© SIG - Kate Royan
© SIG - Kate Royan

Travail d'équipe...

La saison vient de se terminer abruptement pour Camille Mendoza et Pavel Kovalev, lors de la Coupe du Tyrol (du 9 au 13 mars) : lors des six minutes d'échauffement du programme court, Camille a été blessée au tibia par un coup de lame et la plaie a nécessité  plusieurs points de suture, obligeant le couple à déclarer forfait. Gros manque de chance pour ce couple que S'Kate Info Glace avait rencontré lors des championnats Elite d'Epinal . Petit retour en arrière :

 

Ils sont quatre. Deux sur la glace, deux en dehors. Camille Mendoza, 22 ans, est l'ancienne partenaire de Christopher Boyadji, parti patiner pour l'Angleterre. Pavel Kovalev, né en Russie, est venu en France tenter sa chance avec la Toulousaine il y a deux ans. Derrière la barrière, Mehdi Bouzzine, ancien patineur de couple (8ème aux championnats d'Europe 2008 avec Mélodie Chataigner) est chargé du coaching. Léonie Corbin, forte de dix-sept ans d'expérience en danse au sol, s'occupe de la chorégraphie, et également du quotidien. L'équipe est soudée, solidaire, volontaire. Chacun connaît son rôle et la machine fonctionne sans heurt sur la glace de Courbevoie. Mais c'est à Epinal, lors des championnats de France que nous les avons rencontrés, après deux programmes en demi-teinte, Camille étant gênée par une blessure au pouce.

 

- Camille, de quoi souffres-tu exactement ?

- Je me suis fait une élongation avec arrachement osseux. Les ligaments se sont déchirés et un morceau d'os s'est détaché. C'était à l'entraînement, sur un triple Salchow lancé. J'ai ouvert en l'air et j'ai posé la main à la réception. 

- Ca va mieux ?

- Oui et non. Je dois faire prochainement une radio de contrôle. Je pense que ce n'est pas encore consolidé, à la dernière radio il y a une semaine, en tout cas, ça ne l'était pas. 

 

- Comment travaillez-vous tous les quatre ? 

Mehdi : C'est vrai travail d'équipe. Sur le montage des programmes, en gros, je m'occupe des pieds et Léonie de tout le reste. Si Camille et Pavel n'aiment pas quelque chose, ils nous le disent et on change. On re-change. On re-rechange ! (Rires) Les programmes ont été modifiés plusieurs fois, notamment après la Summer Cup [Camille et Pavel ont obtenu un total de 77.57 points] où les juges nous ont conseillé d'améliorer quelques petites choses. C'est donc un travail quasi quotidien. Léonie s'occupe plus particulièrement du maintien, de l'expression, de la connexion, tout ce qui est important en patinage de couple.

Léonie : Je n'ai jamais fait de patinage mais, en plus de mes dix-sept ans de danse, j'ai étudié l'analyse théâtrale. J'essaie d'avoir un regard d'ensemble, moins technique que celui de Mehdi bien sûr. Ce qui m'importe est de leur apporter une gestuelle plus souple, plus moderne que ce qu'ils avaient jusque là. 

 

- Qui a choisi les thèmes des programmes ?

Mehdi : Un peu tout le monde, décision collégiale. Nous leur avons soumis des musiques qu'ils n'ont pas forcément appréciées ! (Rires) Pour le programme court, le choix a été assez rapide, c'est une musique sur laquelle nous avons vraiment tous flashé. Ca a été un peu plus dur pour le libre. On en est arrivé à une quinzaine de propositions musicales...

 

- Tant que ça ?!

Mehdi : Oui !! (Rires) Camille et Pavel sont un peu dans un style disons euh...

Camille : Nous avons des goûts différents !

Mehdi : Ils sont à fond dans les musiques de films, les trucs de patinage bateau que Léonie et moi nous n'aimons pas !

 

- Camille, donne-moi un exemple...

