© Alice Alvarez
© Alice Alvarez

Masters 2017 - 2ème jour


Les juniors dames passent à l'attaque dès le début d'après-midi.  Comme la veille, la compétition est en demi-teinte, avec un niveau technique moyen. Ou peut-être sommes-nous trop difficiles en ce tout début de saison ? Une chose est sûre, le club de Nice peut être fier de ses élèves qui terminent aux trois premières places. Pauline Wanner  (81.40 / 124.43) devance de peu Héloïse Pitot (77.32 / 123.11) mais c'est Océane Piégad qui remporte la seconde place du libre (77.77) pour terminer 3ème avec un total de 116.53, laissant la quatrième, Naomie Mugnier, à près de 7 points ! La déception vient d'Alizée Crozet qui a de nouveau accumulé les erreurs. Patineuse très prometteuse il y a encore deux ans, elle semble devoir rester victime d'un blocage technique et psychologique très handicapant. On lui souhaite de parvenir enfin à corriger le tir cette saison.

 

Autre trio gagnant, les danseurs juniors de Villard de Lans. Sur la formidable musique de "Game of Thrones" et dans une chorégraphie ciselée, le tout assorti de costumes superbes,   Loïcia Demougeot et Théo Lemercier sont absolument captivants. Quelle aisance et quelle expressivité malgré leur jeunesse ! Le programme, d'abord délicat et poétique, monte en puissance avec la musique. Le dernier porté est à couper le souffle. 71.33 points et un total de 124.33 leur assure une très belle victoire, loin devant leurs poursuivants. Mathilde Viard et Renan Manceaux sont pourtant les dignes héritiers du couple Blanc/Bouquet. Mais la chute lors de la danse courte leur a fait perdre un grand bol de points. Un tango très bien exécuté leur rapporte 61.40 et un total de 101.03 pour une seconde place. Une chute assez brutale sur leur pirouette en début de programme va peser lourd dans la balance pour Marie Dupayage et Thomas Nabais. Dommage car eux aussi ont une excellente danse libre (52 points), toute en finesse et originalité. Ils terminent troisièmes avec un total de 98.38. Mention très bien aux élèves de Fabian Bourzat, Maïa Iannetta et Arnaud Caffa : le couple américano-français finit 4ème (53.87 et donc troisièmes de la danse libre / total : 88.65) alors qu'ils ne patinent ensemble que depuis quatre mois. 

 

Les costumes sont sobres, élégants, d'un noir dramatique qui va bien au thème de "Hunger Games". Après la gaieté de leur programme court, les juniors Cléo Hamon et Denys Strekalin, dans un registre plus sombre, prouvent qu'ils sont un vrai couple d'avenir même si deux chutes, l'une sur le triple Salchow lancé, l'autre sur le dernier porté écrasé, donne un bon coup de canif dans le total des points. Trois déductions 60.34 et au final : 101.44.

 

A Great Big World remplace cette année Disturbed pour le libre de Vanessa James et Morgan Ciprès, et si j'ai eu peur un instant que la puissance émotionnelle du programme soit moindre, je me suis inquiétée pour rien ! "Say Something I'm giving up on You" est une chanson pop et plus soft, ses interprètes, Chad King et Ian Axel (oui oui, Axel, nom prédestiné !) n'ont pas la voix rauque et basse de David Draiman, artiste de heavy metal. Mais l'orchestration de la chanson des New-Yorkais est magnifique, envoûtante, tout comme l'est le programme des Français, qui se sont offert de battre les Canadiens Duhamel/Radford sur leur terrain le week-end dernier, lors de l'Autumn Classic de Pierrefonds.  Tout, dans ce libre, a été travaillé comme de la dentelle. La vitesse d'exécution, les difficultés enchaînées, le moindre geste, tout témoigne d'une construction minutieuse, équilibrée, et d'un travail énorme en aval. Leur aisance est aussi spectaculaire que leur triple twist est vertigineux. Les sauts parallèles sont nets, le triple Lutz lancé très bien exécuté et, cerise sur le gâteau, un quadruple Salchow lancé (légèrement touché en réception) vient compléter cet extraordinaire tableau. Pas de doute, pour ce qui sera sans doute leur dernière saison sur la glace, Vanessa et Morgan sont prêts pour Pyeonchang. 154.44 points récompensent ce libre magnifique, pour un total de 226.99 points. 

 

Difficile, pour les trois autres couples français, de briller face à de tels concurrents. Alors que les programmes courts avaient été d'un bon niveau, les libres aujourd'hui vont enregistrer un grand nombre d'erreur et d'approximations. Lola Esbrat et Andreï Novoselov ont des portés superbes mais, dans le même programme que l'an dernier, ils sont en délicatesse avec leur technique. Triples sauts tronqués, chutes sur les sauts lancés, problèmes de synchronisation et d'équilibre. Ils ne seront que troisièmes du libre (78.46) mais seconds au classement général (127.07). Une place de gagnée par rapport au court donc, pour Camille Mendoza et Pavel Kovalev (80.09). Le couple a fait de nets progrès au niveau de l'expression. Camille a toujours du mal à réceptionner ses sauts lancés, mais eux aussi ont de très beaux portés. Ils sont troisièmes du classement final avec 124.69 points. Le dernier couple, Coline Keriven et Noël-Antoine Pierre s'essaie à un medley Pink Floyd/Beatles/Stones très ambitieux mais le niveau technique n'est pas encore là. 74.13, pour un total général de 114.43. Il faut qu'ils persistent, ils ont du potentiel et la France a besoin de couples !

