© Olivier Brajon
© Olivier Brajon

Mondiaux Milan 2018 - Libre Danse


 

Danse Libre : La Lune et les étoiles pour un moment d'éternité.

 

Ils sont champions du Monde pour la troisième fois. Ils n'arrêtent plus d'écrire l'histoire. En décembre dernier, aux championnats de France, j'écrivais : "lorsque je vois Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron sur la glace, je pense : ils ne pourront jamais faire mieux. A la compétition suivante, je réalise que je me suis trompée". Il y a eu deux compétitions depuis cette date, les championnats d'Europe et les Jeux Olympiques. Ils ont a gagné les premiers, eu l'argent des seconds. Nous sommes aux championnats du Monde et, comparé à Décembre,  leur "Sonate au Clair de Lune" est encore plus légère, plus fusionnelle, plus émouvante. "La perfection n'existe pas" dira Gabriella en conférence de presse. C'est vrai, mais ils en sont si proches. L'unisson est totale, la chorégraphie s'est encore enrichie depuis PyeongChang, ils sont éblouissants de grâce et de sobriété. Ils battent de nouveau deux records : 123.47 points dans la danse libre et 207.20 points au total. Trente 10 parfaits en PCS, dont neuf en Performance, soit l'unanimité des juges.  Ce n'est pas si fréquent ! Des éléments uniquement de niveau 4. Leur "Sonate au Clair de Lune" aura longuement mûri toute la saison pour devenir le chef d'oeuvre inégalé qu'ils nous présentent aujourd'hui. Il faudrait inventer d'autres qualificatifs, d'autres superlatifs, pour décrire leur façon de patiner. Ils sont les premiers à avoir ce style totalement dépouillé, la pureté même. Le public ne s'y trompe pas, la standing ovation et les applaudissement qu'il leur réserve secouent la patinoire encore plus fort que pour les adieux qu'ils viennent de faire à Cappellini/Lanotte. L'hommage est à la hauteur de la prestation. Après la performance et l'émotion, viennent un soupçon de tristesse et le début d'une nostalgie : nous ne reverrons plus ce programme. Puis, tout de suite après, ce sont curiosité et impatience qui prennent le relais : que vont-ils nous proposer l'an prochain ?! Que l'automne semble loin ! Guillaume :

- "Nous sommes très heureux de ce que nous avons fait aujourd'hui, bien sûr à cause des scores, mais aussi de notre feeling sur la glace. On a pris tellement de plaisir et on s'est sentis tellement capables de contrôler ce qui se passait. C'est une des premières fois qu'on atteint ce niveau de qualité, la connexion entre nous et avec le public était incroyables. L'atmosphère autour de nous a rendu ce moment très spécial. C'est une jolie victoire, c'est sympa. Nous sommes très fiers de cette troisième médaille d'or. C'est un moment dont nous nous souviendrons, nous avons battu trois records, dans la danse courte, la danse libre et au classement général". 

 

Madison Hubbell et Zachary Donohue sont seconds,  et de très beaux médaillés d'argent (116.22/196.64). Rien à voir avec le style de Papadakis/Cizeron, eux jouent au contraire sur la puissance. Mais pas seulement. L'école de Gadbois leur a inculqué finesse et grâce. Ils sont dorénavant de dangereux concurrents pour à peu près tout le monde. Athlétiques, mais aussi sensuels, le rythme de "Across the Sky" par le chanteur de blues/soul Rag'n'Bone Man, et de "Caught Out in the Rain" de la formidable Beth Hart à la voix si chaude et voluptueuse, leur va comme un gant, enveloppant, envoûtant. Pas de 10 en composantes, mais sept fois 9.75 (et un 8.75 isolé en transitions qui me paraît sévère). 7.25 points de retard sur les Français dans la danse libre, et 10.56 au total, c'est à la fois beaucoup, (différence difficile à combler à l'avenir)  et  peu en comparaison des écarts énormes vus dans les autres disciplines de ces championnats. Peut-être que, tout simplement, le niveau est plus homogène en danse sur glace.  Madison :

- "Zach et moi-même sommes évidemment ravis. Nous n'étions jamais montés sur un podium de championnats du monde, et se retrouver là après une si longue et si dure saison, c'est une belle façon de la finir ! Nous pensons avoir abattu beaucoup de boulot pour nous débarrasser de nos démons et de nos craintes, de tous ces "et si" qui nous traversaient l'esprit. Nous avons un passif, nous sommes connus pour commettre des erreurs et baisser les bras. Notre performance d'aujourd'hui nous permet d'atteindre un objectif : garder notre connexion, garder notre élan, croire en nous. Nous avons hâte d'enchaîner avec la prochaine saison". 

