lutz et même triple Lutz/Euler/double Salchow un peu chahuté sur les bords... Digne poulain d'Amodio, il nous gratifie d'une séquence de pas absolument superbe. Il termine 5ème (122.35/190.16).

 

En règle général, je n'aime pas que les patineurs conservent un même programme d'une saison sur l'autre. Je fais exception pour Adrien Tesson et "I Found Love" d'Amber Run. La musique est tellement belle et il l'interprète tellement bien... C'est pour moi, avec le libre d'Aymoz, la deuxième "séquence frissons" de ce libre. Adrien ne peut néanmoins se retenir de faire quelques bêtises. Il était bien tenté et bien parti ce quadruple boucle piqué pourtant... mais, en sous-rotation,  il le réceptionne parterre. Le problème des chutes sur le premier saut est qu'elles vous conditionnent souvent mentalement pour la suite, et rarement en positif. La combinaison triple Axel/double boucle piqué passe bien ;  le triple boucle est moyen mais tenu ; la pirouette combinée avec changement de pied et la séquence de pas, toutes deux de niveau 4, sont de bonne qualité. Mais... Simple Axel. La combinaison triple Lutz/double boucle piqué vacille et il y a "trop de pieds" à la réception. Triple Lutz/Euler/triple Salchow : base-value 11.77, GOE : 0. Aïe. Triple boucle/simple boucle piqué ?? Nooon ! Elément invalide et REP. Adrien a du mal à se reprendre, sa Camel Spin faseye comme une voile par grand vent, mais il termine sa prestation avec une jolie pirouette sautée assise. Dommage que la technique fasse souvent défaut à ce garçon si sensible et artiste. Il est tout de même sur le podium pour la première fois à ces Nationaux, avec une médaille de bronze et 134.09 pour le court/204.61 au total. 

 

Très romantique version de "Take Me To Church" (Hozier), revisité par Maxime Rodriguez,  avec de belles parties instrumentales pour Adam Siao Him Fa. Voici la preuve, si besoin était,  qu'il peut s'exprimer sur des thèmes musicaux très différents. Il nous offre, d'entrée, deux jolies réussites avec quadruple boucle piqué/triple boucle piqué et tripe Axel/double boucle piqué. Oh, un simple Axel... Pas grave, même si la pirouette qui suit s'en ressent un peu. Quadruple boucle piqué ? Pas de chute mais l'élément lui vaut des GOEs négatifs. Le triple Lutz/Euler/double Salchow, comme le triple boucle qui suivent, sont propres. Il commet une faute de carre sur le triple flip mais rien ne l'empêchera d'empocher le titre de vice-champion de France senior, alors qu'à 17 ans pour encore un mois et demi, il est toujours junior (152.13/226.36).

 

Aux points, Kevin Aymoz est loin, très loin devant ses compatriotes. 35.89 de mieux qu'Adam, qui pourtant l'avait mathématiquement battu aux Masters bien que n'étant pas dans la même catégorie (231.12 contre 214.85). Mais le quasi régional de l'étape - Grenoble et Echirolles ne sont pas loin - ne faisait qu'entamer sa saison et le programme, comme le patineur, ont mûri rapidement. Il y a eu le Skate Canada (7ème), les Internationaux de France (5ème). Kevin a aujourd'hui le vent en poupe. Je ne répéterai jamais assez à quel point "In This Shirt" des Irrepressibles lui va bien. Il est rare de voir un patineur vivre ainsi sa musique sur la glace, y mettre tout son coeur et ses tripes. Un vrai bonheur ! Du coup, le coeur et les tripes, ce sont les nôtres qu'il prend. Toute la palette des émotions y passent, comme les couleurs de l'arc en ciel. Quadruple boucle piqué "by the book", quatre GOE à 3, un à 4. Passons  sur le triple Lutz/double boucle piqué en négatifs... Le triple Axel/double boucle piqué est très bien réalisé, le triple boucle beaucoup moins..., le triple Axel solo est ma-gni-fique (une ligne entière de 4 !) On s'accroche à nos sièges sur le triple Lutz/Euler.../ simple Salchow, mais c'est reparti avec un triple flip superbe (et bonifié puisque placé en seconde partie de programme) et d'excellentes notes sur les éléments restants. Du grand Kevin ! Oui, mais non, on se moque qu'il ne mesure qu'un mètre soixante. S'il faisait dix centimètres de plus avec un centre de gravité beaucoup plus haut, il n'aurait pas cette légèreté de plume, cette profondeur de carre, et cette glisse, ce touché de glace tout en finesse. Il remporte très logiquement ces championnats,  et empoche un second titre, après celui de 2017). Son "Season Best" était jusque là de 231.16 (Internationaux de France 2018). Même si l'échelle n'est pas la même qu'à l'international, il l'explose littéralement avec 262.65 (167.25 pour le libre). De quoi nourrir de gros espoirs pour les Championnats d'Europe qui se profilent fin janvier 2019. 