 

En l'absence de Kevin Aymoz apparemment blessé, et de Chafik Besseghier malade et forfait, les rangs des seniors messieurs ont paru un brin dépeuplés. "Imagine" de John Lennon va à Romain Ponsart, l'homme en noir,  comme un gant. Le jeune homme a toute l'âme et le sens artistique nécessaires pour interpréter un tel monument musical. Toujours aussi élégant, félin, Romain. Mais il chute sur son quadruple en entame de programme. Son triple Axel et sa combinaison triple Lutz/double boucle piqué sont réussis mais Romain peut techniquement réaliser beaucoup mieux. La pirouette assise avec changement de pied invalidée par les juges lui coûte très cher. Il est cependant premier du classement provisoire avec 67.05 points. Avec deux chutes et des sauts en sous-rotation, Adrien Tesson n'est pas dans un excellent jour. Pourtant ce garçon, que je trouve de plus en plus artiste, prend du plaisir à patiner sur les Beatles et un "Come Together" très bien chorégraphié. Il est second avec 62.80 points. L'homme à fort potentiel du jour est Landry Le May. Ce garçon est une pépite, un peu comme l'est Kevin Aymoz, mais dans un autre style. La hauteur de ses sauts est impressionnante. Pas encore très à l'aise artistiquement, il est par contre excellent en technique : une combinaison triple boucle piqué/triple boucle piqué, un triple Lutz, un triple Axel. Tout n'est pas net et des petits points s'envolent mais le score est tout de même de 61.54. Philipp Warren a gardé son programme court de l'an dernier sur "Hotel California" des Eagles, mais pas la même forme physique. Il est toujours aussi explosif sur ses sauts, et réussit le pari d'être à la fois ultra-puissant et léger. Son triple Axel, placé en fin de programme, est de toute beauté. Mais trop d'erreurs le relèguent en 4ème position (56.58). Joshua Rolls, cinquième (53.00) a, pour l'instant,  un contenu technique encore trop léger pour pouvoir rivaliser avec ses concurrents. 

 

Tout le monde l'attend : la danse courte senior. Pendant les six minutes d'échauffement, il est demandé au public de ne pas filmer Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron et de ne pas diffuser d'enregistrement de leur SD sur Internet. Les réseaux sociaux et les forums, frustrés, se mettent immédiatement à gronder. Il y a pourtant une logique évidente dans cette demande. Les images à ce jour disponibles de leurs concurrents directs, les Canadiens Virtue/Moir, qui ont déjà patiné en compétition, sont des images de TV professionnelle. Une vidéo tournée depuis les tribunes avec une tablette ou un smartphone ne peut avoir la même qualité. Or, c'est la première sortie officielle des danseurs français en préparation olympique et ce serait leur infliger un désavantage que de diffuser d'eux des images de mauvaise facture. A l'ère de l'information immédiate, la guerre de l'image n'est pas une légende et il faut comprendre que les patineurs ne formulent pas cette demande par prétention ou vanité. Pourquoi seraient-ils pénalisés par rapport à leurs rivaux en raison de l'absence d'une couverture audiovisuelle de qualité ? Ce n'est pas à eux qu'incombe la médiatisation d'une compétition, ni d'ailleurs au public. 

 

Et c'est vrai qu'elle mérite mieux qu'une vidéo d'amateur cette Short Dance ! En noir, Guillaume est aussi sobre que Gabriella est lumineuse dans sa robe verte et dorée. Si je ne suis pas ultra-fan du choix musical ("Shape of You" et "Thinking out Loud" de Ed Sheeran, adaptés en version latino), la danse elle-même est magnifique. "Caliente", sexy, à l'aise, mutins, rieurs, ils vivent à fond leur thème et le spectateur n'a pas le temps de respirer. Ca va vite, très vite. Ce petit bijou leur vaut des 10 en transition, performance, composition et interprétation ! Bien sûr, ce sont des notes données par un jury français, donc à prendre avec un peu de recul. Un accroc de Gabriella sur les twizzles n'entame pas un total de 80.54, ils s'installent tranquillement en haut du classement. 

 

Qui sont les seconds ? Les ex-juniors, pour leur première saison en seniors : Angélique Abachkina et Louis Thauron. Entraînés par Fabian Bourzat à Détroit, ils ont fait des progrès considérables cette année. Angélique est moins théatrale qu'avant mais tout aussi gracieuse et expressive. Louis a trouvé sa place et ils forment un vrai couple de danse, sans qu'un des partenaires ne prenne plus le pas sur l'autre. Ils sont seconds avec 62.45 points. Marie-Jade Lauriault et Romain Le Gac sont troisièmes (61.24). Très en forme, très athlétiques, j'apprécie toujours autant leur glisse, par contre les costumes me gênent un peu, même s'ils sont pile dans le thème imposé : orange trop criard pour elle et sa chevelure auburn, chemise violette ouverte jusqu'au nombril pour lui, un brin caricatural. Je ne suis pas grande fan non plus de la queue de paon d'Adelina Galyavieva, trop longue et trop volumineuse pour la petite taille de la patineuse. Mais ce n'est pas le plus important. Le couple de danse qu'elle forme avec Laurent Abécassis a pris de l'ampleur. Un porté trop long va leur coûter une déduction mais j'aime leur danse courte, originale et enjouée (48.87). Lorenza Alessandrini et Pierre Souquet ferment la marche, victimes de niveaux très bas. Pourtant l'exécution est bonne, le programme est bien construit et très agréable à regarder. Mais tous les GOE sont nuls ou négatifs, ce qui ne pardonne pas. Total : 43.19.

 

Sur place : Kate Royan ©