- Les grands classiques, l'Homme au Masque de Fer par exemple...

Pavel : Inception ! (rires)

 

- Camille, parle-moi de ton élément préféré.

- Le triple boucle piqué ? (éclat de rires)

Mehdi : Mais c'est vrai en plus ! 

Camille : En fait j'aime les sauts lancés en général.

 

- Et l'élément sur lequel tu es le moins à l'aise ?

- Le triple twist !

 

- Tu n'aimes pas les rotations en l'air ?

- Si, mais je n'ai pas une très bonne technique pour le moment.

 

- Même question à Pavel (en anglais cette fois)

- Les sauts, tous les sauts, sauf l'axel !

 

Mehdi : En fait Pavel est un très bon sauteur ! Il réalise tous les triples facilement. A l'entraînement, pour lui c'est même un jeu...

Camille : Il réalise des triples les bras en l'air ! 

Mehdi : Et des triples avec des fentes avant. En ce moment, il nous fait des triples flips avec un tour et demi en fente avant. Il est vraiment excellent sur les sauts ! Et je peux te dire quel est l'élément que Camille déteste réellement : la spirale de la mort ! 

(Elle confirme d'un hochement de tête.)

 

- On parle des championnats d'Europe ou c'est un sujet qui fâche ?

Grommellement indistinct et quasi-général ;-)

- Ce n'est pas vous qui décidez de toute façon...

Mehdi : Non, en effet. Ils n'ont pas fait leur job sur ces Nationaux, mais ils l'ont fait auparavant dans la saison.

[NDLR : quelques jours plus tard la sélection européenne officielle sera publiée et ils n'en feront pas partie]

- Il n'y a donc pas que cette compétition qui compte ?

Mehdi : Non mais elle est importante.

Camille : Avant que nous ne venions ici, on nous a dit qu'elle était très importante, qu'il fallait que nous fassions aussi bien qu'à Nice [où ils avaient obtenu 127 points].

 

- Mehdi, qu'est-ce qui distingue ce couple de ceux que tu as connus jusque là ? 

- Leur capacité de travail. Ce sont de très gros bosseurs et d'excellents sportifs dans le bon sens du terme. Ils ne rechignent jamais à la tâche, ils ne disent jamais non.

- Ont-ils un point faible ?

Léonie : Ils manquent de maturité artistique. Ils sont encore jeunes, ils ne savent pas encore forcément ce qu'ils aiment, ce qui leur va ou au contraire ne leur va pas. Ce qui entraîne un manque de confiance en eux-mêmes et par rapport aux autres. Ils n'ont pas une grande expérience ensemble. Ils sont associés depuis deux ans mais seulement par intermittence, il y a eu de longues périodes pendant lesquelles Pavel était bloqué en Russie. Avant de nous rejoindre, Pavel n'a pas concouru pendant cinq ans et Camille s'est entraînée seule pendant trois ans. C'est vraiment ce qui leur manque, ils sont jeunes en terme d'expérience à deux sur la glace. Et ils sont jeunes tout court, ils ont 21 et 23 ans, ils sont encore dans une phase où il se cherchent.

 

- Question aux patineurs : vous êtes d'accord avec ça ? Vous n'êtes pas obligés !

Camille : Non mais c'est vrai, tout à fait. On a conscience de manquer de maturité et de confiance en particulier sur la chorégraphie. C'est un souci que j'avais déjà en individuelle.

Elle traduit la question à Pavel. [Il  a du mal à me comprendre à cause de mon accent nord-américain. Camille est obligée de traduire dans ce qui est leur langage propre : un anglais slavisé aux maximum par des tournures de phrases et un accent russe magnifique ! C'est tout à fait spectaculaire et charmant, les écouter est une expérience inégalable ;-)]

Pavel : je pense toujours que je vais réussir à exprimer quelque chose, j'essaie puis je me vois en vidéo et je réalise que ce n'est pas ça du tout ! On n'est pas bons en expression, non, c'est vrai !