 

© S.I.G. - Sur place : Kate Royan



© S.I.G. - Patrick Cannaux
© S.I.G. - Patrick Cannaux

Danse Libre - De l'art et de l'émotion


Je vais finir par aimer Rachael Yamagata... Ce n'était pourtant pas gagné au départ ! Mais Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron sont, en fait, capables de me faire aimer n'importe quel genre musical, y compris ce que je n'écouterais pas forcément hors glace. Et hors Papadakis/Cizeron... Les deux morceaux choisis sont à leur image : sobres, épurés. Peu d'instruments, pas d'artifices. La première mélodie est intimiste.  La deuxième, au rythme plus marqué, est tendre,  mélancolique. A écouter les paroles, on se dit qu'on ne doit pas se rouler parterre de rire tous les jours aux côtés de l'auteur et interprète. Peu importe. Gabriella et Guillaume s'approprient sa musique pour en faire un moment de poésie qui ne ressemble qu'à eux.  Et qui n'a rien de triste. Il y a une telle douceur, une telle maturité dans leur patinage. Les gestes coulent comme de l'eau, les lames ne font pas un bruit. On dirait qu'ils ne touchent plus terre et, happé par le flot, impossible de ne pas être emporté, même lorsqu'on aimerait garder un oeil critique sur l'ensemble. On oublie... On oublie qu'il y a une technique, des transitions complexes, des portés risqués. Les regarder est grisant comme un alcool fort, envoûtant, un peu traître. L'osmose entre les partenaires, entre la musique et la gestuelle,  vous hypnotise. +5 est la note de GOE parfaite. Ils en obtiennent trente-quatre sur cinquante, et les seize restants sont des +4. Dix-huit 10 en composantes sur 25, et rien en dessous de 9.75. Le public se lève d'un seul bloc pour leur offrir une standing ovation, leurs concurrents applaudissent à tout rompre, leurs fans essuient, comme d'habitude, une furtive larme d'émotion. S'il n'y a aucune surprise à voir Papadakis/Cizeron devenir champions de France pour la cinquième fois consécutive (135.06/220.95), il est, par contre, toujours aussi magique d'assister à leurs formidables performances. 

 

On passe à un tout autre registre avec Marie-Jade Lauriault et Romain Le Gac. Après Queen l'an dernier, Bruno Mars. Comme d'habitude, ça déménage. Pardon mais il n'y a pas d'autre mot. Pas de temps mort, même dans la partie moins rapide, mais une nouvelle chute, comme dans la danse rythmique, qui leur vaut un point de déduction. J'admire la façon dont ils tirent parti de leur physique énergique, sans tomber dans l'acrobatie à outrance, même si l'ensemble est et sera toujours athlétique. C'est leur marque de fabrique, leur registre.  Suite à l'évolution de la notation, il a fallu, cette année, se familiariser avec de nouveau codes pour déchiffrer les protocoles. "OFStL2+OFStM2", ça vous parle ? Pas encore, mais vous allez vous y faire, vous verrez. Il s'agit de la séquence de pas sur un pied (OFS pour "one foot sequence"). Elle est de niveau 2 pour "L" (lady) ainsi que pour monsieur ("M"). [La nouvelle notation laisse en effet la possibilité de mettre des niveaux différents aux deux danseurs]. "SyTwL3+SyTwM4" : série de twizzles synchronisés. Ici Marie-Jade obtient un niveau de moins que Romain. "RoLi4+RoLi4" : le porté rotationnel est, lui aussi, classifié individuellement. Et le couple obtient de très jolis +5 en GOE pour le leur. Leur score de composantes (49.30) est, comme souvent, largement inférieur à leur TES (49.30), seul désavantage de leur patinage ultra-tonique. Exemples de régularité eux aussi, ils sont vice-champions de France pour la quatrième fois consécutive (107,60/178.95).

 

La surprise du jour vient de Wagret/Souquet qui coiffent au poteau Galyavieva/Thauron dans la danse libre qu'ils terminent 3èmes, avec 96.76. Mais leur total de 153.66 ne leur permet pas de leur ravir le bronze. Adelina et Louis, forts de leurs 3 points et demi d'avance dans la danse rythmique, conservent leur 3ème place au classement général (94.40/154.89). J'ai une petite préférence pour la musique de Pierre et Julia, "Must have Been Love" par Maria Mena (orchestration plus délicate et romantique que la version originale de Roxette en 1987) par rapport à une B.O. d'Amélie Poulain déjà beaucoup entendue. Côté patinage, la petite préférence va cette fois à Adelina et Louis pour leur glisse fluide et leur plus grande aisance d'expression. Mais les deux couples, récemment formés, ont énormément progressé en très peu de temps, ce qui est d'excellente augure pour le futur de la danse sur glace française. 

 

© S.I.G. - Sur place : Kate Royan