© SIG-Myriam Cawston-Myriography
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Romain Ponsart - Nouvelle vie au Colorado


Monument, Colorado.  La petite ville (5000 habitants), se situe sur l'Interstate 25 qui relie Denver à  Colorado Springs. Calme et simple, loin des grandes stations huppées comme Aspen ou Snowmass, au pied des premiers contreforts des Rocheuses, Monument (qui tient son nom d'une concrétion rocheuse)  est posée sur les hauts plateaux au milieu de collines et prairies caillouteuses. Il y a un peu plus d'un an, Kori Ade, connue pour entraîner l'Américain Jason Brown depuis l'âge de cinq ans, y installe  sa "7 K International Skating Academy", au Colorado Sports Center, sur Old Denver Road. Il s'agit du centre d'entraînement sur glace le plus haut des Etats-Unis : 7K pour 7000 pieds, soit environ 2130 mètres. Romain Ponsart l'a rejointe il y a moins d'un mois, ainsi que son équipe composée de Rohene Ward, directeur artistique, Heather Aseltine directrice administrative, et aussi de Vincent Restancourt, trois fois médaillé aux Championnats du Monde Juniors et le premier Français à avoir réussi un quadruple saut en compétition, à l'âge de 17 ans. Une collaboration qui devrait se poursuivre jusqu'aux prochains Jeux Olympiques. 

- Bonjour Romain. Vous venez de participer aux championnats de France Elites et à plusieurs galas. En plus de votre nouveau rythme de travail aux US, vous n'êtes pas trop crevé ? 

C'est vrai que c'est un train de vie fatigant, toujours dans les transports, faire et défaire les valises, mais je fais ce que j'aime donc je ne me plains pas. Là [NDLR : 24 décembre] je rentre deux jours à la maison pour Noël, je vais pouvoir me reposer !

 

- Depuis un mois, vous vous entraînez à la 7K Academy, un centre créé et co-dirigé par Kori Ade. Pouvez-vous nous décrire une journée typique de votre entraînement ?

Pour le moment une journée typique c'est réveil à 6h45, départ à 7h20 pour la patinoire. Une fois sur place, les journées sont toujours différentes. Certain jours on commence par de la glisse avec Rohene Ward, d'autres jours je vais attaquer directement par de la technique sur les sauts avec Vincent [Restencourt]. On enchaîne des séances différentes. J'ai une pause pendant midi et ensuite beaucoup de travail foncier avec Kori. Je quitte la patinoire vers 17h. 

 

- La plupart des athlètes français, tous sports confondus, qui s'entraînent aux US disent que la somme de travail à effectuer là-bas est très supérieure à ce dont ils avaient l'habitude en France. Vous êtes d'accord ?

Oui, tout à fait. C'est surtout un autre mode de travail et une autre mentalité. Et j'aime beaucoup la façon dont ils travaillent.

- Monument et la 7K Academy sont situés à 2130 mètres d'altitude. C'est encore plus haut que Courchevel où vous aviez vos habitudes d'été. Vous arrivez à respirer ? :-)

Je dois avouer que la première semaine a été assez difficile. Je faisais mes programmes mais j'avais l'impression de ne pas pouvoir respirer, la tête me tournait et j'avais de grosses courbatures ! En plus, quand je suis arrivé là-bas je n'avais pratiquement pas patiné depuis le Bompard, j'avais juste effectué deux petits entraînements, chez moi,  à la patinoire de Charleville-Mézières. On a été obligés de rentrer directement dans le vif du sujet pour essayer de présenter quelque chose de correct aux championnats de France. 

 

- Comment décide-t-on de partir travailler Outre-Atlantique ? Avez-vous eu le temps de réfléchir ou c'était plutôt du style, je fais ma valise et hop j'y vais ?

Je ne m'attendais pas du tout à partir aux USA... Quand la collaboration avec Brian a pris fin, je ne savais pas trop quoi faire. Raccrocher les patins ? Me donner une dernière chance à Bercy ? La Fédération m'a dit que je ne pouvais pas revenir au pôle avant janvier, qu'il y avait tellement de monde que les heures étaient complètes, que Claude [Péri-Thevenard] ne pouvait pas s'occuper de tout le monde. Je suis rentré chez moi. Une semaine plus tard, j'ai reçu un appel de Vincent Restancourt qui me proposait de venir m'entraîner à la 7K Academy ! Là, je me suis posé les bonnes questions ! Et forcément j'ai accepté sans hésiter. C'est une chance incroyable de pouvoir travailler avec cette équipe et un patineur comme Jason Brown. Mais le temps était compté, on était seulement à trois semaines des Elites, alors j'ai sauté dans un avion !