 

Troisièmes et médaille de  bronze (114.04/192.35), les Canadiens Weaver/Poje peuvent respirer. Ils sont 4èmes de la danse libre mais ont conservé leur rang de la danse courte (comme les deux couples qui les précèdent) même s'ils paraissent ce soir tendus et un peu lents sur la glace. J'ai toujours été, et je serai toujours,  séduite par leur élégance et leur passion. Au contraire de la plupart de leurs homologies nord-américains, ils ne jouent pas. Il vivent. D'où l'émotion qui se dégage de tous leurs programmes. Ils disent avoir mis toute leur âme dans ce "Je suis Malade" en version Lara Fabian, on le ressent, on vibre avec eux,  ils sont à la fois lumineux et profondément touchants. La façon qu'à Andrew d'envelopper sa partenaire de gestes doux, protecteurs, en suivant les accents de la musique, pendant qu'elle souffre, meurt, renaît, est aussi délicate qu'émouvante. Impossible de savoir s'ils poursuivront leur carrière après ces championnats, Andrew esquivant toutes les questions avec beaucoup d'humour. Ils sont pour moi, les Denkova/Staviski nouvelle génération, pas aussi créatifs et originaux que les Bulgares, mais tout aussi fascinants. Kaitlyn :

- "Je n'ai pas de mots pour un tel moment. Le programme est passé si vite et nous nous sommes retrouvés sur le podium. Nous avons eu une saison très difficile, truffée de blessures, nous avons traversé les pires moments de notre carrière. Terminer sur cette bonne note, avec notre programme préféré, et probablement la meilleure performance que nous ayons jamais faite, c'est remarquable. Nous n'avons rien d'autre à partager que de la joie". 

 

Les Italiens Cappellini/Lanotte ratent le podium pour 0.27 points. Difficile de ne pas être déçus pour eux, même quand on est grand fan des Canadiens. "Merci d'avoir patiné avec moi" dit Anna, en larmes, à son partenaire en fin de programme. Même sans médaille, ils terminent leur carrière de belle façon, avec une danse libre faite sur mesure pour eux, du pur Cappellini/Lanotte, eux qui ne sont jamais ni déjugés ni compromis. "La Vie est Belle", oui. On leur a reproché de faire  "toujours la même chose" et on a sans doute eu raison. Mais cette marque de fabrique a eu ses adeptes, on peut aussi aimer la continuité plutôt que le changement. Ils sont troisièmes du libre (114.62) mais seulement quatrièmes du général avec 192.08 points. Le public italien leur fait un triomphe mérité. Il est toujours triste de s'en aller et la période post-olympique est propices aux adieux. Nous le savons, nous y sommes préparés tous les quatre ans. Mais l'émotion est communicative et nous sortons quand même nos mouchoirs... Luca :

- "Peu importe le résultat, aujourd'hui nous avons sans doute vécu la plus grande émotion de notre carrière. Nous nous sommes donnés tout ce que nous avions. Lorsque nous étions enfants, nous n'avons jamais imaginé que nous irions si loin, si haut !"

 

Madison Chock et Evan Bates sont 5èmes (111.62/187.28). La jeune femme, qui va sans doute devoir être opérée de la cheville, n'a pas été au mieux de sa forme toute la saison. Leur "Imagine" est néanmoins une réussite, ici à Milan. Patinage tout en douceur, un peu trop lent peut-être, mais empreint de romantisme et de sensibilité. On souhaite vraiment à Madison de voir sa cheville guérie et on espère qu'elle et son partenaire pourront rester sur le circuit. Ils sont talonnés (111.59/186.10) par les Canadiens Gilles/Poirier. Je n'accrochais pas à leur "Perry Mason" du début de saison, je ne suis pas sûre de beaucoup plus aimer leur "James Bond". Ils sont pourtant tous deux d'excellents interprètes, dotés d'une glisse sûre et d'une grande créativité. C'est peut-être cela, la créativité, qui leur à quelque peu fait défaut cette saison. Année de transition ? On les retrouvera avec le plus grand plaisir dès l'automne. 

 

Tiffany Zahorski et Jonathan Guerreiro conservent leur 8ème place, juste derrière leurs compatriotes Stepanova/Bukin. Une saison incroyable pour ces jeunes gens qui ont traversé tant de tempêtes. Les voici deuxième couple russe dans LE pays de la danse sur glace, celui qui a trusté les podiums pendant des décennies, et qui continue de bénéficier d'un important vivier. Les Français Lauriault/Le Gac remontent d'un rang pour prendre la 13ème place finale (96.14/159.64). Leur danse libre sur un medley de "Queen", qui démarre tout en grâce et en retenue pour finir par un rock endiablé, est de celles qui galvanisent le public. Les deux jeunes gens battent leur propre record de points et manquent de peu rapporter un troisième quota à la France. Ce sera pour l'an prochain ! 

 

© S.I.G. - Sur place : Kate Royan

 

Classement danse libre et scores détaillés

Classement final

 

© Olivier Brajon
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© SIG - K. Royan
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© SIG - K. Royan
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