 

- Votre prochain objectif ?

Mehdi : Assurer le triple twist et continuer la saison car mine de rien, il n'y a pas que la sélection européenne...

- C'était la question suivante. En l'absence de cette sélection vous faites quoi ?

Mehdi : Point d'interrogation. On va essayer de participer à une autre compétition internationale. Nous avons listé un certain nombre d'épreuves que nous aimerions faire auprès de la fédération, dont Oberstdorf et la Haye. Mais c'est à une semaine d'intervalle.

Léonie le coupe : Non, à trois semaines d'intervalle, écoute le manager administratif. (rires)

Mehdi : Rien de sûr pour Oberstdorf [leur participation a été validée et ils ont terminé 5èmes de la compétition]. Nous y sommes allés l'an dernier, le voyage est assez long. Depuis Paris la Haye est plus facile d'accès, beaucoup plus direct. [La compétition de La Haye a finalement été annulée] Les Europes auraient été parfaits mais le choix ne nous appartient pas. Nous allons évidemment continuer de travailler les éléments sur lesquels ils ont des difficultés. Et surtout, pour l'an prochain, nous allons monter de nouveaux programmes qui soient beaux, qui les mettent un maximum en valeur. Il va nous falloir trouver de nouvelles musiques, essayer de nouveaux éléments, nous avons déjà des pistes. 

 

- J'ai assisté à l'un de vos entraînements à Chamonix l'été dernier, ce que j'ai vu était plutôt bon. Pourtant il paraît que vous n'étiez pas dans un bon jour...

Mehdi et Camille : Non, clairement pas ! A Chamonix, ça a été très dur, sauf une seule journée. La saison a été très longue. On nous a demandé de faire la Summer Cup (Camille dit : "obligés entre guillemets"), ce qui signifiait être prêts dès le 20 juillet.

- Soit au moment où les autres n'ont pas encore finalisé leur programmes.

Mehdi : Pour des seniors, cela représente une longue saison. On l'a payée sur la blessure de Camille. Il est difficile d'être encore performant sept mois plus tard, c'est beaucoup, beaucoup de boulot.

 

- Que faites-vous de votre temps libre ?

Camille : J'essaie de poursuivre mes études universitaires dans une unité scientifique.

- Pavel ?

- "Close to nothing" (Quasiment rien)

Camille : il joue avec des amis sur Skype ! (rires)

- Tu rentres souvent chez toi Pavel ?

C'est Mehdi qui répond : Non, ça coûte beaucoup trop cher.

Camille : Et la paperasse est très compliquée.

 

- Vous avez autre chose à nous dire ?

Mehdi : Camille était très stressée ici à Epinal...

- Pourquoi ? Tu stresses beaucoup en général ?

Camille :  Oui déjà, mais particulièrement ici. Savoir qu'on est ainsi attendus par la fédération..

- C'est normal ça, non ?

- Oui bien sûr. Ce qui a été stressant, c'était d'apprendre au dernier moment la présence d'un autre couple [NDLR : Esbrat/Novoselov]

- D'autres couples, il y en a dans toutes les compétitions...

- Oui, bien sûr. En fait c'était d'apprendre leur présence au tout dernier moment. Du coup on s'est sentis de trop...

- Mais il n'y avait aucune raison pour que vous vous sentiez de trop. Vous étiez inscrits, vous aviez les points, votre présence était légitime.

Camille (gênée) : Oui OK, mais...

- Tu sais comment apprendre à gérer ça ?

Elle rit : Il faut relativiser !  C'est juste que... c'était nos premiers championnats de France, il a été difficile de faire descendre la pression.

- Trois couples en France, ce n'est pas la mer à boire, tu pourrais être dans un pays où il y en a douze !!

Camille : En Russie par exemple ! 

Eclat de rire général. Et belle façon de conclure une entrevue très sympathique !

 

 

Propos recueillis par Kate B:R: pour S'Kate Info Glace © Dec 2015