 

- Qui sont vos "collègues" d'entraînement en plus de Jason Brown ?

Mariah Bell, Jordan Moeller, Ben Jalovick, Courtney Hickx parfois, et bien sûr Jason. Et d'autres mais je ne connais pas encore tous les noms !

 

- Quel est le rôle de Vincent Restancourt auprès de vous ?

La technique ! On travaille surtout sur le quad, souvent je fais une séance avec Vincent et ensuite on passe aux programmes avec Kori.

 

- Vincent dit de vous que vous êtes motivé et passionné par votre sport. Quel est votre moteur principal, qu’est-ce qui vous fait avancer ?

Je prends juste du plaisir à patiner, j'essaie toujours de me dépasser, c'est ça mon moteur.

© SIG-Myriam Cawston-Myriography
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- La blessure qui vous a tenu éloigné des patinoires en 2013/2014 est-elle définitivement guérie ?

Oui, je n'ai plus aucun problème, c'est vraiment du passé maintenant. ENFIN ! Cette blessure aura traîné très longtemps...

 

- Que considérez-vous comme votre point fort sur la glace, aussi bien techniquement que mentalement ?

Mon point fort reste mon artistique, et mentalement, le soutien de mes proches et du public restent la meilleure chose ;-)

 

- Et à l'inverse, votre point faible ?

J'ai plus de mal qu'avant à gérer mon stress...

 

- On vous voit régulièrement patiner sur de grands thèmes classiques. C'est votre truc ou c'est un choix de votre encadrement ?

Je commence à me lasser un peu du classique... J'ai du mal à prendre du plaisir sur mon programme long cette année, donc je ne pense pas reprendre un classique l'année prochaine. Il y en a un que j'apprécie quand même particulièrement, c'est la Tosca, mais je l'ai déjà patiné. Mais oui, souvent c'est moi qui choisis. On me soumet plusieurs musiques et je prends ma préférée.

 

- Y a-t-il une chanson, une mélodie, un thème sur lequel vous rêveriez de patiner ?

Non, pas spécialement. La seule chose dont je rêve, c'est de faire un sans faute sur une grande compétition et de finir avec la foule debout ! Ca, ça me fait rêver !

 

- Hors glace, qu'écoutez-vous comme musique ?

De tout ! Du rap, comme de la pop, de vieilles musiques. Après, j'avoue avoir une petite préférence pour Chris Brown.

 

- Y a-t'il un élément, un saut que vous aimez particulièrement réaliser, et, au contraire, un autre que vous détestez ?

Je déteste le boucle ! Et la meilleure sensation reste le quadruple, il donne l'impression de voler, j'adore ! 

 

- Lorsque vous avez quitté Poitiers, il a de nouveau été question, dans la presse, sur les réseaux sociaux et les forums, de vous voir patiner en couple. C'est un changement qui vous a un jour tenté, ou c'est une simple rumeur basée sur votre taille et votre largeur d'épaules ? ;-) [Romain mesure 1m82]

Il n'a jamais été question que je fasse du couple ! Ce n'est vraiment pas une discipline qui m'attire. Je ne sais pas d'où vient cette rumeur, mais il n'en est pas question ! Ces derniers temps j'ai lu des choses à mon sujet dans la presse et sur les réseaux dont, même moi, je n'étais pas courant...

 

- C'est un avantage ou un inconvénient d'être grand quand on est un patineur individuel ?

Je pense que c'est un inconvénient pour les sauts. Il est plus facile pour un petit gabarit de rattraper un saut parti de travers. Mais être grand est un avantage pour le côté artistique. 

 

- Le patinage, vous y êtes venu comment ?

J'ai commencé quand j'avais sept ans, après être allé voir un gala auquel participait Eric Millot ! C'est lui m'a donné envie de patiner !

 

- Avez-vous un patineur modèle, un héros de jeunesse ?

J'étais un grand fan d'Alexeï Yagudin et de Daisuke Takahashi, ils avaient une présence incroyable quand ils patinaient. 

 

- Yuzuru Hanyu, trois quads dans un programme long, ses scores énormes, ça vous évoque quoi ?

J'ai l'impression qu'il n'arrêtera jamais de progresser, on dirait qu'il est fait pour patiner. Mais je sens surtout qu'il se mange des entraînements comme pas possible ! J'espère juste pour lui que son corps tiendra, c'est un petit gabarit. Mais il est incroyable !!

 

- Vous avez toujours été très élégant sur la glace, même quand vous étiez très jeune. C'est inné ou c'est quelque chose que vous avez travaillé ?

Je l'ai travaillé un petit peu quand j'étais jeune mais c'est surtout inné...

 

- Quand vous étiez junior, j'ai entendu un coach étranger vous surnommer "le petit Lambiel", à cause de votre silhouette et de vos pirouettes. Au fond de vous, vous vous sentez plutôt artiste ou technicien ?

J'adore vraiment les sauts dans le patinage mais ça reste un sport artistique. Je ne pourrais pas imaginer patiner et ne faire que des sauts, ne rien transmettre au public. Le public est là pour en prendre plein les yeux aussi bien au niveau artistique que technique donc il faut réussir à assimiler les deux. Chez moi, c'est vrai que le côté artistique est plus développé que le côté technique. Et la comparaison avec Lambiel, j'y ai droit très souvent.

 

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- Sur la glace et ailleurs, vous fonctionnez plutôt au feeling ou  à la réflexion ? Instinct ou prise de tête ? 

Je suis un garçon qui réfléchit beaucoup et, malheureusement, pour le sport ce n'est pas toujours très bon. Maintenant, j'essaye de moins me prendre la tête et de juste prendre du plaisir dans ce que je fais. 

 

- Dans la vie, votre plus gros défaut c'est ? Et votre plus grande qualité ?

Pour le plus gros défaut, je dirais mon impatience ! Quand je commence quelque chose, je veux des résultats tout de suite. Mais malheureusement ça ne marche jamais comme ça. Et la qualité... je ne sais pas trop. Je dirais que je suis quelqu'un d'assez gentil... [NDLR : On confirme !]

 

- Vous vous réveillez demain matin, dix ans ont passé. En plus, vous êtes devenu coach ! Qui choisissez-vous d'entraîner parmi les patineurs français et étrangers d'aujourd'hui ? Vous pouvez en choisir plusieurs, hommes, femmes et mêmes couples ou danseurs.

Aïe, c'est une question assez difficile ! Déjà, je n'entraînerais ni couples ni danseurs car je n'y connais rien !  Je n'ai pas de noms particuliers qui me viennent à l'esprit, je voudrais juste des élèves motivés, un petit groupe avec une super ambiance, des jeunes qui se poussent pour travailler et avancer !

 

- A l'INSEP, qu'avez-vous étudié et avez-vous déjà un plan de carrière pour l'après patinage ?

A l'INSEP j'ai passé mon bac et fait des études d'architecture. Pour l'instant, je ne pense pas trop à l'après patinage. Mais il y a un truc que j'adorerais c'est faire des chorégraphies !

 

- Florent va prendre sa retraite après les Europe de Bratislava, ce qui laisse un quota français pour les Mondiaux de Boston qui devrait logiquement vous revenir. Vous avez donc un peu de temps pour peaufiner vos programmes de cette année. Sur quoi allez-vous vous concentrer ?

Je vais déjà changer de programme long et ensuite, on va continuer le travail technique ! J'ai une compétition en février à Oberstdorf. [le Bavarian Open]

 

- Le thème de ce nouveau programme long ? 

L'émotion ! Il va représenter les derniers années et les moments vécus.

 

- Financièrement, avez-vous le soutien de votre fédération et si non, comment vous en sortez-vous ? J'ai lu qu'au Colorado, on vous avait trouvé un sponsor ?

Non, je n'ai aucun soutien financier de la fédération. Mais je ne m'occupe de rien, Kori, Vincent et Rohene sont vraiment au top, ils m'ont en effet trouvé un sponsor.

 

- De quoi rêvez-vous ? De participer aux J.O. ? De marquer l'histoire de votre sport ? 

Oui mon rêve ce sont les J.O. J'ai vraiment envie de briller aux prochains Jeux et surtout d'y prendre du plaisir à patiner !

 

- Vous êtes exilé sur un île déserte (où il n'y a pas de patinoire) et vous n'avez droit qu'à un seul objet dans votre sac. Qu'est-ce que vous emmenez ?

Ma brosse à dents ! :-)

 

- Un mot en conclusion ? Choisissez !

Plusieurs ! Je tiens à remercier toutes les personnes qui m'ont envoyé des messages de soutien pendant cette période assez compliquée. Je remercie ceux qui sont toujours là dans les bons comme dans les mauvais moments. Quoi qu'il ait pu se passer, je n'ai aucun regret, car tous les bons ou mauvais choix que j'ai pu faire m'ont conduit à travailler avec l'équipe de 7K et c'est une opportunité incroyable pour moi ! Même si ça ne devait pas marcher, je n'aurais pas de regret car j'aurais essayé ! Un grand merci à tous ! Et à très bientôt !

 

- Chez S.I.G., nous, on pense que ça va marcher ;-) 

 

© Propos recueillis par Kate Royan - 24 décembre 2015